Net ralentissement de la croissance
Au quatrième trimestre de l’exercice budgétaire 2018/2019, qui s’est achevé le 31 mars 2019, la croissance économique indienne a enregistré son plus fort ralentissement en cinq ans. Elle n’a été que de 5,8% en glissement annuel (g.a.) contre 7,2% un an plus tôt. Ce ralentissement s’explique en partie seulement par un effet de base défavorable. Il résulte essentiellement de la forte décélération des investissements dans un contexte économique et financier moins favorable. Après cinq trimestres consécutifs de croissance supérieure à 10%, ils n’ont augmenté que de 3,6% en g.a. alors que les taux d’utilisation des capacités de production restent élevés.
La consommation des ménages a également ralenti (+7,2% en g.a.), mais dans une moindre mesure (-1 point de pourcentage par rapport au trimestre précédent). Finalement, en dépit d’un ralentissement modeste des exportations de biens et services (+10,6% en g.a.), la contribution des exportations nettes à la croissance est restée négative. L’activité est demeurée dynamique dans les services mais a ralenti sensiblement dans le secteur manufacturier et celui de la construction alors qu’elle s’est contractée dans l’agriculture.
Les premiers indicateurs d’activité disponibles ne laissent pas envisager à ce jour de rebond marqué au premier trimestre de l’exercice 2019/2020 (d’avril à juin 2019). Globalement, même si la production industrielle a légèrement accéléré en avril, et si les indices de confiance des entrepreneurs se sont améliorés en mai, d’autres indicateurs viennent nuancer cette bonne nouvelle. La production et les importations de biens en capital ont continué de baisser, ne laissant pas entrevoir d’accélération des investissements. Par ailleurs, la production de biens de consommation durable est restée extrêmement faible et, en avril, les ventes automobiles se sont contractées pour le sixième mois consécutif. Finalement, l’activité dans le secteur de la construction n’a pas rebondi au vu du ralentissement des productions de ciment et d’acier en avril.
Les risques sur la croissance sont élevés. La banque centrale a révisé à la baisse ses prévisions pour 2019 de 0,2 point de pourcentage (pp) à 7%. Aussi, pour soutenir l’activité économique, elle a procédé à trois baisses de ses taux directeurs de 25 points de base chacune depuis le début de l’année (abaissant le taux repo à 5,75%). En outre, même si les pressions inflationnistes ont légèrement augmenté depuis le début de l’année 2019 (+3% en mai en g.a), elles restent bien en deçà de l’objectif de 4% de la banque centrale. A ce jour, l’assouplissement monétaire s’est traduit par une baisse des taux d’intérêt moyens sur les nouveaux prêts de seulement 21 pb. Par ailleurs, les contraintes de liquidités supportées par les sociétés financières non bancaires pourraient commencer à peser sur l’investissement.
Pour soutenir durablement la croissance et stimuler les créations d’emplois – qui n’étaient que de 6 millions par an en moyenne au cours du premier mandat de N. Modi, alors que la population active augmentait en moyenne de 8 millions par an – le nouveau gouvernement doit accroître le niveau de qualification de la population et développer les infrastructures. Or, même si le déficit budgétaire a fortement baissé, la base fiscale reste très insuffisante pour permettre d’importantes dépenses.
Ralentissement des crédits des NBFC
Le ralentissement des crédits octroyés par les institutions financières non bancaires (Non-banking financial companies, NBFC) et la hausse de leur coût de financement, qu’elles ont répercutée sur les coûts du crédit, pourraient expliquer une partie du ralentissement des investissements. En dépit de l’accélération de la croissance des crédits octroyés par les banques depuis avril 2018 (conjointement à la consolidation de leur situation financière), le taux de croissance global du crédit (+10% en avril en g.a) a ralenti d’un point de pourcentage en un an.
Depuis septembre 2018, le rythme de croissance du crédit octroyé par les NBFC a sensiblement ralenti (+13% y-o-y au T4 FY2018/2019 vs +24% un an plus tôt). Ce mouvement reflète les difficultés de financement rencontrées par ces organismes depuis le défaut de Infrastructure Leasing & Financial Services. Or, la banque centrale a rappelé en mai 2019 l’importance de ces institutions dans le financement d’une partie de l’économie[1] et a incité les banques à compenser, au moins en partie, la forte baisse de financement via les fonds commun de placement et les émissions de billets de trésorerie. La part des crédits bancaires octroyés aux NBFC a ainsi augmenté de 1,4 pp au cours des douze derniers mois pour atteindre 7,3% en avril.
