Le début d’année montre toujours des signes de fragilité, après un net ralentissement économique fin 2018. Face à l’essoufflement de la demande extérieure, le secteur industriel est en première ligne. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (BCE) reste alerte et réactive ses prêts à long terme.
Le commerce extérieur, frein à la croissance
Le commerce extérieur a pesé sur la croissance de la zone euro en 2018, qui a atteint +1,8% en moyenne annuelle. La demande externe a faibli, fragilisant en particulier le secteur industriel, Allemagne en tête en raison de sa forte exposition internationale. L’activité a nettement ralenti par rapport à 2017, quand la croissance annuelle avait atteint +2,5%. Ce ralentissement s’est accentué au second semestre, l’Italie étant entrée en récession tandis que l’Allemagne, pénalisée par des chocs temporaires internes, notamment dans le secteur automobile, l’a évité de justesse. A l’inverse, l’économie française a fait preuve de résilience en dépit des mouvements sociaux de la fin de l’année, et l’Espagne a conservé un rythme de croissance soutenu.
Depuis le début de 2019, le commerce mondial est atone et l’incertitude autour de la stabilisation de l’activité en Chine, suite aux mesures de soutien, demeure. Dans ce contexte international peu porteur, les indicateurs conjoncturels dans l’industrie manufacturière restent mal orientés (cf. graphique 2). L’indice des directeurs d’achats (PMI) du secteur a atteint un point bas à 47,5 en mars 2019, sous l’effet de la poursuite de la dégradation dans le secteur industriel allemand (où le PMI est tombé à 44,1 en mars). Plus en détail, ce dernier est pénalisé par la baisse particulièrement sensible de la composante « nouvelles commandes à l’export ». Ces dynamiques contrastent avec le rebond de la production industrielle en zone euro en janvier, intervenu, il est vrai, après une fin d’année 2018 particulièrement dégradée notamment dans le secteur des matériels de transport. Les données pour l’ensemble du 1er trimestre 2019 nous donneront plus d’indications. Loin des difficultés du secteur industriel, l’activité dans le secteur des services de la zone euro se maintient. Le PMI a progressé en mars pour atteindre un niveau relativement confortable (53,3), suggérant la bonne tenue des soutiens internes à l’activité.
Au total, la croissance annuelle en zone euro fléchirait sensiblement cette année avant de globalement se stabiliser en 2020, à +0,9% puis +1,0% respectivement. L’Allemagne ralentirait sensiblement tandis que l’Italie afficherait une croissance nulle en 2019 avant de se redresser un peu en 2020. La croissance serait à son potentiel en France et elle baisserait en Espagne, tout en restant dynamique.
L’économie de la zone euro continuerait de faire face à la moindre vigueur du commerce international, dans un contexte d’incertitudes encore élevées. L’issue des négociations autour du Brexit, les tensions commerciales, avec, en ligne de mire, une possible instauration de taxes sur les automobiles européennes, mais aussi le rythme du ralentissement en Chine sont autant de sources d’inquiétudes pour les agents économiques de la zone euro. En revanche, les déterminants de la demande interne restent globalement robustes. Les conditions de financement toujours favorables et le niveau confortable, bien qu’en baisse, des marges des entreprises supporteraient l’investissement privé. Par ailleurs, le dynamisme du marché du travail et l’accélération des salaires dans un contexte de baisse continue du taux de chômage soutiendraient la consommation des ménages.
La matérialisation des risques entourant le scénario de croissance en zone euro pourrait avoir un effet sensiblement négatif. Dans le cas d’un Brexit sans accord ou d’un ralentissement plus brutal de l’économie chinoise, l’activité de la zone euro, et en particulier l’Allemagne dont l’économie est très ouverte, en pâtirait significativement[1].
Une politique monétaire proactive
Après une première vague mi-2014, le président de la Banque centrale européenne a, plus tôt qu’anticipé, annoncé lors de la réunion de mars 2019 le lancement de nouvelles opérations de prêts à long terme aux banques de la zone euro (TLTRO-III). D’une maturité de deux ans, ces opérations débuteront en septembre prochain pour s’étendre jusqu’en mars 2021, et seront assorties d’un taux indexé sur le taux principal de refinancement, aujourd’hui fixé à zéro, qui pourrait varier d’ici à l’échéance[2]. Ces prêts à long terme permettront notamment d’éviter un choc négatif de liquidité, en particulier au regard des ratios bancaires. Ils visent également à soutenir la transmission de la politique monétaire et l’offre de crédit, dont la dynamique globale dans la zone reste encore relativement bien orientée.
La Banque centrale européenne (BCE) a par ailleurs révisé sa forward guidance. Les taux d’intérêt resteront ainsi inchangés au moins jusqu’à la fin de l’année. Ils le resteront également en 2020 selon notre scénario. L’échéance de la fin de l’année, et non au-delà, permet au Conseil des gouverneurs de ne pas lier les mains du successeur de Mario Draghi, dont le mandat prend fin en octobre prochain. Dans l’ensemble, les taux resteront à des niveaux faibles pour longtemps. Les taux longs à l’horizon de prévision resteraient bas, dans un contexte de réinvestissements par la BCE des titres de son bilan arrivant à maturité, maintenant ainsi son stock inchangé. Les rendements à 10 ans allemands sont d’ailleurs récemment passés en territoire négatif, la montée actuelle des incertitudes renforce l’attrait du Bund, considéré comme une valeur refuge par les investisseurs.
Tout ceci s’inscrit dans un contexte d’atonie de l’inflation, dont la composante sous-jacente, qui oscille autour de 1% en rythme annuel depuis 2013, n’était que de +0,8% en mars, selon les premières estimations. Les anticipations fléchissent également, et affichent une baisse tendancielle depuis mi-2018 (cf. graphique 3). Selon nos prévisions, l’inflation annuelle devrait rester assez nettement en deçà de la cible de 2% à l’horizon 2020 (+1,4% après +1,2% en 2019).
Depuis 2014, la BCE, comme d’autres banques centrales, a intégré à ses instruments des taux négatifs (taux de facilité de dépôt à -0,4%). L’application prolongée de taux négatifs pèse sur la marge d’intermédiation des banques de la zone euro, en particulier celles ayant d’importantes réserves excédentaires (en Allemagne et en France en particulier). Des réflexions émergent aujourd’hui[3] au sujet de la mise en place de mesures permettant de limiter ces effets sur la rentabilité du système bancaire. En particulier, la question de l’adoption d’un système de tiering[4] se pose. Si toutefois elle devait voir le jour, l’efficacité de cette mesure, en termes de dynamique du crédit notamment, dépendra du comportement des banques notamment vis-à-vis du taux moyen appliqué à l’ensemble de leur stock de réserves excédentaires.