Eco Conjoncture n°5 // 27 juillet 2022
economic-research.bnpparibas.com
9
•
•
La dette des entreprises non financières : elle est, en France,
structurellement supérieure à celle des pays voisins de la
zone euro et l’adjonction des prêts garantis par l’État a encore
accru l’écart. À cela s’ajoutent les prêts intra-groupes, que les
statistiques de la Banque de France n’incorporent pas, mais qui le
sont à celles de la BRI (graphique 18).
FRANCE : CRÉDIT AUX SOCIÉTÉS NON-FINANCIÈRES
HORS ET AVEC PRÊTS INTRA-GROUPES
Fin 2019 Hors
Fin 2021 Hors
Fin 2019 Avec
Fin 2021 Avec
%
du PIB
1
1
1
80
50
20
Le crédit inter-entreprises, au travers des délais de paiement qui
sont accordés, et plus largement le besoin de fonds de roulement
90
(
différence entre crédits clients et crédits fournisseurs à laquelle
s’ajoute le besoin financier associé à la variation des stocks). Ce
besoin en fonds de roulement devrait s’accroître et peser sur
la trésorerie de façon croissante à mesure que les entreprises
reconstituent leurs stocks. Or, en avril 2022, selon nos estimations,
les stocks dans l’industrie manufacturière sont revenus à un
niveau normal (graphique 15) alors qu’ils atteignaient encore
seulement les trois-quarts de ce niveau en janvier. Les stocks
représentent désormais 60 jours de chiffre d’affaires contre 45
en début d’année, ce qui équivaut à un surcroît de EUR 45 mds
de besoin en fonds de roulement selon nos calculs. Cela permet
d’expliquer pourquoi, en complément de la hausse du coût de
l’énergie, la trésorerie des entreprises est passée d’un niveau
élevé en début d’année 2022 à un niveau légèrement en deçà de la
normale depuis le mois d’avril, que ce soit selon l’enquête AFTE-
Rexecode ou celles de l’Insee.
60
30
0
GRAPHIQUE 18
SOURCES : BANQUE DE FRANCE, EUROSTAT, BRI
FRANCE : TAUX D’INFLATION ET RENDEMENT DE L’OAT À 10 ANS
%
1
2
10 ans
Inflation (variation annuelle)
1
0
8
6
4
2
0
2
Finances publiques : se donner les moyens d’une nou-
velle baisse de la fiscalité
Le budget de l’État est soumis à des contraintes fortes mais simples :
tout déficit tire l’endettement à la hausse ; toute baisse d’impôt qui
n’est pas équilibrée par l’augmentation d’un autre impôt ou une baisse
de dépense équivalente conduit à une hausse du déficit.
-
Une conjoncture favorable a permis de réduire le déficit public entre
86
90
94
98
02
06
10
14
18
22
2
017 et 2019, tout en autorisant une réduction globale des impôts au
cours de la précédente mandature, d’une ampleur similaire pour les
GRAPHIQUE 19
SOURCES : MACROBOND, BNP PARIBAS
ménages et les entreprises (tableau 1).
Aujourd’hui, la hausse de l’inflation est telle que les anticipations de
politique monétaire sont au resserrement, ce que les taux d’intérêt
nominaux reflètent (avec un taux à 10 ans à 1,65% au 15 juillet 2022).
À court terme, l’impact de cette hausse des taux nominaux sur le service
de la dette sera fortement lissé par le fait que la maturité moyenne de
la dette négociable est de 8 ans et demi selon l’AFT. De plus, cette
dernière a émis ses obligations assimilables du Trésor (OAT) pour un
taux moyen de 0,88% sur les six premiers mois de 2022. Cela reste
inférieur au taux apparent de 1,3% observé en moyenne sur la dette
négociable française à fin 2021. Enfin, d’après nos scénarios de taux et
d’inflation, les courbes ne devraient se croiser (et le taux d’intérêt réel
L’ampleur du « quoi qu’il en coûte » entre 2020 et l’été 2021 a fait
croitre la dette publique. Alors que les conséquences de l’épidémie de
Covid-19 sur l’économie sont désormais moindres, la consolidation
budgétaire revient sur le devant de la scène. Il s’agira de mener à
bien les réformes qui permettront de réduire le déficit structurel et le
ratio de la dette publique, tout en allégeant le poids de la fiscalité qui
handicape l’économie française.
La baisse du service de la dette est un trait marquant de ces dernières
années. Elle a libéré des marges de manœuvre budgétaires, qui ont
permis notamment de soutenir le pouvoir d’achat des ménages.
Toutefois, si le service de la dette a peu subi l’accroissement du niveau de
dette publique c’est parce que les taux d’intérêt ont considérablement
diminué. Alors qu’ils remontent aujourd’hui, le service de la dette
devrait repartir à la hausse, la question portant sur l’ampleur de cette
remontée.
e
redevenir positif) qu’à l’horizon du 3 trimestre 2023.
Toutefois, il convient de remarquer qu’une hausse permanente des
taux d’intérêt ne peut s’imaginer toutes choses égales par ailleurs.
Elle suppose une hausse en parallèle de la croissance nominale :
des taux qui augmenteraient avec une croissance nominale
inchangée impliqueraient le besoin d’assouplir la politique monétaire
ultérieurement, ce qui ferait rebaisser les taux à un moment donné.
Si la remontée actuelle des taux d’intérêt est remarquable, c’est parce
qu’elle intervient après une très longue période de tendance baissière,
en parallèle de celle de l’inflation, et même davantage que cette
dernière. La baisse des rendements réels qui en résulte reflète la baisse
tendancielle de la croissance réelle observée également sur longue
période (graphique 19).
Sous l’hypothèse d’une hausse permanente de 100 points de base des
taux d’intérêt sur les cinq prochaines années, le service de la dette
1
1
passerait de 1,5% à 1,8% du PIB , une hausse mesurée, cohérente
avec celle du taux d’intérêt apparent, qui ne serait que graduellement
1
1 L’impact de l’inflation sur le service de la dette lié aux obligations indexées sur l’inflation, significatif en 2022, devrait se dissiper progressivement par la suite dans un scena-
La banque
d’un monde
qui change