Eco Perspectives

Peu d’avancées dans les négociations sur le climat

24/01/2019

COP 24 : des résultats a minima

L’Accord de Paris sur le climat, conclu lors de la 21e Conférence des Parties (COP 21), en 2015, a marqué une étape importante dans le processus de réduction des émissions de CO2 dans le monde. Les quelque 200 pays participants ont convenu de limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle et de poursuivre les efforts en vue de le maintenir en dessous de 1,5°C. De plus, les pays développés ont renouvelé leur engagement à mobiliser conjointement USD 100 mds en faveur de l’action pour le climat dans les pays les moins développés.

L’accord est peu exigeant. Avant la COP 21, les pays avaient annoncé leurs propres plans d’action pour le climat, appelés «?contributions nationalement déterminées?» (NDC) qui, dans la plupart des cas, n’étaient pas très ambitieux. Les signataires ont décidé que les détails de l’accord, tels que la mesure des émissions et les procédures de relèvement des engagements nationaux, seraient arrêtés lors des prochaines conférences des parties.

Ce fut un processus laborieux. Aucun progrès ou presque n’a été enregistré concernant un accord sur les USD 100 mds de financements en faveur du climat à l’horizon 2020, alors que la promesse en avait été faite lors de la COP 15 en 2009. La COP 24, qui s’est tenue l’année dernière à Katowice (Pologne), a été décevante. Les participants ont tout juste réussi, au dernier moment, à s’accorder sur des règles de mesure, de notification et de vérification des émissions de carbone.

Les émissions de CO2 continuent de croître

Avant la COP 24 à Katowice (Pologne), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a publié un rapport spécial intitulé : «?Global warming of 1,5 °C?» (réchauffement planétaire de 1,5°C). Le principal message délivré est que la planète se réchauffe rapidement et que des mesures plus importantes doivent être prises pour ramener l’économie mondiale sur une trajectoire bas carbone. Il est important, soulignent les auteurs du rapport, de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, un objectif qui implique beaucoup plus d’investissements, en particulier, dans les sources d’énergie renouvelable. La conférence n’a pas approuvé le rapport du GIEC sur le réchauffement climatique de 1,5°C en raison de l’opposition de quatre pays producteurs de pétrole : les États-Unis, l’Arabie Saoudite, la Russie et le Koweït.

Le temps presse pour les négociateurs qui doivent trouver une solution sur la manière de revoir à la hausse les ambitions nationales sur le climat. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a annoncé un sommet spécial pour les chefs d’État et de gouvernement en septembre 2019, avant la COP 25. C’est à l’occasion de la COP 25, qui doit se tenir au Chili, que les participants décideront du processus de rehaussement des nouveaux objectifs sur le climat.

Un contexte politique défavorable

Même si les premiers signes du changement climatique sont déjà perceptibles, nombre de participants à la Conférence des Parties continuent de nier l’urgence d’une action immédiate, car, pour la plupart d’entre eux, les effets catastrophiques d’un tel changement ne se feront sentir que bien au-delà de l’horizon de prévision traditionnel. C’est ce que Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, appelle «?la tragédie des horizons?». Normalement, les gouvernements ont la responsabilité de développer des politiques et un environnement réglementaire appropriés pour remédier aux défaillances du marché.

Des intérêts commerciaux freinent l’action de certains pays dans ce domaine. L’approvisionnement en combustibles fossiles et l’investissement dans l’énergie thermique relèvent de plus en plus d’entreprises publiques. Au cours de la COP 24, les États-Unis et l’Australie se sont ouvertement fait les défenseurs de l’industrie du charbon. La délégation australienne a fait valoir que le développement de solutions de capture et de stockage du carbone pouvait réduire efficacement les émissions. Ce type d’argument va
à l’encontre des recommandations des climatologues, selon lesquels les pays devraient assurer dès que possible leur transition vers des sources d’énergie renouvelable pour éviter des niveaux catastrophiques de réchauffement climatique.

En juin 2017, le président Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Pour le moment, les États-Unis restent associés aux négociations sur le climat car, selon les termes de l’accord, le pays ne pourra en sortir officiellement qu’en novembre 2020. Principal argument avancé par la première puissance économique mondiale : le traité est contraire à ses intérêts commerciaux. Grâce à une grande habileté diplomatique, déployée en particulier dans les pays de l’UE, principal soutien de l’accord, on a pu éviter qu’un autre pays suive l’exemple américain. De plus, même aux États-Unis, la décision a été largement contestée. Certains États, municipalités et entreprises ont décidé de renforcer leur action pour compenser l’absence de mesures au niveau du gouvernement fédéral.

