Des fondamentaux économiques enviables
La croissance économique s’est légèrement tassée en 2018 mais reste à un niveau soutenu. Selon les premières estimations officielles, le PIB a crû de 3,2% en termes réels contre 3,3% en 2017. La consommation privée et l’investissement productif sont les principaux moteurs de l’activité. Selon la banque centrale (BoI), l’économie est proche du plein emploi, ce qui provoque des tensions en termes d’offre et expliquerait la hausse soutenue des importations, et la contribution négative du commerce extérieur à la croissance. Celle-ci devrait rester négative en 2019 malgré l’accélération des exportations de biens et de services. En 2019, la consommation privée devrait rester dynamique dans un contexte de tensions sur le marché du travail. Le taux de chômage se maintient à un niveau bas (4,1% en novembre 2018) tandis que le taux d’emplois non pourvus reste à un niveau historiquement élevé. Dans ce contexte, la hausse des salaires réels est soutenue (+2,5% g.a. en octobre 2018).
L’inflation des prix à la consommation a accéléré et reste largement sous contrôle (+0,8% en moyenne en 2018). Après les périodes déflationnistes de 2015 et 2016 (respectivement -0,6% et -0,6%), les prix avaient été quasi-stables en 2017 (+0,3%) en raison notamment de l’appréciation du shekel. La situation de plein emploi et la poursuite de la hausse des salaires devraient alimenter les pressions inflationnistes, mais elles resteront très modérées en raison de l’appréciation attendue du shekel (elles se situent dans une fourchette 1,3%-1,6% en moyenne annuelle). Dans ce contexte, la BoI a procédé à une hausse de son taux directeur en décembre dernier à 0,25%, première hausse depuis février 2015. Cette normalisation monétaire, qui a quelque peu surpris le marché, a été opérée largement à titre préventif afin de tenir compte, d’une part, des conditions économiques internes plus inflationnistes, et, d’autre part, des incertitudes externes liées à l’évolution des prix du pétrole et à la politique monétaire américaine et européenne. Cependant, autant le niveau actuel d’inflation que ceux qui sont anticipés restent proches de la borne basse de la cible d’inflation de la BoI (1%-3%). Le durcissement de la politique monétaire restera probablement très graduel.
Le solde budgétaire s’est significativement dégradé en 2018 (2,9% du PIB après 1,9% en 2017) mais reste dans la cible de déficit du gouvernement (2,9% du PIB). Cette hausse du déficit budgétaire est liée à une augmentation plus forte que prévu des dépenses, notamment dans le secteur militaire. Elle s’explique également par l’absence de revenus exceptionnels. En effet, 2017 avait été marqué par des ventes importantes d’actifs israéliens à des investisseurs étrangers et par une collecte exceptionnelle de taxes sur les dividendes. L’incertitude politique actuelle et le déroulement d’élections parlementaires en avril prochain ne sont a priori pas favorables à la consolidation budgétaire. Par conséquent, nous estimons que le déficit devrait se creuser en 2019 pour atteindre 3,3% du PIB. Le ratio de la dette publique devrait rester légèrement supérieur à 61% du PIB.
Au total, bien qu’en légère dégradation, les perspectives économiques restent bien orientées. Le climat de volatilité politique actuel ne devrait avoir qu’un impact marginal sur l’économie, comme souvent dans ce pays.
La dégradation de la compétitivité affecte marginalement le compte courant
Les comptes extérieurs ont connu des évolutions significatives au cours des dernières années. Le premier élément notable est la détérioration de la balance commerciale de base[1] ; son déficit a atteint un niveau record en 2018 : environ USD 25 mds, soit 6,9% du PIB (4,3% du PIB en 2017). Les exportations de biens stagnent tandis que la hausse des importations a suivi l’accélération de la demande interne. On constate que l’évolution en volume des exportations est devenue négative depuis 2012. Selon les estimations du FMI, ces exportations ont baissé en moyenne de 0,4% entre 2013 et 2017. Depuis le maximum atteint en 2000, la part de marché des exportations israéliennes dans le commerce mondial n’a cessé de se réduire (de 0,46% à, au mieux, 0,30% en 2018). L’appréciation du taux de change effectif réel (TCER) depuis 2012 explique probablement cette perte de compétitivité des exportations de biens. Par rapport à sa tendance de long terme, la surévaluation du TCER[2] est actuellement de plus de 10%.
L’évolution des exportations de biens (en valeur) selon leur intensité technologique ne permet pas de dégager une tendance claire. Les exportations de basse intensité technologique (7% du total) sont relativement stables, tandis que celles d’intensité technologique moyenne et élevée (53% et 40% du total) sont assez volatiles. Il semble cependant que la baisse des exportations de haute technologie en 2018 (-6% en valeur g.a.) soit principalement due à la chute des exportations pharmaceutiques. La répartition des exportations de biens par destination est relativement stable depuis 2012. L’Europe et les Etats-Unis restent les principaux débouchés des exportations israéliennes (respectivement 35% et 30% du total) suivis par l’Asie (25% du total).
Contrairement aux exportations, la croissance du volume des importations a été soutenue entre 2012 et 2017 (+3,2% en moyenne) par la consommation privée et l’investissement. Il semblerait que l’exploitation des importantes réserves gazières n’ait pas encore diminué significativement la dépendance du pays aux importations d’hydrocarbures. En effet, pour le moment les produits pétroliers continuent de très largement dominer les importations d’énergie et entretiennent la volatilité des comptes extérieurs. En 2018, la facture énergétique devrait s’élever à plus de USD 10 mds, soit une hausse de 35% par rapport à 2017. Au total, le déficit de la balance commerciale devrait perdurer à moyen terme.
Le dynamisme des exportations de services contraste avec celui des biens, et traduit un changement dans la structure du commerce extérieur. En 2017, les échanges de services ont enregistré un excédent record de plus de USD 15 mds (11,2% du PIB). Depuis 2010, les exportations de services de haute technologie[3] ont transformé la structure du compte courant. Celles-ci se sont élevées à USD 33,6 mds en 2017, soit un doublement en moins d’une décennie. En termes nets, les services de haute technologie ont dégagé un excédent de plus de USD 20 mds en 2017 (USD 7,5 mds en 2010).
L’activité touristique est en net rebond depuis 2016 mais sa contribution nette au commerce extérieur de services est négative depuis trois ans. Le nombre de visiteurs a augmenté de 25% et 14% respectivement en 2017 et 2018. Cependant, étant donné la forte hausse des déplacements touristiques des Israéliens sur la même période, le solde net de cette activité était négatif de pratiquement USD 1 md en 2017.
Etant donné l’absence de modification significative du solde des revenus (- USD 3,7 mds en 2017) et des transferts (+ USD 7,8 mds en 2017), l’excédent courant est resté significatif en 2018 (2% du PIB) même s’il s’est contracté par rapport aux deux dernières années en raison de la remontée des cours du pétrole. En 2019, le solde courant devrait légèrement progresser, à 2,2% du PIB.
A court terme, les principales menaces sur les comptes extérieurs sont la hausse des prix du pétrole et les conditions de sécurité dans le pays qui affecteraient l’activité touristique. A moyen terme, le maintien de la compétitivité des exportations de services ainsi que les possibilités d’exportation de gaz (limitées pour le moment) devraient contribuer à soutenir les revenus d’exportation. Enfin, l’évolution du taux de change reste un élément déterminant de l’évolution des comptes externes. Si la BoI détient certains leviers permettant d’influer sur son évolution (taux d’intérêt, réserves de change), cette dernière demeure largement liée aux évolutions structurelles de l’économie israélienne qui, en plus de ses excédents courants, continue d’attirer des flux de capitaux importants.