BCE : un assouplissement en septembre, mais de combien?

25/07/2019

Le Conseil des gouverneurs a chargé des comités de l'Eurosystème d'examiner ses options en matière de politique monétaire. Compte tenu de son insistance à propos de sa détermination, la BCE, à l’issue de sa réunion de jeudi dernier, a exprimé pour l’essentiel son engagement à assouplir sa politique lors de sa réunion du 12 septembre. Conscient de l'importance pour la BCE de défendre sa crédibilité en matière de ciblage de l'inflation, Mario Draghi a très clairement signifié son mécontentement face à l’inflation actuelle et à ses perspectives, ajoutant que la politique monétaire resterait très accommodante encore longtemps

Lors de sa conférence de presse, qui s'est tenue hier, le président de la BCE a délivré de nombreux messages, mais on retiendra surtout que le Conseil des gouverneurs, craignant que l'inflation reste trop en dessous de son objectif, fera tout ce qui est nécessaire pour atteindre sa cible. Pourtant, cela n’a pas impressionné les marchés et les rendements du Bund ont légèrement augmenté pendant l’intervention de Mario Draghi. Ce n'est pas une surprise : les rendements obligataires sont en baisse depuis son discours de Sintra, fin juin, ce qui laisse penser que des assouplissements avaient été anticipés. La décision prise jeudi de laisser la politique inchangée a déclenché des prises de bénéfices, alors que le message n’était rien de moins qu’un engagement à assouplir la politique monétaire lors de la prochaine réunion du 12 septembre. D'ici là, des comités de l'Eurosystème ont été chargés d'examiner les différentes options en matière de politique monétaire (forwardguidance, mesures d'atténuation, telles que la conception d'un système à plusieurs niveaux pour la rémunération des réserves, le volume et la nature d’achats d’actifs) et de formuler des recommandations. De nouvelles projections économiques de la BCE seront également disponibles à cette occasion.

Conscient de l'importance de maintenir sa crédibilité en tant que banque centrale, Mario Draghi a expliqué en détail, lors des réponses aux questions des journalistes, dans quelle mesure le message du Conseil des gouverneurs avait changé : 1) l'introduction d’un biais vers l’assouplissement par la introduction des mots « ou à des niveaux plus faibles » dans la forward guidance[i], 2) il a reconnu que « les taux d'inflation, tant réalisés que prévus, ont durablement été inférieurs à notre objectif », 3) il a insisté sur sa détermination à agir et donc à charger des comités d’examiner les options possibles, 4) il a insisté sur la symétrie dans la poursuite de son objectif d’inflation, ce qui signifie que se rapprocher de la cible n’impliquerait pas automatiquement l’imminence d’un resserrement.

TAUX BUND A 10 ANS INTRAJOURNALIER*

Pour éviter toute ambiguïté, la déclaration introductive indique que le Conseil des gouverneurs « se tient donc prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments de façon adéquate pour assurer le rapprochement durable de l’inflation par rapport à son objectif.» Pour le moment, la BCE est loin de cet objectif, d’où les nombreuses fois où Mario Draghi a exprimé son mécontentement face à cette situation[ii] pendant la conférence de presse.

Que cela change dans un avenir proche dépendra bien sûr de l'évolution de l'économie. Sur la base des propos tenus par le président de la BCE, on peut dire que, d'une part, le risque de récession peut être considéré comme faible grâce à la résilience du marché du travail, du secteur des services et du secteur de la construction. En outre, les prêts aux sociétés non financières progressent à un rythme soutenu et ceux aux ménages s'améliorent progressivement. En revanche, les données récentes laissent présager une faiblesse de la croissance au troisième trimestre et les perspectives s’aggravent dans le secteur manufacturier. Cela pourrait aussi finir par peser sur les services. De plus, les risques restent à la baisse. Fait important, la répercussion de la hausse des salaires sur les prix finaux prend plus de temps que prévu. En conséquence, l’inflation de base de la zone euro reste obstinément basse, les indicateurs d’anticipations d’inflation fondés sur le marché ont baissé et il en a été de même dans l’Enquête des prévisionnistes professionnels. La dynamique de l'inflation dépendra également de l'ampleur de l'assouplissement monétaire et de son efficacité. Sur ce dernier point, le président de la BCE a mis en garde : avec ses collègues, il estime que les instruments monétaires sont efficaces mais que leur impact peut diminuer. Cependant, cela ne devrait pas "exempter la politique monétaire de faire ce qui est nécessaire ou ce que nous estimons nécessaire sur la base des informations actuelles". L'assouplissement du 12 septembre prochain apparaît donc comme une évidence et la question est plutôt de savoir comment et combien. Nous prévoyons une réduction du taux des dépôts de 10 points de base, combinée à la mise en place d'un système à plusieurs niveaux pour la rémunération des réserves.


[i] « Au terme de notre examen régulier de la situation économique et monétaire, nous avons décidé de laisser les taux d’intérêt directeurs de la BCE inchangés. Nous prévoyons qu’ils resteront à leurs niveaux actuels, ou à des niveaux plus faibles, au moins pendant le premier semestre 2020 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l’inflation vers notre objectif à moyen terme.» Source: BCE, Déclaration introductive à la conférence de presse du 25 juillet 2019

[ii] Au cours des questions-réponses, il y a fait six fois référence de façon explicite ou implicite. Source: BCE, Transcription de la conférence de presse de Mario Draghi et Luis de Guindos du 25 juillet 2019.

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