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Chine : nouveau coup de frein

21/04/2022
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Après un bon début d’année 2022, la croissance économique chinoise a ralenti en mars. Les freins à la croissance vont persister à très court terme. D’abord, la forte hausse du nombre de cas de Covid-19 a conduit de nombreuses régions à imposer de sévères restrictions à la mobilité. Ensuite, la correction dans le secteur immobilier se poursuit. Enfin, les effets de la guerre en Ukraine sur les prix des matières premières et le commerce mondial vont pénaliser les producteurs et les exportations. Dans ce contexte, l’objectif de croissance fixé par Pékin à 5,5% pour 2022 semble très ambitieux. Les autorités accélèrent l’assouplissement de leurs politiques budgétaire et monétaire.

PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES DE LA CHINE
RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE EN MARS

Après une amélioration au cours des deux premiers mois de 2022, la croissance chinoise a de nouveau ralenti. Les indices des directeurs d’achat (PMI) publiés fin mars signalaient un affaiblissement de l’activité dans les secteurs manufacturier et non manufacturier et une détérioration des anticipations de la demande intérieure et internationale. Les indices et sous-indices correspondants ont tous chuté et sont passés sous la barre des 50. Ce ralentissement devrait se poursuivre à très court terme, en raison, sur le plan interne, de la nouvelle vague d’épidémie de Covid et de la correction dans le secteur immobilier et, sur le plan externe, des répercussions de la guerre en Ukraine sur les prix des matières premières et le commerce mondial.

Recrudescence de l'épidémie et confinement

Au début de l’année, l’activité dans les services avait commencé à se renforcer (+4,2% en glissement annuel en janvier-février contre +3,3% au T4 2021), de même que les volumes de ventes au détail (+4,9% en g.a. en janvier-février contre moins de 2% au T4). Mais cette reprise s’est brutalement interrompue en mars, avec une baisse de 0,9% en g.a. de la production de services et de près de 5% des volumes de ventes au détail.

De nombreuses provinces ont en effet introduit des restrictions face à la forte hausse du nombre de cas de Covid-19, conformément à la stratégie zéro Covid et compte tenu de l’insuffisance de la couverture vaccinale des personnes âgées (86% de la population avait reçu deux doses de vaccin à fin mars, mais le taux tombe à 82% pour les 70-79 ans et 51% pour les 80 ans et plus). La première semaine d’avril 2022, les villes et leurs régions concernées par un confinement total ou très strict (notamment Shanghai et Jilin) représentaient environ 12% du PIB chinois et celles touchées par des restrictions moins sévères plus de 50% du PIB (contre 30% deux semaines auparavant).

Bien que les autorités devraient tenter de limiter les effets des restrictions sur l’activité des usines, certains sites de production connaissent actuellement d’importantes perturbations. Surtout, le transport des marchandises et de nombreux secteurs de services (loisirs, commerce de détail, mobilités, etc.) sont fortement pénalisés et pourraient le rester encore plusieurs semaines.

La situation sanitaire n’aide pas le marché immobilier. Sa correction s’était un peu atténuée en janvier-février avec le léger assouplissement des conditions de financement, mais elle prend à nouveau de l’ampleur. Le prix moyen des logements baisse lentement (-2% environ depuis juillet 2021 pour les 70 principales villes) et le volume de transactions continue de chuter (-17% en g.a. en mars après -10% en janvier-février), aggravant les difficultés des promoteurs immobiliers.

La croissance industrielle, qui avait réaccéléré depuis octobre (+7,5% en g.a. en janvier-février contre 3,9% au T4 2021), a marqué le pas (+5% en mars). Elle devrait rester freinée par les mesures anti-Covid et la faiblesse de la demande intérieure, ainsi que par les nouvelles perturbations dans les chaines d’approvisionnement et le ralentissement de la demande mondiale provoqués par la guerre en Ukraine. Après leur performance extrêmement solide en 2020 et 2021, les exportations vont ralentir fortement en 2022. Les prix élevés des matières premières alourdiront la facture des importations, et les excédents commerciaux et courants de la Chine devraient donc se réduire assez rapidement.

Répercussions de la guerre en Ukraine

Les répercussions directes de la guerre en Ukraine sur l’activité en Chine devraient être limitées. D’une part, les exportations de la Chine vers la Russie et l’Ukraine représentent seulement 2,3% de ses exportations
totales, et ses achats en provenance de ces deux pays seulement 3% de ses importations. Les liens commerciaux et financiers entre la Russie et la Chine ont augmenté au cours de la dernière décennie dans un contexte de sanctions américaines et européennes contre Moscou. En 2020, près de 20% de leurs échanges commerciaux étaient réglés en RMB. Ces liens sont actuellement maintenus, mais il est peu probable qu’ils se renforcent beaucoup à court terme. La capacité de la Chine à accroître ses importations de biens russes est limitée, d’abord par son ralentissement économique en cours, ensuite par des contraintes logistiques (manque de pipelines, coût du transport des marchandises). Par ailleurs, les institutions chinoises devraient respecter les sanctions internationales contre Moscou, en dépit des discours officiels les dénonçant, par crainte de sanctions secondaires de la part de ses principaux partenaires commerciaux (les États-Unis et l’UE absorbent 33% des exportations chinoises).

