Eco Emerging

Bonne résistance

14/07/2019
PDF

La croissance ralentit légèrement

Après avoir atteint 5,2% en 2018, la croissance a légèrement ralenti au 1er trimestre 2019 (+5,1%) reflet, d’une part, des incertitudes induites par les élections générales d’avril et, d’autre part, de la baisse des prix de certaines matières premières exportées par l’Indonésie dans un contexte de hausse des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. La consommation des ménages est restée dynamique, de même que les dépenses du gouvernement alors que les investissements ont ralenti après avoir atteint un point haut en 2018 (33% du PIB). La contraction des exportations (-2,1% en g.a.) a été plus que compensée par la forte baisse des importations (-7,8% en g.a.). Celle-ci a été induite notamment par le ralentissement des investissements, dont la contribution a baissé de 0,8 point de pourcentage par rapport au T1 2018. Les dépenses d’infrastructure ont décéléré suite à des retards dans la mise en œuvre de certains projets, alors que le ralentissement des investissements en machines et biens d’équipement résulte notamment des tensions commerciales.

Prévisions

La croissance a ralenti dans le secteur agricole et dans l’industrie manufacturière, laquelle a enregistré une contraction dans certains secteurs producteurs de matières premières (caoutchouc, charbon) et les équipements de transport.

Consolidation des finances publiques

Les indicateurs de confiance des ménages et des entreprises restent encore bien orientés, même si l’indice PMI manufacturier a baissé en juin (50,6). La consommation des ménages devrait rester soutenue par une hausse du pouvoir d’achat (en raison notamment de la modération des pressions inflationnistes), un marché du travail porteur et l’augmentation des dépenses sociales. Les entreprises sont confiantes, en particulier au regard de leurs carnets de commandes domestiques.

A moyen et long terme les perspectives de croissance ne devraient guère excéder la moyenne de 5% enregistrée au cours des cinq dernières années, soit un rythme bien inférieur à l’objectif de 7% fixé par le président Widodo en 2014 lors de son premier mandat. Selon le FMI, la croissance potentielle ne pourrait atteindre 6,5% en 2022 que si le nouveau gouvernement poursuivait plus en avant ses réformes afin d’accroître sensiblement le niveau d’éducation de la population, développer encore davantage les infrastructures et améliorer l’environnement des affaires.

Les finances publiques restent solides

Au cours des cinq dernières années, le gouvernement Widodo est parvenu à consolider les finances publiques, en réduisant la part des dépenses rigides et, notamment, des subventions sur l’énergie.

En 2018, le déficit budgétaire a baissé de 0,7 point de pourcentage (pp) à seulement 1,8% du PIB, soit le niveau le plus bas depuis 2012. Cette amélioration résulte d’une hausse du ratio des recettes rapportées au PIB, de 0,8 point de pourcentage à 13,1%, après cinq ans de baisse. L’amnistie fiscale sur les rapatriements de revenus conservés à l’étranger, décidée par le président Widodo en 2017, aurait permis d’accroître les recettes de 0,3 pp.

Hausse des besoins de financement à court terme

Dans le même temps, le gouvernement est parvenu à contenir la hausse de ses dépenses à 14,8% du PIB, en dépit d’une augmentation des subventions sur l’énergie de 0,3 pp et d’une hausse des charges d’intérêt de 0,1 pp (qui restent modestes, soit seulement 13,3% des revenus du gouvernement). Par ailleurs, même si le coût des subventions a augmenté, il reste inférieur de 2 points de PIB à ce qui prévalait avant la réforme entreprise par le gouvernement Widodo en 2014. De plus, le gel temporaire des hausses des prix de l’essence, adopté en 2018, a été levé en 2019.

Sur les cinq premiers mois de l’année 2019, le déficit budgétaire a augmenté par rapport à 2018. Cette légère dégradation s’explique essentiellement par une hausse des dépenses sociales et d’éducation.

Les recettes n’ont atteint que 33% de leur cible annuelle. Elles n’ont en effet augmenté que de 6,3% alors que le gouvernement a comme objectif une hausse de 11,5% sur l’ensemble de l’année. Dans le même temps, la hausse des dépenses a atteint 9,8% (34,7% de leur cible annuelle). Conformément à ses objectifs de hausse du pouvoir d’achat des ménages, visant à soutenir la consommation dans un contexte de ralentissement économique mondial, le gouvernement a sensiblement augmenté ses dépenses sociales (+75%). Un de ses objectifs est par ailleurs de parvenir à accroître les dépenses d’éducation à 3% du PIB.

En dépit d’une forte baisse du déficit budgétaire, la dette du gouvernement a augmenté de 11,7% sur les douze derniers moins pour atteindre 30,3% du PIB au T1 2019. Cette augmentation résulte en partie de l’effet change induit par la dépréciation de la roupie car 41,5% de la dette reste libellée en devises. Les risques de refinancement à court terme sont limités, 89% de la dette atteignant une maturité supérieure à un an. Le refinancement de la dette reste néanmoins exposé à la volatilité sur les marchés financiers internationaux car la part de la dette du gouvernement détenue par les investisseurs s’élevait encore à 40,6% fin 2018.

Les comptes extérieurs se fragilisent un peu

Après trois ans de consolidation, les comptes extérieurs de l’Indonésie ont été fragilisés en 2018 par la hausse du prix du pétrole et par la baisse des entrées nettes de capitaux dans un contexte de forte volatilité sur les marchés financiers. Le déficit du compte courant qui s’est élevé à 3% du PIB, soit le niveau le plus élevé depuis 2014 (vs 1,6% du PIB un an plus tôt), n’a pas été totalement couvert par les entrées nettes de capitaux. Ainsi, les réserves de change ont baissé de USD 9 mds entre fin 2017 et fin 2018 et la roupie s’est dépréciée de 5,7% face au dollar.

