Marchés monétaires sous perfusion
Les 16 et 17 septembre derniers, les marchés monétaires américains se sont grippés : l’excès de demande de cash a fait flamber les taux d’emprunt au jour le jour. La cause principale de ces tensions est de nature réglementaire : les exigences de liquidité, dans un contexte d’insuffisance des réserves en banque centrale, ont limité la capacité des grandes banques à absorber ce choc de demande[1]. Soucieuse d’atténuer les tensions, la Réserve fédérale injecte, depuis le 17 septembre, de la monnaie centrale par le biais d’opérations de prise en pension de titres (repo)[2] à 1 jour et à terme avec les primary dealers. En cumul, et compte tenu des limites fixées par la Fed, l’encours des liquidités prêtées atteignait USD 237 mds le 18 décembre (la demande de cash exprimée lors des neuf opérations en cours à cette date s’élevait à USD 300 mds, cf. graphique 1). En complément de ce dispositif, la Fed procède depuis la mi-octobre, à des achats fermes de T-bills (à raison de USD 60 mds par mois).
En l’espace de trois mois, du mercredi 11 septembre au mercredi 11 décembre, les mesures prises par la Fed ont permis d’injecter USD 328 mds de liquidité centrale supplémentaires (USD 213 mds via ses opérations repo et USD 115 mds via ses achats de titres). Un montant qui a probablement atteint USD 367 mds le 18 décembre.
Certes, la Fed a réussi, jusqu’à présent, à atténuer les tensions sur les marchés monétaires. Les besoins spécifiques des participants, à l’approche des arrêtés comptables, risquent toutefois de les raviver (cf. infra). Aussi, la Fed a-t-elle annoncé, jeudi 12 décembre, un renforcement de son soutien. Au total, en supposant un tirage complet des ressources offertes, USD 283 mds de liquidité centrale supplémentaires pourraient être injectés d’ici la fin d’année, portant à USD 650 mds le soutien total apporté depuis septembre[3]. Pour colossal qu’il puisse paraître, celui-ci risque néanmoins de se révéler inadapté.
Un tiers des liquidités injectées aura financé le gonflement du compte du Trésor auprès de la Fed
D’une part, même en supposant un tirage complet des ressources offertes, les réserves des banques auprès de la Fed n’augmenteront pas, d’ici la fin d’année, de USD 650 mds car une partie des injections de liquidité continueront de financer la reconstitution du compte du Trésor (Treasury General Account, TGA) (graphique 2).
Déjà, entre le 11 septembre et le 11 décembre, les comptes courants des banques auprès de la Fed ne se sont élargis que de USD 213 mds[4] en raison de la conversion d’une partie des dépôts bancaires en pièces et billets (de USD 28 mds) et, surtout, en raison du gonflement des avoirs du Trésor (de USD 121 mds)[5]. De la même manière, d’ici la fin d’année, compte tenu de l’augmentation tendancielle des pièces et billets (+USD 7 mds) et de la reconstitution prévisible du compte du Trésor (+USD 106 mds[6]), les réserves des banques ne devraient s’accroître que de USD 209 mds[7], pour s’établir à près de USD 1880 mds, leur niveau d’octobre 2018.
Finalement, sur l’ensemble de la période considérée (du 11 septembre 2019 au 1er janvier 2020), les avoirs des banques auprès de la Fed ne devraient s’élargir que de USD 420 mds. Un tiers des injections de liquidités aura ainsi, indirectement, servi à financer le gonflement du TGA.
L’incidence de la réglementation sur les marchés monétaires sous-estimée