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Perspectives 2023 : l'espoir de la désinflation, la crainte de la récession

24/01/2023

Nous venons de traverser une période très chaotique, en effet les trois dernières années ont été marquées tout d'abord par la pandémie de Covid-19 en 2020 — et le choc récessif massif qu’elle a provoqué — puis par le rebond économique de 2021 qui a surpris par sa vigueur, et enfin par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le choc inflationniste et la crise énergétique en 2022. De quel bois l’année 2023 sera-t-elle faite ? À quoi peut-on et à quoi doit-on s’attendre ? Hélène Baudchon, responsable de l’équipe OCDE nous répond.

Transcription

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Bonjour à tous,

Commençons par vous souhaiter, à vous tous qui nous écoutez, à tous nos abonnés une excellente année 2023 !

Et pour bien commencer l'année nous vous proposons de faire le point sur ce qui nous attend sur le front de l’économie.

Nous recevons, aujourd'hui Hélène Baudchon, Économiste, responsable de l’équipe OCDE des études économiques, qui va nous donner ses points d'attention pour 2023.

Hélène, bonjour et bienvenue ! Nous sommes ravis de vous avoir pour un nouveau podcast.

Hélène Baudchon : Bonjour, … je suis également ravie de vous retrouver…

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Nous venons de traverser une période très chaotique, en effet les 3 dernières années ont été marquées tout d'abord par la pandémie de Covid-19 en 2020 et le choc récessif massif qu’elle a provoqué, puis par le rebond économique de 2021 qui a surpris par sa vigueur, et enfin l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le choc inflationniste et la crise énergétique en 2022 —, de quel bois l’année 2023 sera-t-elle faite ? À quoi peut-on et à quoi doit-on s’attendre ?

Hélène Baudchon : 2023 apparaît charnière à trois égards. L’inflation va-t-elle baisser ou, plus exactement, à quelle vitesse et dans quelle ampleur ? Quand et à quel niveau les banques centrales (Réserve fédérale américaine et Banque centrale européenne en tête) vont-elles arrêter de remonter leurs taux directeurs ? À quel point la croissance va-t-elle continuer de faire preuve de résistance ou sombrer face au cumul des chocs ?

Les économistes emploient rarement le terme « certitude » lorsqu'ils commentent leurs prévisions. Après tout, l'activité économique est si complexe, dynamique et sujette aux imprévus que les projections sont souvent, voire systématiquement, entourées d'un fort degré d'incertitude. Si l’on regarde 2023, la liste des « inconnues connues » est longue. Néanmoins, concernant les États-Unis et la zone euro, il existe aussi des « certitudes », c’est-à-dire des développements dont on pense qu’il est très probable qu’ils se produisent.

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Quelles sont donc ces certitudes, je crois que vous en distinguez trois ?

Hélène Baudchon : (Beaucoup ?) moins d’inflation

La première de ces certitudes est la baisse de l’inflation (on peut aussi parler de désinflation). OUI L’inflation devrait, en effet, mécaniquement refluer en 2023, possiblement de manière importante, grâce à la diminution de la contribution des prix de l’énergie et alimentaires. L'atténuation des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et la réduction de la demande — qui pèsera sur le pouvoir de fixation des prix des entreprises — devraient également contribuer à faire baisser l'inflation.

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Voici donc pour la première des certitudes et la deuxième ?

Hélène Baudchon : Fin du resserrement monétaire

La deuxième certitude est la fin du resserrement monétaire, au sens où nous anticipons que le pic des taux directeurs des banques centrales sera atteint. En 2022, la flambée de l’inflation et un début de hausse des anticipations d’inflation ont justifié la remontée à marche forcée des taux d’intérêt. Le rythme et l'ampleur de la normalisation monétaire ont ainsi été plus rapides que lors des cycles précédents : cela implique que le taux terminal soit aussi atteint plus rapidement. L’ampleur du chemin déjà parcouru fin 2022, les premiers signes de désinflation observés combinés aux craintes de récession permettent aussi d’envisager une fin prochaine du cycle de hausse.

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Et troisièmement, à quoi vous attendez-vous certainement ?

Hélène Baudchon : (Beaucoup ?) moins de croissance

Enfin, une récession dans la zone euro semble inévitable, sous le poids des chocs et de la crise énergétique notamment dont on n’a pas encore vu les pleins effets. Nous tablons sur trois trimestres de croissance trimestrielle légèrement négative à partir du quatrième trimestre 2022. Les données d’enquête atteignent déjà, fin 2022, un niveau correspondant à une contraction du PIB.

Mickaëlle Fils Marie-Luce

Observera-t-on la même tendance aux États-Unis ?

Hélène Baudchon

Aux États-Unis, nous nous attendons à une récession d’une même durée et d’ampleur limitée aussi mais à partir du deuxième trimestre 2023 seulement et imputable pour une grande part aux effets retardés du resserrement monétaire. Cette récession se dessine déjà dans la baisse des indicateurs avancés américains. Les mesures de soutien budgétaire, les difficultés de recrutement propices à la rétention de main d’œuvre, l’urgence et l’ampleur des besoins d’investissements dans la transition énergétique sont les principales raisons pour lesquelles nous anticipons, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre, une récession d’ampleur et de durée limitées.

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Vous disiez Hélène que les économistes emploient rarement le terme de "certitude", vous êtes plus coutumiers des imprévus, des incertitudes, quels sont vos points d'attention pour l'année qui commence ?

Hélène Baudchon : Des incertitudes multiples

Ces « certitudes » s’accompagnent toutefois d’une multitude d’incertitudes et de risques baissiers, au premier rang desquelles l’évolution de la guerre en Ukraine et ses possibles répercussions sur l’économie mondiale. Une autre incertitude concerne l'inflation car les risques continuent d'être orientés à la hausse (effets des hausses passées de prix, dynamique des salaires) et la désinflation pourrait être moins ample que prévu. Si cela devait être le cas, cela rehausserait le point d’arrivée des taux directeurs anticipé par les investisseurs et les banques centrales. Cela pèserait sur les marchés financiers mais aussi sur la confiance des ménages et des entreprises, leur pouvoir d’achat et leurs marges, et donc sur la demande et l’emploi.

Les marchés immobiliers sont un autre point de fragilité. La durée et la profondeur de la récession s’en trouveraient accrues. Les banques centrales doivent gérer un défi de taille : celui de bien calibrer le resserrement monétaire (ni trop, – pour ne pas trop nuire à la croissance – ni trop peu, – pour juguler l’inflation au plus vite). Si dans notre scénario central, nous supposons qu’elles relèvent ce défi, le risque d’erreur est non négligeable.

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Hélène qu'en est-il de la question des prix de l’énergie que nous avons tous à l'esprit ?

Hélène Baudchon : Enfin, dans la zone euro, l'évolution des prix du gaz est un autre facteur de risque important car la reconstitution des stocks pour l'hiver prochain pourrait conduire à une nouvelle flambée des prix.

Mickaëlle Fils Marie-Luce : Merci Hélène pour ce regard éclairant sur 2023.

Merci à nos auditeurs, rendez-vous sur notre site Internet, vous y retrouverez tout au long de l’année les analyses de notre équipe de recherche économique.

À très bientôt !

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE