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Épisode 1 · Le marché européen de l’électricité : qu’y a-t-il derrière la prise ?

02/02/2023

Dans le premier épisode de cette série de trois podcasts consacrée au marché de l’électricité, Hélène Baudchon, Responsable de l’équipe OCDE, et Félix Berte, économiste, décryptent le fonctionnement du marché de l’électricité, un marché aujourd’hui sous le feu des projecteurs avec la flambée des factures énergétiques pour les ménages et les entreprises.

Transcription

Hélène Baudchon :

Bonjour à toutes et à tous. Commençons par vous souhaiter, à vous tous qui nous écoutez, à tous nos abonnés, une excellente année 2023 ! Nous nous retrouvons pour un nouveau podcast en trois épisodes sur le fonctionnement et les enjeux du marché de l’électricité européen. Au micro, Helene Baudchon, pour cette nouvelle série. Je suis accompagnée de Félix Berte, économiste dans l’équipe OCDE. Félix, bonjour…

Félix Berte :

Bonjour Hélène.

Hélène Baudchon :

Le marché de l’électricité est un marché essentiel au fonctionnement de l’économie, qui fonctionne nuit et jour, et pourtant il connaît aujourd’hui des tensions notables, on a même parlé de risque de coupures cet hiver. Ce marché est aujourd’hui sous le feu des projecteurs avec la flambée des factures énergétiques pour les ménages et les entreprises.

Au programme de ce Podcast, dans un premier épisode nous allons nous concentrer sur le fonctionnement du marché de l’électricité, avant de s’interroger, dans un deuxième épisode, sur les déterminants des prix de l’électricité. Et dans un troisième et dernier épisode, nous nous intéresserons aux raisons des hausses du prix de l’électricité et aux mesures économiques pour y faire face.

Pour commencer une question simple, Félix, qu’est-ce que le marché de l’électricité ? En tant que consommateur, on souscrit un abonnement auprès d’un fournisseur d’électricité et lorsque l’on appuie sur l’interrupteur, l’électricité arrive et la lumière s’allume, mais qu’y a-t-il de l’autre côté de la prise ?

Félix Berte :

De l’autre côté de la prise, il y a tout un écosystème d’acteurs économiques : des producteurs, des transporteurs, des distributeurs ou encore des fournisseurs. Pour y voir plus clair, il convient de comprendre le fonctionnement du réseau électrique, dont on distingue généralement 3 types d’acteurs :

  • En amont de la chaîne d’acheminement de l’électricité, il y a les producteurs qui, comme leur nom l’indique produisent de l’électricité ;
  • Ensuite viennent les transporteurs et les distributeurs, qui se chargent, eux, de la transporter de son lieu de production vers son lieu de consommation : une maison, une usine…
  • Et en aval, enfin, on trouve les fournisseurs qui vendent l’électricité auprès des entreprises et des particuliers.

Hélène Baudchon :

Et le marché de l’électricité dans tout ça ?

Félix Berte :

L’expression « marché de l’électricité » désigne en réalité une pluralité de marchés. Au niveau européen, on distingue généralement deux grands marchés libéralisés :

  • Le marché de la production d’électricité d’une part où les producteurs vendent leur électricité. C’est le marché amont, celui qui s’organise autour des producteurs.
  • Et l’autre grand marché est celui de la commercialisation. C’est sur ce marché que les consommateurs achètent leur électricité, souvent en souscrivant à des contrats auprès des fournisseurs.

Hélène Baudchon :

Vous avez souligné le fait que cette distinction correspond au niveau européen, la situation est donc spécifique à l’Union Européenne ?

Félix Berte :

Oui et non. Disons qu’il existe d’autres modes d’organisation du marché de l’électricité pour des raisons historiques, culturelles ou juridiques. Aux Etats-Unis par exemple, on trouve trois réseaux électriques interconnectés avec plus ou moins de concurrence sur le segment transports/distribution et sur le segment fourniture selon les Etats.

Hélène Baudchon :

Revenons au marché européen, pour nous intéresser au marché de la production d’électricité. On sait qu’il est difficile de stocker l’électricité ou que cela coûte chère, comment fonctionne un marché dans lequel on ne peut pas stocker le produit vendu ?

Félix Berte :

En effet, c’est la grande spécificité de ce marché. L’électricité se stocke difficilement ou dans de faibles proportions. Plus que jamais l’injection d’électricité, c’est-à-dire l’offre, et la consommation d’électricité, c’est-à-dire la demande, doivent s’équilibrer en temps réel. A ce titre, la gestion du réseau électrique nécessite de contrôler en permanence la tension du marché de l’électricité, comme le pouls dans le corps humain. Une tension trop basse ou trop élevée est de nature à perturber le bon fonctionnement du réseau. En France, c’est RTE (le Réseau de Transport d’Electricité) qui a la charge d’assurer la bonne gestion du réseau électrique.

Hélène Baudchon :

En cas de déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité, c’est la coupure, le fameux black-out électrique ?

Félix Berte :

Exactement ! Une surtension, c’est-à-dire un excès d’offre par rapport à la demande, ou une sous-tension, c’est-à-dire un déficit d’offre par rapport à la demande, risquent de faire disjoncter le réseau électrique, c’est ce que l’on appelle un black-out. Le black-out a des conséquences directes sur le fonctionnement de notre société, d’autant plus que le réseau peut mettre plus ou moins de temps avant de retrouver un fonctionnement normal.

Hélène Baudchon :

Comment se prémunir contre un tel risque de black-out ?

Félix Berte :

Pour se prémunir contre ce risque de black-out, il faut distinguer deux types d’instrument : ceux qui agissent en cas de déficit d’offre et ceux en cas d’excès d’offre. L’idée est de toujours parvenir à équilibrer l’offre et la demande en temps réel.

- Pour éviter un déficit d’offre, il faut accroître les capacités de production électrique globale selon les prévisions d’évolution de la demande d’électricité. Et l’une des complexités du marché de l’électricité repose sur le fait que la demande lors de pics de consommation croît plus fortement que la demande globale. Il faut donc installer des unités de production qui produiront pendant un laps de temps court mais critique. Ce modèle nécessite un modèle de financement très spécifique, c’est la logique du marché de la capacité. Il est également possible de demander aux consommateurs, ménages et entreprises, de réduire une partie de leur consommation, cette fois, c’est la logique du marché de l’effacement.

Hélène Baudchon :

Et dans le cas d’un excès d’offre, comment cela se passe-t’il ?

Félix Berte :

Un excès d’offre est généralement plus facile à gérer et fait appel à différents mécanismes pour réduire la production ou inciter la consommation.

Hélène Baudchon :

Merci Félix pour cette description des différents acteurs et marchés de l’électricité . Dans notre prochain épisode, nous nous concentrerons sur la fixation des prix sur le marché de la production et de la fourniture.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE