Eco Emerging

Bilan plutôt satisfaisant

16/10/2019

La croissance décélère mais reste robuste

Le ralentissement se poursuit. La croissance économique est tombée à 3% en 2018 contre 4,2% en 2017 et, selon les derniers chiffres publiés par le HCP, elle atteindra au mieux 2,7% cette année. Entre les difficultés en Europe et une mauvaise campagne agricole, les nuages sur l’économie marocaine sont nombreux. Pour autant, le panorama est bien plus nuancé qu’il n’y parait et laisse même présager un rebond de l’activité à partir de 2020.

Prévisions
Contribution sectorielle à la croissance

De fait, la décélération de la croissance observée sur les six premiers mois de l’année résulte avant tout de la contraction de 3% de la valeur ajoutée agricole dont le poids dans le PIB est prépondérant (11%). Pour le reste, les signaux sont plutôt encourageants. La croissance hors agriculture s’est aussi essoufflée au T2 (3,2% en g.a.) par rapport au T1 (3,6%), mais elle reste soutenue par rapport à une moyenne de 2,9% entre 2016 et 2018. Que ce soit le tourisme ou l’industrie manufacturière, la plupart des secteurs sensibles à la conjoncture européenne affichent une bonne résistance jusqu’à présent. En outre, deux nouveaux projets structurants viennent d’être finalisés, à savoir l’extension du port de Tanger et le démarrage de l’usine de Peugeot à Kénitra. Avec une montée en puissance attendue pour 2020, l’augmentation de la production automobile devrait ainsi donner une nouvelle impulsion à une filière devenue stratégique mais qui commençait à marquer le pas. Les exportations d’automobiles n’ont progressé que de 2,2% depuis le début de l’année après avoir plus que doublé entre 2013 et 2018.

La robustesse de la demande intérieure sera aussi un élément de support. En particulier, la consommation des ménages est bien orientée (+3,8% en g.a sur les six premiers mois) et devrait le rester grâce à une inflation extrêmement basse, inférieure à 1% depuis la fin 2018, et aux effets à venir de la revalorisation de 10% du salaire minimum dans le secteur privé. Les faibles pressions inflationnistes offrent également des marges de manœuvre à la banque centrale. Avec un taux directeur à seulement 2,25% et un taux de réserve obligatoire qui vient d’être réduit à 2%, la politique monétaire est déjà accommodante. Le statu quo devrait perdurer même si le fait que le taux d’intérêt réel demeure positif à 1,5% laisse la place à une nouvelle baisse de taux si nécessaire. Dans tous les cas, les conditions financières resteront favorables pour les ménages et les entreprises. Le taux moyen pondéré sur les prêts à l’économie a touché un point bas à 4,98% au T2. L’exécution budgétaire sur les huit premiers mois de l’année traduit également la volonté des autorités de soutenir l’économie.

Avec une progression du PIB hors agriculture à 3,4% et sous réserve d’une normalisation de la production agricole, la croissance économique pourrait atteindre 3,5% en 2020. L’économie marocaine serait alors une des plus performantes de la région. Certes, cela sera insuffisant au regard des besoins de développement du pays. A 8,5%, le taux de chômage reste élevé, tout comme la proportion de la population en dehors du marché du travail (le taux d’emploi est de seulement 42%). Néanmoins, l’économie a continué de créer des emplois au premier semestre 2019 malgré la destruction massive de postes dans le secteur de l’agriculture, soulignant une fois de plus la solidité de ses performances face à un environnement international qui se dégrade.

Consolidation budgétaire ralentie

Après l’important dérapage affiché en 2018, les finances publiques se sont encore détériorées en 2019. De janvier à août, tous les principaux postes du budget sont en hausse, les dépenses de fonctionnement (+5,5%) comme d’équipement (+4,9%). Malgré la relative bonne tenue des recettes fiscales hors privatisations (+3,4%), le déficit budgétaire s’est de nouveau creusé. Il devrait ainsi atteindre 4% du PIB en 2019 contre 3,7% en 2018 (la cible initiale était de 3%) avant de se résorber graduellement à partir de 2020.