Sur les cinq premiers mois de l’année 2019, la situation s’est améliorée. Les investissements étrangers ont afflué et le déficit commercial s’est réduit de 24% car la baisse des exportations (-8,7% sur les cinq premiers mois de l’année) a été compensée par la contraction des importations (-9,2%). Les réserves de change et le cours de la roupie sont restés stables depuis la fin de l’année 2018.

L’Indonésie reste toutefois vulnérable à l’évolution des prix des matières premières qui représentaient 57% de ses exportations en 2018.

La dégradation des comptes extérieurs depuis 2018 n’est pas une source d’inquiétude. Le niveau des réserves de change reste confortable. Ces dernières couvraient fin mai encore 1,3 fois les besoins de financement à court-terme du pays. En revanche, la baisse des investissements directs étrangers depuis 2015 est plus problématique. En 2018, ils s’élevaient à seulement 1,9% du PIB vs 2,8% du PIB fin 2014, et ce, en dépit des importantes mesures prises par le gouvernement Widodo pour ouvrir son économie. Or, la baisse des IDE rend le pays plus dépendant des flux d’investissements de portefeuille pour assurer le financement de son solde courant. Ainsi au T1 2019, pour le sixième trimestre consécutif, la balance de base (somme du solde courant et des IDE) était déficitaire (0,7% du PIB).

Pour parvenir à réduire sa dépendance aux capitaux volatils et stimuler sa croissance, le pays doit attirer davantage d’IDE. La stratégie du président Widodo nouvellement réélu pour un second mandat en avril dernier vise à continuer à améliorer l’environnement des affaires, créer des zones économiques spéciales, développer davantage les infrastructures afin de stimuler l’industrie et réduire la part des matières premières. Mais il faudrait également augmenter le niveau d’éducation, réduire les contraintes sur le marché du travail et favoriser la diversification des exportations. Compte tenu de sa large victoire lors des élections générales d’avril, le président Widodo devrait bénéficier d’une importante marge de manœuvre politique pour mettre en place ses réformes.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Global
Hausse des inquiétudes sur la croissance

Hausse des inquiétudes sur la croissance

Les inquiétudes sur la croissance des pays avancés et des pays émergents remontent en raison des statistiques économiques et, plus important encore, d’une incertitude toujours très élevée [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Coup dur

Coup dur

Le secteur exportateur subit de plein fouet les effets des mesures tarifaires américaines, la consommation privée marque le pas, et l’investissement ralentit en conséquence [...]

LIRE L'ARTICLE
Inde
Large victoire de Modi dans un contexte économique plus difficile

Large victoire de Modi dans un contexte économique plus difficile

Narendra Modi a remporté une large victoire aux élections générales, asseyant encore davantage sa légitimité [...]

LIRE L'ARTICLE
Brésil
Sur une pente glissante

Sur une pente glissante

L’économie brésilienne a subi un coup d’arrêt [...]

LIRE L'ARTICLE
Russie
Une croissance à la peine

Une croissance à la peine

La croissance a fortement ralenti sur les cinq premiers mois de l’année et la banque centrale a révisé à la baisse ses prévisions [...]

LIRE L'ARTICLE
Turquie
Eviter la rechute

Eviter la rechute

En proie à la stagflation, l’économie turque pourrait déroger à sa tradition de « stop and go » compte tenu du nécessaire désendettement du secteur privé et du contexte international moins favorable [...]

LIRE L'ARTICLE
Roumanie
Une situation contrastée

Une situation contrastée

Les contre-pouvoirs et les garde-fous institutionnels sont parvenus à endiguer quelque peu les mesures gouvernementales contraires au marché et au respect de l’État de droit [...]

LIRE L'ARTICLE
Mexique
Désillusions

Désillusions

Les perspectives de croissance au Mexique s’assombrissent : le ralentissement de l’activité aux Etats-Unis, l’austérité de la politique budgétaire et la faiblesse de l’investissement ont pesé sur la croissance au cours des deux précédents trimestres [...]

LIRE L'ARTICLE
Vietnam
Le secteur exportateur résistant face aux chocs externes

Le secteur exportateur résistant face aux chocs externes

De par sa dépendance au commerce extérieur et son intégration aux chaînes de valeur asiatiques, l’économie vietnamienne subit les effets de l’affaiblissement de la demande mondiale et des tensions sino-américaines [...]

LIRE L'ARTICLE
Arabie Saoudite
Premiers signes de reprise

Premiers signes de reprise

L’économie saoudienne traverse une situation délicate depuis environ trois ans [...]

LIRE L'ARTICLE
Émirats Arabes Unis
En quête d’un second souffle

En quête d’un second souffle

L’activité économique tourne au ralenti depuis maintenant trois ans. La production pétrolière est contrainte par la politique restrictive de l’OPEP+ [...]

LIRE L'ARTICLE
Tunisie
Fragile stabilisation

Fragile stabilisation

L’économie tunisienne commence à montrer des signes de stabilisation. L’inflation baisse, les pressions sur le taux de change se sont allégées, et le gouvernement a enfin réussi à tenir ses engagements de consolidation budgétaire en 2018 [...]

LIRE L'ARTICLE