Par ailleurs, la dette étant détenue à 93% par des agents domestiques, le pays est relativement protégé d’une hausse de la volatilité à l’international. Les banques commerciales sont les principales détentrices des titres d’Etat (40,5% fin décembre 2018) suivies des compagnies d’assurance (24,6%), de la banque centrale (13,8%) et des fonds de pension (5,5%). La dette extérieure (2,8% du PIB fin 2018) est concessionnelle.
Finances publiques des Etats : hausse de la dette
A l’inverse du gouvernement central, les Etats ne sont pas parvenus à consolider leurs finances publiques. Leur déficit a doublé en pourcentage du PIB entre 2011/2012 et 2016/2017 pour atteindre 3,5% du PIB. Cette détérioration s’est interrompue l’année dernière, le déficit ayant été abaissé à 3,0% du PIB lors de l’exercice 2017/2018. Toutefois, leur dette a continué d’augmenter et est estimée à 23,8% du PIB en 2018/2019.
La dégradation des finances publiques des Etats résulte principalement d’une hausse de leurs dépenses induites par :
- Leur décision (pour certains d’entre eux) de prendre à leur charge une partie des prêts des paysans les plus pauvres[6] (Loan waivers scheme) dont le coût était estimé à 0,3% du PIB pour l’exercice 2017/2018 ;
- la prise en charge d’une partie des dettes des entreprises publiques d’électricité dans le cadre de leur redressement financier (Uday Scheme) au cours des exercices 2015/2016 et 2016/2017 (dont le coût était de 0,7% du PIB par an) ;
- la hausse des dépenses salariales et des primes sur les loyers en application des recommandations de la 7th central pay commission, qui constituent près de 25% des dépenses des Etats ;
- l’augmentation de leurs charges d’intérêt à 1,7% du PIB en 2017/2018 contre 1,5% du PIB cinq ans plus tôt.
Consolidation difficile du secteur bancaire et financier
La détérioration progressive de la situation financière des banques publiques entre 2011 et 2018 a pesé sur la distribution du crédit bancaire à partir de 2016 et sur les investissements des entreprises. Néanmoins, d’importantes réformes ont été mises en place par le gouvernement Modi et les autorités monétaires indiennes afin d’assainir le secteur bancaire et lui permettre de soutenir la croissance. La loi sur les faillites, la reconnaissance des créances douteuses, la recapitalisation des banques les plus fragiles ont permis une reprise du crédit depuis août 2018.
Néanmoins, le secteur bancaire et financier reste fragile. Les banques publiques ne sont pas parvenues à lever les fonds nécessaires sur les marchés pour respecter les nouveaux critères de solvabilité Bâle III entrés en vigueur au 31 mars 2019. Par conséquent, la recapitalisation des banques publiques par le gouvernement, bien que modeste (1% du PIB), a été bien supérieure aux objectifs initiaux annoncés en octobre 2017. Même si les banques publiques sont aujourd’hui davantage en mesure de répondre aux besoins de financement de l’économie qu’il y a trois ans, la qualité de leurs actifs reste dégradée et la gouvernance est sujette à caution. Par ailleurs, les interconnexions entre les banques publiques et le secteur financier non bancaire (dont la part de marché dans le crédit a fortement augmenté au cours des cinq dernières années) sont une source croissante de risque.
Parmi les ambitions de N. Modi figurait sa volonté de combattre l’économie parallèle et d’assainir le secteur bancaire. Pour lutter contre le marché noir, ce dernier a pris la décision inopinée en novembre 2016 de retirer de la circulation tous les billets de 500 et 1000 roupies. A ce jour, il semblerait que 86% de la masse monétaire en circulation ait ainsi été retirée. Néanmoins, l’impact positif sur l’économie parallèle est très discutable dans la mesure où l’argent liquide continue d’être le principal moyen de paiement.
Restructuration en cours du secteur bancaire
Le Parlement indien a adopté en mai 2016 la loi sur les faillites des entreprises (Insolvency and Bankruptcy code) qui est désormais le seul cadre réglementaire en matière de résolution des défauts de paiement, toutes les autres procédures ayant été supprimées. Les banques disposent de seulement 180 jours à compter de la date du défaut pour restructurer les créances défaillantes de plus de INR 20 mds. Par ailleurs, pour accélérer le processus de résolution des créances douteuses, la banque centrale a abaissé en 2018 le seuil d’obtention d’un accord entre les prêteurs[7]. Elle peut intervenir directement dans le processus de restructuration des crédits afin de conseiller les établissements bancaires en difficulté. Finalement, pour contraindre les banques à provisionner davantage leurs créances douteuses, les autorités monétaires ont exigé, à partir de février 2018, que les créances restructurées et les special mention loans soient considérés comme des prêts non performants.
Banques publiques : stabilisation de la situation
La situation financière des banques, et en particulier des banques publiques, qui s’était fortement détériorée entre 2011 et mi-2018, s’est redressée depuis le deuxième trimestre 2018. Le taux de créances douteuses dans l’ensemble du secteur bancaire a décliné depuis le T2 2018 de 11,5% au T1 2018 à 10,8% au T3 2018 (14,8% dans les banques publiques) et la part des crédits considérés comme « risqués » a été réduite de 12,4% au T1 2018 à 11,3% au T3 2018 (15,4% dans les banques publiques). Dans le même temps, le taux de provisionnement, bien que toujours très insuffisant, s’est élevé à 52,4%. Le ratio de solvabilité de l’ensemble du secteur bancaire et plus particulièrement des banques publiques atteignaient respectivement 13,7% et 11,3% en septembre 2018. Néanmoins, la banque centrale estimait en décembre 2018 que neuf banques publiques ne respecteraient pas le ratio de solvabilité de 9% au 31 mars 2019. Le gouvernement a dû procéder à de nouvelles injections de capital au début de l’année 2019. Le coût total pour le gouvernement des recapitalisations successives entre 2017 et 2019 est estimé à INR 1960 mds soit l’équivalent de 1% du PIB.
Risques induits par le développement du « shadow banking »
La part du shadow banking dans le crédit a doublé au cours des cinq dernières années en raison notamment des difficultés enregistrées par les banques publiques. Dans l’analyse qui suit, nous définissons le shadow banking par le crédit octroyé par les organismes non bancaires, c’est-à-dire principalement les sociétés financières non bancaires (non banking financial companies, NBFC) et les sociétés de prêts du secteur immobilier (Housing finance companies[8], HFC). La part des crédits octroyés par les NBFC et les HFC s’élevait fin septembre 2018 à respectivement 18% et 8% du crédit commercial, soit l’équivalent de 17% du PIB. En outre, 50% des crédits au secteur immobilier sont le fait des NBFC.