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Eco Emerging // 2 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
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EXPOSITION DU SECTEUR AGRICOLE À LA RUSSIE
BRÉSIL : ÉVOLUTION DE L’INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION
L’exposition commerciale du Brésil à la Russie et à l’Ukraine est limitée
mais n’est pour autant pas négligeable du fait de la forte concentra-
tion de certains produits dans les échanges. La part combinée de la
Russie et de l’Ukraine dans les importations et exportations totales du
Brésil ne représente qu’un peu moins de 3% et 1% respectivement. Les
plus fortes dépendances, mesurées en part du produit importé dans le
pourcentage des importations totales de ce produit, se retrouvent dans
le charbon (14,9%), les métaux précieux (13,8%), l’aluminium (10,1%)
et les engrais (23%, lesquels proviennent exclusivement de Russie). À
noter que les engrais concentrent à eux seuls environ 60% des importa-
Inflation totale - IPCA
Logement
Alimentation et boissons
Habillement
2
2
1
1
5
0
5
0
5
0
Education
Transport
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tions totales en provenance de la zone . Inquiet d’éventuels problèmes
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d’approvisionnement du fait des sanctions, le secteur agricole (qui dé-
pend aussi des engrais biolorusses à hauteur de 7%) s’est rapproché du
Canada et du Maroc, entres autres, afin de sécuriser des stocks plus
importants au cours des prochains trimestres (les données d’importa-
tions affichent déjà une forte hausse en mars).
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01-20 04-20 07-20 10-20 01-21 04-21 07-21 10-21 01-22
SOURCES : IBGE, BNP PARIBAS
GRAPHIQUE 2
UN CHOC FINANCIER POSITIF JUSQU ’À PRÉSENT … …
D’un point de vue financier, la dépendence du pays vis-à-vis des
investissements ukrainiens et russes est quasi-nulle. Toutefois, le
conflit, en impulsant un réequilibrage des portefeuilles d’investissement
à l’échelle mondiale et en alimentant la hausse du prix des matières
premières, contribue à soutenir les actifs brésiliens. La Bourse,
constituée à près de 70% de valeurs liées aux matières premières
consommation (IPCA) a ainsi atteint 11,3% (g.a.) en mars – un sommet
depuis octobre 2003. Les augmentations de prix sont généralisées mais
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touchent particulièrement le prix des biens alimentaires (soit 24% du
panier de consommation des ménages), en raison de la hausse des
coûts du fret et des engrais mais aussi des effets de facteurs climatiques
(
sécheresse en 2021, fortes pluies début 2022). La hausse récente du
(
énergie, matériaux) et aux valeurs bancaires profitent de l’amélioration
prix de l’énergie (10% du panier de consommation) n’est pas encore
entièrement visible du fait d’une répercussion plus tardive (et souvent
partielle) des prix internationaux sur les prix intérieurs. Toutefois,
elle ne saurait tarder. La compagnie pétrolière nationale Petrobras a
annoncé courant mars une augmentation de 19% du prix de l’essence
et d’environ 25% de celui du diesel – la première hausse depuis plus
de deux mois. En 2021, le carburant avait contribué pour un tiers à la
hausse de 10,06% de l’IPCA et, d’après les calculs de la banque centrale
des termes de l’échange et de la forte remontée des taux. Par rapport
à d’autres pays exportateurs nets de matières premières, le Brésil se
distingue notamment par le fait qu’il propose aux investisseurs des
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taux d’intérêts réels positifs . Les différentiels de taux importants entre
le Brésil et les principales économies développées incitent en effet à
emprunter là où le coût du crédit est bas et à réaliser des placements
là où les rendements réels sont intéressants (opérations de portage).
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La bonne dynamique des flux d’investissement de portefeuille ont
(
BCB), une augmentation de 10% du prix du pétrole en monnaie locale
devrait avoir un impact sur l’IPCA en 2022 compris entre 0,31 pp et
,43 pp. L’inflation sous-jacente accélère aussi sous l’effet : i/ du
permis, entre autres, à la monnaie de s’apprécier fortement au premier
trimestre (+20% environ). À court terme, des écarts de taux toujours
importants avec les pays développés et l’amélioration attendue des
comptes externes – projection d’un excédent commercial record de plus
USD 70 mds et baisse anticipée du déficit courant en 2022 – devraient
continuer de soutenir la monnaie. Le real devrait toutefois perdre en
vigueur et gagner en volatilité à l’approche des élections d’octobre. Le
président sortant reste à la traîne dans les sondages (derrière Lula),
mais les écarts se resserrent (à noter que l’ex-président a choisi un
colistier de centre-droit, Geraldo Alckmin, ancien gouverneur de Sao
Paulo et ancien candidat à la présidentielle). Sergio Moro (ancien
ministre de la Justice sous Bolsonaro et juge qui avait condamné Lula),
jusqu’alors 3e dans les sondages, a annoncé à demi-mot vouloir se
retirer de la course électorale.
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relâchement des prix plafonnés pendant la crise de Covid-19 dans la
santé (produits pharmaceutiques) et l’éducation (frais de scolarité), ii/
des effets d’inertie lié aux mécanismes d’indexation (les salaires mais
aussi les loyers résidentiels), iii/ la répercussion de la hausse des coûts
sur le prix des services afin de protéger les marges.
Face à la persistence de l’inflation et au léger désancrage des
anticipations d’inflation par rapport à la cible à horizon 2023-2024,
les hausses de taux pourraient se poursuivre cette année. La BCB
avait initialement annoncé son intention d’interrompre son cycle de
resserrement monétaire en mai après une dernière remontée du taux
de référence, le SELIC, de 100 points de base (pb) à 12,75%. À noter
qu’une hausse de 100 pb du taux SELIC augmente le coût d’emprunt
moyen du souverain de 45 à 55 pb, d’après Moody’s. Pour l’agence, la
charge d’intérêt sur la dette pourrait dépasser 7% du PIB en 2022, soit
son plus haut niveau depuis 2015.
…
MAIS ACCOMPAGNÉ DE RISQUES INFLATIONNISTES
Malgré l’appréciation du real et la baisse des tensions sur le réseau
électrique, l’inflation reste sous pression, exacerbée par les effets
dérivés du conflit en Ukraine (tensions sur les prix des biens industriels
liés aux perturbations des chaines d’approvisonnement mondiales,
hausse du prix de l’énergie et de l’alimentation). L’indice des prix à la
Achevé de rédiger le 14 avril 2022
Salim HAMMAD
salim.hammad@bnpparibas.com
Le Brésil est le 4 plus gros consommateur d’engrais au monde. Son approvisionnement dépend à 85% du marché externe. 1/4 des engrais est utilisé pour la production de soja (1ere
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exportation du pays).
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Le Brésil pourrait manquer d’engrais d’ici octobre si des mesures compensatrices ne sont pas prises, d’après la ministre de l ’A griculture, Tereza Cristina.
Taux directeur retranché des anticipations d’inflation à douze mois.
En 2021, les flux nets de la part des non-résidents étaient positifs pour la première fois depuis 2015.
La farine, le pain et les huiles sont particulièrement touchés au même titre que les fruits et les légumes (+46% pour les carottes, +15% pour les tomates et +6,3% pour les fruits en mars).
La banque
d’un monde
qui change