Fin mars 2019, la banque centrale estimait que la situation financière des NBFC restait globalement solide, bien qu’elle se soit dégradée au cours des douze derniers mois. Leurs créances douteuses représentaient 6,6% de leurs prêts (vs 5,8% un an plus tôt) et leur ratio de solvabilité s’élevait à 19,3%. A titre de comparaison, ces ratios sont plus dégradés pour les banques dans leur ensemble, bien qu’en nette amélioration depuis mars 2018 : pour ces dernières, le ratio de créances douteuses s’élevait encore à 9,3%[2] et le ratio de solvabilité était de 14,2%. Pour consolider la situation des NBFC et réduire leur risque de liquidité, la banque centrale a décidé de renforcer la réglementation. Jusqu’à présent, elles devaient respecter des règles prudentielles en matière de fonds propres et de provisionnement des actifs à risque. Elles devront respecter des ratios de liquidité à partir d’avril 2020.
Finances publiques 2019 : forte baisse des recettes
Sur l’exercice 2018/2019 achevé au 31/03/2019, le gouvernement est parvenu à réduire son déficit budgétaire et son déficit primaire rapporté de respectivement 0,1 et 0,3% points de pourcentage de PIB. Le déficit budgétaire a été abaissé à 3,4% du PIB, un niveau jamais atteint depuis 2008. Ce bon résultat est toutefois à nuancer. En effet, rapportées au PIB, les recettes du gouvernement ont baissé de 0,3 pp par rapport à l’exercice précédent et s’élevaient à seulement 8,8% du PIB (0,4 pp de moins que ce que prévoyait le ministère des Finances en février), la plus mauvaise performance jamais enregistrée. Cette baisse relative s’explique presque exclusivement par la diminution des taxes douanières, conséquence du ralentissement des échanges commerciaux alors que les prélèvements directs, notamment sur les entreprises, ont augmenté (reflet de leur meilleure santé financière). L’écart de revenus avec la cible du gouvernement s’explique surtout par les recettes de TVA décevantes, qui, bien qu’en hausse, n’ont atteint que 2,4% du PIB, soit 1 pp de moins que la cible (déjà révisée à la baisse en février).
Pour parvenir à réduire son déficit budgétaire, le gouvernement a donc été contraint de contenir, pour la cinquième année consécutive, ses dépenses hors intérêts qui ont atteint seulement 9,1% du PIB, soit 1,5 pp de moins qu’il y a cinq ans. Néanmoins, les dépenses d’investissement, bien qu’encore insuffisantes et inférieures à leur cible, ont augmenté de 0,1 pp à 1,6% du PIB.
Au-delà des évolutions en demi-teinte du déficit budgétaire, le ratio de dette du gouvernement rapportée au PIB a continué de baisser pour atteindre 47,9% du PIB. Mais dans le même temps, la dette des Etats aurait continué à augmenter selon les prévisions du ministère des Finances, limitant la baisse de la dette publique qui atteignait toujours 67,3% du PIB.
Victoire très confortable de Narendra Modi
Le parti de Narendra Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP), a remporté lors des élections générales d’avril-mai, une victoire encore plus confortable qu’il y a cinq ans. Sur les 542 sièges qui composent actuellement la chambre basse du Parlement, le BJP en a remporté 303 (vs 268 à la veille des élections). Son parti de coalition, National Democratic Alliance (NDA), détient désormais 65,9% des sièges. Toute la question est de savoir s’il disposera d’une majorité à la chambre haute du Parlement afin de mettre en place de nouvelles réformes (en particulier celle sur l’acquisition des terres). A ce jour, le NDA ne détient que 34,7% des sièges. Néanmoins, d’ici la fin 2020, 43 sièges seront renouvelés dans les Etats actuellement gouvernés par le NDA. Narendra Modi pourrait obtenir la majorité d’ici 18 mois, si son parti conserve le pouvoir dans ces Etats (suite aux élections législatives qui se dérouleront au cours des prochains mois, notamment dans le Maharashtra).