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Eco Emerging // 2 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
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la fin de l’année 2022, l’inflation des prix à la consommation devrait
atteindre en moyenne 10,1% en a.b. 2023.
ÉGYPTE : AVOIRS EN DEVISES DU SYSTÈME BANCAIRE
Dans ce contexte, la cible d’inflation des autorités monétaires (7% +/-
Réserves en devises Tier2 de la Banque centrale
Réserves en devises de la Banque centrale
Actif en devises net des banques commerciales (é.d.)
2
% en moyenne au cours du T4 2022) risque d’être largement dépassée.
Le relèvement du taux d’intérêt directeur de la banque centrale (CBE),
initié en mars, devrait donc se poursuivre au cours de l’année 2022.
mds USD
55
mds USD
10
mars 2022
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4
4
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0
5
0
5
DÉGRADATION DES COMPTES EXTÉRIEURS
5
0
En cours depuis mi-2021, l’érosion de la liquidité en devises s’est ac-
célérée avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. Au cours du
second semestre 2021, le creusement du déficit des comptes courants
et la prudence des investisseurs étrangers (les primes de risque sur
les emprunts souverains en devises ont doublé entre septembre et dé-
cembre 2021) ont entraîné une détérioration de la balance des paie-
ments. Si les réserves de change de la CBE sont restées pratiquement
stables en 2021 à environ USD 36 mds (or exclu), la dette extérieure
nette des banques commerciales a bondi, atteignant USD 11,5 mds
fin 2021, alors qu’elle était nulle six mois auparavant. La vulnérabilité
de l’économie égyptienne aux conséquences du conflit en Ukraine a
entraîné d’importantes sorties de capitaux. Au cours du mois de mars
30
25
20
15
10
5
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0
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6-18
12-18
06-19
12-19
06-20
12-20
06-21
12-21
GRAPHIQUE 2
SOURCES : BANQUE CENTRALE D’ÉGYPTE, BNP PARIBAS
tiers des recettes courantes) devraient rester soutenus en raison de la
conjoncture économique porteuse dans les pays du Golfe et l’attrac-
tivité des taux sur les certificats de dépôts en livres proposés par les
deux principales banques publiques (18% sur un an). Au cours de l’an-
née budgétaire 2023, le besoin de financement total (déficit courant et
amortissement de la dette en devises) approcherait des USD 30 mds.
Les financements multilatéraux (FMI) et bilatéraux (notamment pays
du Golfe) devraient couvrir une partie de ce besoin de financement. En
revanche, les flux d’investissement de portefeuille sont plus incertains
et plus coûteux. En effet, les primes de risque sur les obligations sou-
veraines ont augmenté de 150 points depuis un an.
2
022, les réserves de change de la CBE ont baissé de USD 4,8 mds tan-
dis que les réserves tier 2 (destinées à faire face aux sorties de capitaux
volatils) se sont réduites de USD 7,4 mds.
Dans ce contexte, la CBE a laissé la livre se déprécier d’environ 15% par
rapport au dollar US et des discussions officielles avec le FMI se sont
ouvertes. Parallèlement, l’Arabie saoudite a augmenté de USD 5 mds
ses dépôts auprès de la CBE et un des fonds souverains émiratis a ac-
quis environ USD 2 mds d’actifs sur le marché actions égyptien (équi-
valant à environ 5% de la capitalisation totale). Ce soutien important et
celui probable du FMI devraient contenir les pressions à la baisse sur
les réserves à très court terme.
Néanmoins, nous restons prudents quant aux perspectives à court et
moyen terme. En effet, la crise ukrainienne montre une nouvelle fois la
fragilité de la balance des paiements égyptienne aux chocs externes,
et l’importance d’un soutien extérieur significatif dans une telle si-
tuation. Nous prévoyons en effet un creusement du déficit courant en
LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE REPART À LA HAUSSE
Les efforts d’assainissement budgétaire observés depuis 2015 vont
s’interrompre. En raison notamment de la hausse des subventions
alimentaires et d’une collecte fiscal ralentie, le déficit budgétaire
devrait atteindre 7,9% du PIB cette année et le solde primaire rester
positif, équivalant à 0,1% du PIB. La détérioration des perspectives
économiques depuis le début de l’année a incité le gouvernement
à revoir son projet de budget pour 2023. Les mesures annoncées
concernent une augmentation générale des dépenses sociales, des
salaires et des retraites du secteur public, ainsi qu’une réduction des
taxes sur les transactions financières qui devrait notamment bénéficier
aux investisseurs étrangers. Selon nos estimations, ces mesures
pourraient atteindre environ 5% du PIB. Parallèlement, la combinaison
de la hausse des taux d’intérêt à court terme de la banque centrale
et de la persistance des pressions inflationnistes devrait accroître les
taux de financement du gouvernement sur l’ensemble des maturités.
Au total, nous anticipons en a.b. 2023 un solde budgétaire primaire
négatif (-0,4% du PIB) et une hausse de la charge d’intérêt (51% des
revenus en a.b. 2021).
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022 et 2023. Même si les volumes d’importations ralentissent for-
tement, le gain sera compensé par la hausse des prix des matières
premières. Le pays est importateur net de pétrole depuis 2015 et le dé-
ficit des comptes extérieurs d’hydrocarbures devrait atteindre environ
USD 1 md en 2022 et 2023 (contre USD 0,4 md en moyenne les trois
années précédentes). Concernant les importations de produits alimen-
taires, même si le niveau des stocks de blé et le début de la campagne
de récolte de la production nationale (environ un 25% de la consomma-
tion) peuvent contenir les importations pendant quelques mois, les dif-
ficultés d’acheminement de la production de blé russe et ukrainienne
(
80% des importations égyptiennes) et les prix élevés sur l’ensemble
de la chaine de valeur (engrais, énergie, transport) devraient maintenir
la pression à la hausse sur le prix du blé au moins jusquà la fin 2022.
Du côté des exportations, les gains de compétitivité escomptés avec la
dépréciation de la livre sont très incertains en raison de l’interdiction
d’exportations de certaines catégories de biens et du ralentissement
attendu du commerce mondial. Au total, le déficit commercial pour-
rait dépasser pour la première fois USD 50 mds en a.b. 2023 (11% du
PIB). Les recettes du canal de Suez devraient continuer de progresser,
notamment grâce à la hausse des droits de péage, mais elles ne re-
présentent que 6% environ des recettes courantes totales. Le rebond
de l’activité touristique attendu devrait être retardé de plusieurs mois.
Seul point réellement positif, les transferts des expatriés égyptiens (un
Achevé de rédiger le 11/04/2022
Pascal DEVAUX
pascal.devaux@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
qui change