Indicateurs des finances publiques

Malgré l’inflexion prise par le gouvernement dans son programme de consolidation des finances publiques, la situation est dans l’ensemble sous contrôle. Que ce soit du côté des recettes ou des dépenses, les principaux facteurs de risque à l’origine de la contre-performance de 2018 se sont en effet dissipés. Le montant attendu de dons en provenance du Golfe est modeste et les autorités se sont couvertes contre la volatilité des cours du pétrole dont l’envolée l’an dernier avait généré un dépassement de 26% de l’enveloppe allouée aux subventions dans le budget. Un recours accru à des partenariats public-privé pour alléger la pression sur les comptes publics est aussi envisagé. Les investissements publics constituent le deuxième poste de dépenses derrière les salaires de la fonction publique et ils sont élevés (autour de 6% du PIB). Surtout, les autorités tablent sur des recettes de privatisations de l’ordre de 0,4% de PIB par an jusqu’en 2021 afin de stabiliser la dette du gouvernement à 65% du PIB. Avec la cession, en juillet dernier, d’une partie des titres que détient l’Etat au capital de Maroc Télécom, l’objectif est déjà rempli pour 2019, et d’autres opérations ont été identifiées.

Quoi qu’il en soit l’endettement du gouvernement ne nous apparaît pas comme une source importante de risque. Contrairement à de nombreux pays émergents, le Maroc a peu sollicité les marchés financiers internationaux. Deux émissions d’eurobonds sont attendues à court terme. Avec une prime de risque de 150 points de base, elles devraient se dérouler dans de bonnes conditions. D’autant que l’agence de rating Standard & Poors vient de relever sa perspective de négatif à stable sur son appréciation du risque souverain du Maroc. En outre, le profil de la dette, dont 80% est libellé en monnaie locale, ne changera pas fondamentalement et les conditions de financement du gouvernement en termes de taux et de maturité ont rarement été aussi avantageuses. Avec un coût apparent de la dette à seulement 4%, le gouvernement conserve des marges de manœuvre confortables.

Position extérieure solide

La dégradation de la conjoncture européenne pourrait peser sur la dynamique des comptes extérieurs du Royaume sans pour autant menacer sa stabilité. Hormis les transferts financiers de la diaspora marocaine (-1,3% en g.a.), les principales sources de devises étaient encore en progression sur les huit premiers mois de l’année (exportations : +3,7% ; recettes touristiques : +4,5%). Si la hausse des importations d’une amplitude similaire s’est traduite par un léger creusement du déficit commercial, la situation pourrait s’améliorer dans les prochains mois grâce à une accélération des ventes d’automobiles. Ces dernières comptent déjà pour ¼ des exportations marocaines. Dans un environnement extérieur instable, et alors que le poids des matières premières dans les échanges reste important (phosphates), la montée en gamme des exportations renforce la résilience de l’économie. Les pressions baissières sur les cours du pétrole (15-20% des importations) pourraient également aider à l’amélioration des comptes externes.

Avec un déficit courant attendu à 5,1% du PIB en 2019 et 4,1% en 2020 contre 5,5% en 2018, le Maroc ne devrait pas avoir trop de difficultés à couvrir ses besoins de financements. Les flux nets d’investissements étrangers (IDE) sont robustes, autour de
1,5-2,5% du PIB, et le niveau de la dette extérieure est modéré, à 44% du PIB. Les amortisseurs sont également adéquats. Les réserves de change couvrent plus de cinq mois d’importations de biens et services et le Maroc bénéficie d’une ligne de précaution du FMI d’un montant de USD 3 mds jusqu’à fin 2020 pour se prémunir d’éventuels chocs sur sa balance des paiements. A l’image des précédents programmes, les autorités ne devraient pas utiliser ces fonds.

Dernier élément, depuis l’élargissement en janvier 2018 de la bande de fluctuation du dirham à +/-2,5% autour de son cours pivot (+/-0,3% précédemment), la banque centrale n’intervient quasiment plus sur le marché des changes, ce qui réduit la pression sur la liquidité extérieure. La volatilité du dirham est demeurée extrêmement limitée et devrait le rester alors que les autorités se montrent toujours aussi prudentes dans le processus de flexibilisation du régime de change.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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