Passage à vide depuis le dernier trimestre 2018
En 2018, la croissance s’est maintenue au même rythme qu’en 2017, soit 1,1% en moyenne annuelle. L’année a été marquée par la grève des routiers et la tenue des élections présidentielles. La consommation des ménages est restée le principal moteur grâce notamment à la hausse du crédit à la consommation, qui a tiré la reprise du crédit (+5% en 2018) après deux années de contraction en 2016 et 2017. L’investissement s’est redressé (+4,1% g.a.) après quatre années de repli. Le taux d’investissement demeure largement en deçà de son pic de 2013 (17,4% contre 22,8% du PIB).
En revanche, la contribution nette du commerce extérieur est négative (-0,5 pp) pour la première fois depuis 2013. Cependant, le déficit du compte courant (USD 14,5 mds) a été contenu (0,8% du PIB) et a été largement couvert par les flux nets d’IDE (USD 74,3 mds, soit 4,1% du PIB). L’acquis de croissance pour 2019 est faible, la croissance ayant marqué le pas en fin d’année (+0,1% t/t au T4).
Depuis le début de l’année, les indicateurs d’activité ont été très décevants malgré le redressement de certains indices de confiance. La production industrielle est restée étale sur les deux premiers mois de l’année (-0,8% m/m, en données cvs en janvier suivi de +0,7% en février). La production minière a même fortement chuté
(-15% en février) suite à la rupture du barrage à Brumadinho fin janvier. Les capacités non utilisées dans l’industrie restent importantes, ce qui explique que le crédit aux entreprises ne se redresse que très lentement (+2% g.a. en février) dans un contexte de rationnement de l’offre de crédit bancaire subventionné. Plus étonnant, les ventes au détail sont erratiques malgré la progression des salaires réels depuis novembre et la bonne tenue du crédit à la consommation (+9% en g.a. en février). Le marché du travail se dégrade avec un taux de chômage en hausse (12,4% fin février contre 11,6% en décembre). Enfin, l’activité dans les services a aussi ralenti depuis le début de l’année. Au total, l’indicateur avancé d’activité de la banque centrale (IBC-BR) s’est replié en janvier et février (-0,3% et -0,7% m/m, cvs) laissant craindre une contraction du PIB au T1 2019.Pour l’instant, les marchés financiers ne sanctionnent pas ces mauvais indicateurs conjoncturels. Le marché actions a fait mieux que résister même s’il connaît des mouvements plutôt baissiers depuis un mois après avoir passé la barre des 100,000 points pour la première fois de son histoire. Les primes de risque sur le souverain (EMBI+Br) se maintiennent autour de 250 points de base (pb) après s’être tassé de près de 100 pb depuis début septembre 2018. Le real a cédé ses gains contre le dollar acquis au cours du premier mois (+6% début février) pour retrouver son niveau du début de l’année. La monnaie reste toutefois en retrait de 12% sur un an.
A ce stade, les espoirs de voir l’activité ré-accélérer sont limités. La consolidation budgétaire ne laisse pas de marge pour augmenter les dépenses publiques tandis que le climat d’attentisme lié à la réforme pèse sur les décisions d’investissement. Enfin, les facteurs externes ne sont pas particulièrement porteurs : au ralentissement général de l’économie mondiale s’ajoute la récession en Argentine qui pèse sur les exportations de biens d’équipements notamment dans l’industrie automobile. Heureusement, le relâchement des conditions financières et la désinflation restent favorables à la croissance de la consommation privée et du crédit. Le taux directeur est à son plus bas historique (6,5%) depuis un an et l’inflation devrait rester contenue en deçà de la cible de la banque centrale en 2019.
Des finances publiques dégradées…
Les comptes publics du Brésil se sont très largement dégradés depuis 2014, année où le solde primaire (hors charges des intérêts de la dette) est devenu négatif après 10 ans d’excédent. Sur la période 2014-2018, le déficit budgétaire du gouvernement central s’est affiché en moyenne à 6,8% du PIB, tandis que le déficit primaire s’établissait à 1,7% en moyenne. La détérioration du solde budgétaire est imputable à des facteurs conjoncturels (effondrement des recettes pendant la récession (2015-2016) ; reprise économique poussive). Il est surtout symptomatique d'importants déséquilibres structurels du côté des dépenses qui ont conduit celles-ci à augmenter trois fois plus vite que le PIB au cours des 10 dernières années. L’inflation des dépenses concerne en premier lieu le régime de retraite et les prestations sociales[1], mais aussi la masse salariale[2] ainsi que les subventions indirectes et directes.
Compte tenu d’une charge d’intérêts structurellement élevée (~5% du PIB), l'incapacité à corriger les déficits primaires a conduit à une forte augmentation de la dette publique (+25 points de pourcentage de PIB depuis 2013 à 77% en 2018). Malgré la loi sur le gel des dépenses primaires votée en 2016[3], les fortes contraintes pesant sur les dépenses obligatoires (dépenses sociales et pensions notamment) ont limité les progrès en termes de consolidation fiscale.
Pour l’instant, le financement de la dette ne pose pas problème. Le profil de la dette publique s’est amélioré au cours des 10 dernières années (échéances plus longues, faible dette en devises, meilleur profil d’amortissement, remplacement progressif d’instruments à taux variables par des instruments à taux fixes). La couverture des besoins de financement de l’Etat demeure, en outre, bien assurée par un marché des capitaux local liquide. La dette publique reste par ailleurs principalement détenue par des acteurs locaux, et la part des non-résidents n’était que de 11% fin 2018 contre 21% en mai 2015. Dans le même temps, le coût moyen d'emprunt sur la dette domestique s’est réduit (17,5 % en 2015 contre 10,6% en 2018) au cours des dernières années grâce à la désinflation et à la baisse du taux de référence SELIC.
….sur fond du projet de loi de réforme des retraites
Le projet de loi sur la réforme des retraites — présenté par le gouvernement en février est actuellement en discussion au Congrès. Il prévoit des économies estimées à environ USD 300 mds sur 10 ans, (environ 1,5% du PIB par an) [4]. Un récent sondage de Datafolha révèle que le soutien populaire en faveur de la réforme s’est accru (51% de rejet contre 71% en avril 2017). Cependant, l’ampleur des économies sera probablement revue à la baisse d’au moins un tiers à l’issue des négociations au Congrès. En effet, les tensions récentes entre l’exécutif et le Congrès suscitent des doutes quant à la capacité du gouvernement à obtenir les soutiens nécessaires au vote de la réforme. De surcroît, la forte popularité de Bolsonaro – principal levier pour pousser un Congrés fragmenté à former une majorité qualifiée (3/5e) – s’est effritée. Le dernier sondage Ibope fait état d’une chute de la cote de popularité du président de 49% en janvier à 34% en mars.Au mieux, la réforme devrait permettre de réduire le déficit primaire à hauteur de 0,7 à 1 pp de PIB. En conséquence, elle ne permettra pas à elle seule de stabiliser le ratio de dette publique.