Eco Perspectives

La résilience économique à l’épreuve de chocs multiples

14/04/2022
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De multiples chocs mettent à l’épreuve la résilience de l’économie mondiale : la recrudescence de l’épidémie de Covid-19 en Chine, la guerre en Ukraine, l’envolée des prix de plusieurs matières premières, la perspective d’un resserrement monétaire agressif aux États-Unis. Côté positif, l’acquis de croissance important hérité de l’année dernière est un élément de soutien de la croissance cette année. En outre, les moteurs de la demande finale étaient bien orientés en début d’année et le sont encore dans de nombreux cas. L’inflation élevée pèse sur la confiance des consommateurs américains et européens mais heureusement, pour l’heure, les intentions d’embauche des entreprises dans la zone euro restent à un niveau élevé et, aux États-Unis, le marché du travail reste très dynamique. La persistance ou non de cette bonne tenue du marché du travail jouera un rôle fondamental sur les perspectives de croissance cette année et donc sur l’évolution de la politique monétaire.

L’économie mondiale est soumise à plusieurs chocs simultanés qui, pris dans leur ensemble, mettent durement à l’épreuve sa résilience. Cette situation est assez unique par le nombre et la diversité des chocs en question. Il y a celui, toujours présent, du Covid-19, qui est redevenu une source de préoccupation en Chine et dont les répercussions se font sentir à l’échelle mondiale par le biais des chaînes d’approvisionnement. Vient, ensuite, le choc géopolitique de la guerre en Ukraine dont les conséquences économiques suscitent de grandes incertitudes. L’onde de choc provoquée par le conflit frappe un grand nombre de matières premières (pétrole, gaz, métaux, produits de base agricoles), faisant grimper plus encore une inflation déjà élevée. À cela s’ajoute enfin le choc monétaire, lié à la perspective d’un resserrement monétaire agressif de la Réserve fédérale pour juguler l’inflation.

Pour autant, la confiance des chefs d’entreprises reste à un niveau élevé aux États-Unis comme dans la zone euro, reflétant probablement l’hypothèse que la situation géopolitique ne se dégradera pas davantage. L’autre explication est que, à l’exception de celui, intrinsèquement mondial, des prix des matières premières, l’origine des autres chocs est plus locale, même s’ils ont aussi des répercussions mondiales. Ainsi l’incertitude géopolitique est concentrée en Europe. La hausse des cas de Covid-19 en Chine devrait, certes, avoir des répercussions à l’échelle mondiale, mais cela n’a rien de comparable à la situation de 2020. Quant aux relèvements de taux par la Réserve fédérale, ils auront un impact d’abord sur l’économie américaine, mais moins à l’étranger, même si, dans un deuxième temps, des retombées se feront sentir à l’échelle mondiale. Autre élément positif : l’acquis de croissance important hérité de l’année dernière qui soutient mécaniquement la croissance cette année. Cet acquis est de 1,9?% dans la zone euro (au T4 2021) et de 2,7?% en France (au T1 2022, estimation de l’INSEE). Enfin, la résilience de l’économie peut s’appuyer sur les principaux moteurs de la demande finale, qui étaient favorables en début d’année et qui le restent dans de nombreux cas. Les créations d’emplois sont importantes, les salaires accélèrent – progressivement dans la zone euro, fortement aux États-Unis?–, les carnets de commandes restent bien remplis et les profits des entreprises ont augmenté.

Cependant, les délais de livraison se sont de nouveau allongés en mars et les prix des intrants continuent d’augmenter. Du fait de la robustesse de la demande, les entreprises disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour répercuter ces hausses de coûts sur leurs prix de vente. C’est la raison pour laquelle le moral des chefs d’entreprises est, pour l’heure, moins atteint par la flambée de l’inflation que celui des ménages qui, aux Etats-Unis comme dans la zone euro, a pâti de l’irrésistible hausse des prix. Les consommateurs sont pessimistes non en raison des perspectives du marché du travail –les anticipations de chômage sur les douze prochains mois ont peu augmenté – mais du fait d’une inflation forte, en hausse et qui s’est désormais généralisée. Les banques centrales ont, en conséquence, durci le ton depuis le début de l’année et les perspectives de politique monétaire ont considérablement changé. La BCE mettra un terme à ses achats d’actifs nets au troisième trimestre et, selon toute vraisemblance, un première hausse de taux devrait suivre avant la fin de l’année. Quant à la Réserve fédérale, son ton est bien plus ferme et le resserrement de sa politique monétaire conjuguera hausses de taux et contraction de la taille du bilan (resserrement quantitatif). Ajoutée aux anticipations de hausse de l’inflation, cette perspective a entraîné une remontée significative des rendements obligataires, aux États-Unis comme dans la zone euro.

PERSPECTIVES DE CONFIANCE DES MÉNAGES

INDICATEUR DE CONFIANCE DU MARCHÉ DU TRAVAIL

À court terme, les perspectives restent dominées par la situation en Ukraine, les prix élevés des matières premières, la forte inflation et son impact sur le pouvoir d’achat des ménages, ainsi que par les perturbations des chaînes d’approvisionnement. À cette liste d’obstacles à la croissance, il convient d’ajouter la perspective de conditions financières et monétaires plus restrictives. Deux points positifs néanmoins. Tout d’abord, un certain nombre de mesures de soutien budgétaire sont mises en œuvre ci-et-là dans les pays de la zone euro pour amortir le choc inflationniste. Ensuite, les anticipations d’emploi des entreprises de la zone euro se maintiennent à des niveaux très élevés, ce qui est rassurant au vu de la corrélation historique avec leurs dépenses d’investissement. C’est un facteur clé à surveiller dans les mois qui viennent. Le même constat s’applique aux États-Unis, où le marché du travail, qui reste très robuste, joue un rôle fondamental dans la formation des anticipations relatives à la croissance et, par conséquent, aux perspectives de politique monétaire.

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