Le Brésil pourrait emboîter le pas aux États-Unis. Pendant sa campagne, le président récemment élu, Jair Bolsonaro, s’est en effet engagé à retirer son pays de l’Accord de Paris. Le pays a déjà renoncé à accueillir la COP 25, officiellement pour des raisons budgétaires. Cette conférence doit, désormais, avoir lieu au Chili. Le départ du Brésil pourrait porter un coup fatal à l’accord, car d’autres pays en développement risquent, à leur tour, de revoir leur position.

Cependant, les intérêts commerciaux peuvent aussi empêcher ce pays de s’engager dans cette voie. Dans le discours qu’il a prononcé devant l’assemblée générale des Nations-Unies, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé que son pays et, par extension, l’ensemble de l’Union européenne, ne signeraient aucun accord commercial avec un pays qui ne respecterait pas l’Accord de Paris. De plus, les accords commerciaux de l’UE devraient intégrer les obligations environnementales et sociales. Sa position a reçu le soutien public de Cecilia Malmström, Commissaire au commerce de l’UE. Un retrait éventuel du Brésil pourrait donner un coup d’arrêt aux négociations sur l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. Or cela se retournerait contre le Brésil et son très important secteur agricole. De plus, ce pays est aussi l’un des principaux bénéficiaires de l’Accord de Paris : l’importante forêt tropicale constituant un puits de carbone efficace, le pays reçoit, à ce titre, des aides pour arrêter la déforestation.

Une approche différente s’impose

Pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre devaient atteindre un point culminant en 2020. Cependant, comme cela a été annoncé au cours de la COP 24, les émissions de CO2 ont encore augmenté en 2018. Selon le rapport de l’ONU sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions (UN Emissions Gap Report), les rejets de gaz à effet de serre des pays du G20, en tant que groupe, n’atteindront pas un pic d’ici 2030 sans un relèvement rapide des ambitions et actions au cours des prochaines années.

Malheureusement, nombre de pays accusent un plus grand retard encore sur les engagements nationaux en matière d’environnement. L’un des problèmes qu’il convient de souligner est que la législation sur l’environnement se heurte à une opinion publique de plus en plus réfractaire. Dès lors que le changement climatique ne semble pas être une urgence immédiate, il est très tentant de se comporter en «?passager clandestin?» (free-rider) et de laisser les générations futures consentir l’essentiel des efforts en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Les taxes carbone, en particulier, se heurtent à des résistances : pour passer rapidement à des solutions alternatives moins coûteuses, le prix à payer pour les usagers est élevé. Par ailleurs, le lien entre les taxes carbone et les objectifs sur le climat n’est pas toujours évident pour les contribuables. Ces taxes peuvent simplement être perçues comme un autre moyen de financer le budget. En France, une légère hausse des taxes sur les carburants, en 2018, a déclenché d’importantes manifestations de rue, contraignant le gouvernement à annuler cette mesure. Dans l’État de Washington, les électeurs ont aussi, récemment, rejeté une taxe carbone.

L’une des solutions pourrait consister en une meilleure conception des politiques climatiques. Récemment, George Shultz et Ted Halstead ont proposé le Carbon Dividends Plan (plan taxe-dividende sur le CO2), reposant sur l’instauration d’une redevance carbone dont les rentrées ou «?dividendes?» seraient directement reversées à la population. Comme les foyers les plus aisés ont tendance à polluer plus dans l’absolu, ils supporteraient les coûts les plus élevés tandis que les gains nets les plus importants iraient, selon les auteurs, aux déciles de revenus les plus bas.

Le deuxième problème réside dans le fait que l’Accord de Paris sur le climat n’est pas, à proprement parler, contraignant : les pays ont fixé librement leurs propres objectifs, ils ne sont pas soumis à des sanctions si ces objectifs ne sont pas atteints et peuvent se retirer de l’Accord lorsqu’ils le souhaitent. On observe, néanmoins, certains changements de comportement. Ainsi, l’Union européenne met d’ores et déjà en avant la nécessité d’intégrer des clauses sociales et environnementales dans les accords commerciaux. William D. Nordhaus, lauréat 2018 du prix Nobel d’économie, suggère, quant à lui, la formation de coalitions, appelées «?clubs climatiques?» entre pays acceptant un prix du carbone. Des droits à l’importation seraient appliqués aux produits en provenance de pays n’appartenant pas au club. Ces droits pourraient être établis en fonction du contenu carbone des produits. Une idée intéressante pouvant nécessiter la participation de l’OMC au débat sur le changement climatique.

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