La croissance du PIB chinois a atteint 6,2% en glissement annuel (g.a.) au T2 2019, contre 6,4% au trimestre précédent et 6,6% pour l’ensemble de l’année 2018. Elle devrait continuer de ralentir à court terme, le soutien apporté par les mesures de relance des autorités ne compensant que partiellement les effets de l’affaiblissement de la demande externe. La marge de manœuvre des autorités pour soutenir la croissance s’est en effet fortement réduite au cours des dernières années, en raison de l’érosion des excédents externes et de la montée des déséquilibres internes (excès de dette, nécessité d’assainir le secteur public et le secteur financier).
Le recours à la dépréciation devrait rester modéré
Sur les huit premiers mois de 2019, les recettes d’exportation ont stagné par rapport à la même période en 2018 (-0,05%), sous l’effet des hausses des droits de douane américains et du recul du commerce mondial. Les importations ont chuté de 4,5%, permettant une hausse de l’excédent commercial de 30% (à USD 262 milliards) sur la même période. Les difficultés du secteur exportateur devraient s’aggraver encore dans les prochains mois, et les perspectives pour 2020, très incertaines, dépendent des négociations commerciales entre Washington et Pékin.
Depuis le T2 2018, le droit de douane moyen pondéré imposé par les Etats-Unis sur leurs importations de biens chinois a augmenté de 6,5% à environ 20% à fin septembre 2019 (plus des 2/3 de ces importations ont subi des hausses de tarifs depuis début 2018). Il pourrait dépasser 25% d’ici la fin de l’année si les négociations, qui viennent de reprendre, échouent à nouveau et si les nouvelles hausses annoncées dès l’été par l’administration Trump sont effectivement introduites. L’ensemble des importations américaines de biens chinois (USD 550 mds) serait alors surtaxé. Sur la période allant de fin mars 2018 à fin août 2019, le yuan s’est déprécié de près de 13% contre le dollar (dont 3% en juillet-août). Cette baisse a plus que compensé le gain enregistré au cours des quinze mois précédents. Les autorités chinoises ont laissé le yuan se déprécier en réponse à chaque nouvelle hausse des droits de douane américains (annoncée ou effective) afin de compenser partiellement leurs effets sur les entreprises exportatrices (graphique 2). Au mois de septembre, malgré l’introduction d’une nouvelle barrière tarifaire, le yuan s’est stabilisé face au dollar, Pékin et Washington s’étant mis d’accord pour reprendre les négociations. A court terme, le recours à la politique de change pour soutenir l’activité devrait rester relativement modéré, les autorités craignant une spirale négative d’anticipations de dépréciation et de nouvelles sorties de capitaux que la chute du yuan peut provoquer. En même temps, ce risque est lui-même limité par le maintien de contrôles sur les sorties de capitaux résidents (nettement renforcés depuis 2016, puis ajustés en fonction des pressions exercées sur la balance des paiements). Enfin, la légère amélioration de l’excédent courant (1,3% du PIB au S1 2019 et 1,7% prévu pour 2019 contre 0,4% en 2018) et l’augmentation attendue des entrées d’investissements de portefeuille étrangers sur les marchés financiers chinois (suite à de nouvelles mesures d’ouverture) pourraient aussi contribuer à la stabilisation du taux de change à court terme.
Le crédit peu réactif à l’assouplissement monétaire
L’investissement et la consommation privée ont encore perdu de leur vigueur au T3 2019. En valeur, l’investissement n’a progressé que de 5,5% en g.a. sur les huit premiers mois de 2019, contre 5,8% au S1 2019, et les ventes au détail de 7,5% en g.a. en juillet-août, contre 8,4% au S1 2019. Les facteurs baissiers sont nombreux : difficultés du secteur manufacturier et conséquences sur les profits des entreprises et sur le marché du travail, pic d’inflation des prix alimentaires (+10% en g.a. en août), ralentissement du revenu disponible (+6,5% en g.a. au T2 2019), et moindre croissance des prêts bancaires aux ménages (+16% en g.a. en août contre 21% fin 2017). Dans ce climat morose, le marché de l’immobilier résidentiel a repris des couleurs, puisque les volumes de transactions étaient de nouveau en légère hausse en juillet-août, alors que l’inflation du prix moyen des logements poursuivait sa baisse (+5,3% en g.a. en août). L’activité sur le marché de l’immobilier commercial et de bureaux reste en revanche déprimée.