D’autre part, l’effet à court terme de la flambée des cours mondiaux des matières premières sur l’indice des prix à la consommation (IPC) et le pouvoir d’achat des ménages devrait être modéré, notamment du fait de l’existence de contrôles partiels sur les prix de l’énergie et des céréales. La Chine peut également puiser dans ses réserves de céréales, jugés très confortables (à fin 2021, il était estimé que les stocks de blé couvraient au moins un an de consommation locale). Par ailleurs, la baisse des prix de la viande entretient depuis environ une année des pressions déflationnistes sur les prix alimentaires (-3,1% en g.a. au T1 2022). L’inflation IPC s’est établie à seulement 1,5% en mars (contre 0,9% en janvier et février) et restera inférieure à 3% en moyenne en 2022.

En revanche, l’inflation des prix à la production devrait rester élevée (elle s’est établie à 8,7% en g.a. au T1), ce qui pèsera sur l’activité industrielle. Certains secteurs pourraient également faire face à des problèmes d’approvisionnement, en provenance d’Ukraine tout au moins. La Chine est surtout dépendante de ce pays pour son approvisionnement en maïs (plus de 50% de ses importations totales de maïs), orge (26%) et huile de tournesol (59%). Les importations venant de Russie devraient quant à elles continuer plus normalement. Environ la moitié est constituée de pétrole (soit 14% des importations totales de pétrole de la Chine en 2020). La Chine dépend également de la Russie pour son approvisionnement en bois (19% de ses importations totales de bois), fertilisants (22%) et métaux industriels (environ 7%).

Soutien immédiat à la croissance

Les autorités ont défini leurs objectifs macroéconomiques pour 2022 lors de la session annuelle du Parlement début mars. La cible de croissance, fixée à 5,5%, semble très ambitieuse dans le contexte actuel et après un premier trimestre 2022 mitigé (le PIB réel a progressé de 4,8% en g.a., résultat de deux premier mois solides suivis du coup de frein en mars). L’assouplissement du policy mix, en cours depuis le dernier trimestre 2021, devrait accélérer dans les prochaines semaines.

Pékin a établi son objectif de déficit budgétaire officiel[1] à 2,8% du PIB pour 2022, contre 3,1% en 2021. Cette réduction n’annonce pas pour autant un resserrement budgétaire, mais peut être davantage considérée comme un signal de prudence de la part des autorités, qui souhaitent contenir le dérapage des comptes publics. En fait, d’importantes mesures sont envisagées pour soutenir l’activité. Elles seront notamment financées grâce au report de ressources budgétées mais non utilisées en 2021 et, comme souvent en Chine, par les « fonds gouvernementaux » [2] et d’autres entités quasi- et extra-budgétaires. Dans son rapport sur le budget 2022, le ministre des Finances table sur un déficit général[3] de 4,7% du PIB (contre un déficit réalisé en 2021 de 3,8%), un déficit des fonds gouvernementaux de 3,4% (contre 1,4% en 2021), et un déficit consolidé de l’ensemble des administrations publiques[4] de 7,3% (contre 4,4% en 2021). Ces chiffres donnent une idée plus exacte (mais toujours incomplète[5]) de l’ampleur considérable de la relance envisagée en 2022. Les principales mesures consisteront en de nouveaux investissements publics dans les infrastructures (en particulier dans les transports, la conservation de l’eau, l’irrigation et le numérique) et d’importantes aides et réductions d’impôts visant notamment à soutenir les petites et moyennes entreprises et l’industrie manufacturière. Des mesures d’aide aux ménages sont également évoquées dans le rapport sur le budget.

La politique monétaire et les conditions de crédit ont été assouplies progressivement depuis le T4 2021, via des mesures ciblées (programmes de prêts pour soutenir les PME, le monde rural ou l’innovation), la réduction des coefficients de réserves obligatoires (passés en décembre de 12% à 11,5% pour les grandes banques) et la baisse des taux d’intérêt. Les conditions de prêts hypothécaires et d’accès des promoteurs immobiliers aux financements de court terme ont également été légèrement assouplies. Le but principal est d’aider les promoteurs à achever les chantiers en cours et de rassurer les ménages envisageant des achats résidentiels afin de contenir la crise du secteur. De nouvelles baisses de taux sont attendues au T2 2022. La croissance du total des financements à l’économie, qui avait ralenti au cours des trois premiers trimestres 2021, s’est à peine redressée depuis octobre.

CHINE : LÉGER ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE CRÉDIT

Enfin, après des mois de resserrement réglementaire dans le secteur des services numériques, les autorités ont annoncé mi-mars des ajustements. Cela a rassuré les investisseurs et pourrait permettre de lever certains des freins qui avaient pesé sur la croissance en 2021.

1 Pour une définition des soldes budgétaires, voir « Chine : le maquis des finances publiques », Eco Conjoncture, BNP Paribas, Sept. 2021.

2 Ces fonds sont gérés hors du budget « général », essentiellement par les collectivités locales, et principalement financés par les recettes foncières et l’émission d’obligations spéciales.

3 Déficit du gouvernement général (gouvernement central + collectivités locales), avant transferts d’autres comptes publics.

4 Gouvernement général + fonds gouvernementaux + fonds financé par des versements de bénéfices des sociétés publiques + caisses de sécurité sociale.

5 Les chiffres du rapport sur le budget ne tiennent pas compte des opérations extrabudgétaires notamment prises en charge par les véhicules de financement des collectivités locales.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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