Les politiques monétaire et budgétaire ont pris un tour de plus en plus expansionniste depuis le printemps 2018 en réponse au ralentissement continu de la demande interne. Du côté de la politique monétaire et de crédit, l’assouplissement a été continu mais très prudent. Les banques ont été incitées à accroître leurs prêts à certaines entreprises (PME, sociétés les plus saines, secteurs porteurs, etc.), les conditions de liquidité ont été améliorées notamment via des baisses successives des coefficients de réserves obligatoires (dernière baisse de 50 points de base mi-septembre), et les taux d’intérêt sur les prêts bancaires ont légèrement diminué. Pour rendre son action plus efficace, la banque centrale a annoncé en août 2019 une nouvelle réforme des taux d’intérêt : le taux principal sur les prêts à un an n’est plus indexé sur le « taux de référence » mais sur le « taux sur les facilités de financement à moyen terme » (taux MLF). Ce changement doit améliorer la transmission de la politique monétaire et donc favoriser la baisse des taux des prêts au secteur non financier à court terme.
Le taux moyen pondéré sur les prêts bancaires a en effet assez peu diminué depuis le début de l’assouplissement monétaire. Du T2 2018 au T2 2019, il s’est réduit de 28 points de base (pb) en termes nominaux et de 120 pb en termes réels (graphique 3). Et le crédit interne s’est peu redressé. La ré-accélération des prêts bancaires (2/3 des financements totaux), observée aux S2 2018 et T1 2019, n’a pas duré, leur croissance nominale ayant de nouveau ralenti de 13,8% en g.a. en mars 2019 à 12,6% en août. Les banques sont restées très prudentes dans un contexte de ralentissement de l’activité, de niveaux de dette excessivement élevés des emprunteurs et de risques de défaut importants. De plus, les financements des institutions non bancaires (shadow banking) continuent de se contracter, preuve de la détermination des autorités à poursuivre l’assainissement du secteur financier. Seuls les financements par émission d’obligations ont affiché une accélération progressive depuis un an (+11,3% en g.a. en août).
De fait, la marge de manœuvre des autorités pour relancer le crédit est étroite. Pékin souhaite stimuler la demande interne tout en poursuivant le renforcement du cadre réglementaire du secteur financier, les efforts de désendettement des institutions financières et des entreprises publiques les plus fragiles, et l’assainissement du marché immobilier pour améliorer l’accessibilité des ménages au logement. L’excès de dette du secteur des entreprises (dont la dette représentait environ 135% du PIB à la mi-2019, hors collectivités locales) et le niveau déjà élevé de l’endettement des ménages (55% du PIB) constituent des contraintes fortes sur la croissance même des nouveaux crédits et sur leur efficacité. Les taux d’intérêt devraient diminuer encore légèrement à court terme, et les autorités pourraient tenter d’assouplir encore leur politique monétaire en cas de nouvelle dégradation de la croissance économique. Les effets sur l’activité risquent toutefois de rester très modestes.
Les effets des mesures fiscales sont encore à venir
L’investissement dans les infrastructures publiques commence à se redresser légèrement. Il devrait se renforcer à court terme étant donné la récente accélération des émissions obligataires par les collectivités locales, destinées à financer leurs projets. Cependant, la marge de manœuvre des autorités pour augmenter l’investissement public est là aussi contrainte par le niveau d’endettement déjà important des collectivités locales et de leurs véhicules de financement (estimé à environ 50% du PIB).
Du côté de la fiscalité, les mesures de relance ont été multipliées depuis 2018. En particulier, les allégements accordés aux ménages visent à stimuler leurs dépenses en apportant un soutien direct au revenu disponible. Ils profitent davantage aux ménages ayant les revenus les plus modestes. Les changements introduits depuis 2018 comprennent, par exemple, une hausse des seuils des tranches d’impôt sur le revenu les plus basses. Les autorités estimaient initialement que les mesures d’allégement apporteront un gain allant jusqu’à RMB 660 mds au revenu disponible total. Ceci pourrait donc accroître la consommation privée de 1,2 point de pourcentage au total. Les effets positifs sur les dépenses des ménages n’étaient pas encore visibles dans les indicateurs d’activité du mois d’août, mais la hausse des sous-composantes « nouvelles commandes » des indices PMI du mois de septembre dans les secteurs manufacturier et des services semble annoncer une amélioration de la consommation privée.