Eco Perspectives

Portugal : un choc inflationniste plus contenu

14/04/2022

La large victoire du parti socialiste d’António Costa aux élections législatives de février offre une stabilité politique bienvenue dans le contexte économique actuel. Si le Portugal ne subit pas un choc inflationniste aussi important que la plupart des autres pays européens, et alors que l’État a introduit des mesures de soutien, les enquêtes d’opinion ont toutefois décroché en mars. Il reste à voir jusqu’où cette détérioration altèrera la dynamique des embauches qui reste, pour l’heure, bien orientée. Le taux de chômage, au cours de l’hiver, était proche des niveaux enregistrés au début des années 2000.

Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine – en premier lieu la hausse des prix à la production (20,7% a/a en février) et à la consommation (5,3% a/a en mars) – ont conduit à une lourde chute de la confiance des entreprises et des ménages portugais en mars. Sans subir une hausse des prix de l’énergie aussi brutale que ses proches voisins (l’IPC harmonisé pour l’énergie est en hausse de 10,6% a/a contre 18,9% a/a à l’échelle de la zone euro), le pays fait face à des augmentations de prix importantes dans l’alimentation ainsi que dans la restauration-hôtellerie. On ignore encore quelles seront les répercussions exactes sur l’activité et le marché du travail. Le redressement de l’emploi a été meilleur qu’attendu en 2021 et la bonne dynamique s’est poursuivie cet hiver. Le taux de chômage a atteint, en février, son niveau le plus bas en vingt ans (5,8%) – celui des jeunes (19,9%), bien qu’en baisse également, reste au-dessus du niveau de 2019. Le niveau d’emploi se rapproche du pic de 2008, mais accuse encore un déficit de 2%.

Pour amortir la hausse des prix de l’énergie pour les ménages et les entreprises, le gouvernement a annoncé différentes mesures : la prolongation, jusqu’à fin avril 2022, des subventions sur les carburants (programme AUTOvoucher1); la mise à disposition de nouvelles lignes de financement (EUR 400 millions) pour aider les entreprises dans l’industrie et le transport affectées par le conflit russo-ukrainien; l’utilisation d’une partie de l’excédent (EUR 150 million) du fonds environnemental, dont les revenus proviennent essentiellement des enchères de permis d'émission de carbone.

CROISSANCE ET INFLATION

Peu d'inquiétudes sur la dette publique à cours terme

L’arrêt, en septembre 2021, des mesures de moratoire introduites durant la pandémie2 ne semble pas avoir causé de choc de solvabilité pour les entreprises. En outre, le gouvernement a mis en place le programme Retomar, dans le but d’amortir cette période transition.3 Le Portugal est l’un des pays d’Europe qui ont le plus eu recours aux moratoires durant la crise de la Covid-19 avec, au plus haut, près d’un tiers des prêts accordés aux entreprises couvert par ce dispositif.4 La hausse actuelle des coûts de production accroît néanmoins les risques de défaillance d’entreprises et de fragilisation du système bancaire portugais. Celui-ci a néanmoins poursuivi son processus d’assainissement et semble plus à même d’encaisser les difficultés éventuelles. Les ratios de prêts non performants ont chuté à 2,3% de l'encurs total en février et ils se situent désormais à un niveau équivalant à celui de fin 2008.

Le déficit public est repassé en 2021 sous la barre des 3% du PIB, à 2,8%. Conséquence du rebond de la croissance, la dette de l’État a reculé nettement en 2021 par rapport à 2020 (127,4% du PIB contre 135,2%), mais le Portugal reste le troisième pays le plus endetté au sein de la zone euro. À court terme, les risques portant sur la dette souveraine du pays sont néanmoins largement contenus. Le Portugal bénéficie de l’appui budgétaire offert par les nouveaux mécanismes européens (programme SURE de soutien à l’emploi, fonds de relance et de résilience européen). L’État peut également se reposer sur des réserves de trésorerie importantes (EUR15,6 mds ou 7,2% du PIB au T4 2021) afin de faire face à des échéances de remboursement futures.

Les élections législatives de février ont renforcé la position du premier ministre socialiste António Costa. Contrairement au scrutin de 2019, le parti socialiste a obtenu une majorité au Parlement (120 sièges sur 230, contre 108 auparavant), au détriment du parti social-démocrate qui perd 12 sièges (77) et du bloc de gauche qui en cède quatorze (5). Cette élection a été également marquée par la percée du parti de droite conservateur Chega qui obtient 11 sièges supplémentaires (12).

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Global
La résilience économique à l’épreuve de chocs multiples

La résilience économique à l’épreuve de chocs multiples

De multiples chocs mettent à l’épreuve la résilience de l’économie mondiale : la recrudescence de l’épidémie de Covid-19 en Chine, la guerre en Ukraine, l’envolée des prix de plusieurs matières premières, la perspective d’un resserrement monétaire agressif aux États-Unis. Côté positif, l’acquis de croissance important hérité de l’année dernière est un élément de soutien de la croissance en 2022. En outre, les moteurs de la demande finale étaient bien orientés en début d’année et le sont encore dans de nombreux cas. L’inflation élevée pèse sur la confiance des consommateurs américains et européens mais heureusement, pour l’heure, les intentions d’embauche des entreprises dans la zone euro restent à un niveau élevé et, aux États-Unis, le marché du travail reste très dynamique. La persistance ou non de cette bonne tenue du marché du travail jouera un rôle fondamental sur les perspectives de croissance cette année et donc sur l’évolution de la politique monétaire.

LIRE L'ARTICLE
États-Unis
États-Unis : tests de résistance

États-Unis : tests de résistance

Face à une inflation qui s’envole, la Réserve fédérale des États-Unis annonce une normalisation à vitesse accélérée de sa politique monétaire [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Chine : nouvelles perturbations

Chine : nouvelles perturbations

Après un bon début d’année 2022, la croissance économique chinoise a ralenti en mars. Les vents contraires vont persister à très court terme [...]

LIRE L'ARTICLE
Japon
La Banque du Japon dans une position inconfortable

La Banque du Japon dans une position inconfortable

Tandis que la Réserve Fédérale américaine a entamé le relèvement de son taux directeur, la Banque du Japon poursuit sa politique très accommodante [...]

LIRE L'ARTICLE
Zone euro
Zone euro : à quel point faut-il s’inquiéter du risque de stagflation ?

Zone euro : à quel point faut-il s’inquiéter du risque de stagflation ?

La guerre en Ukraine complique la tâche de la Banque centrale européenne qui doit arbitrer entre lutter contre le risque inflationniste et soutenir la croissance [...]

LIRE L'ARTICLE
Allemagne
Allemagne : derrière la croissance, la récession ?

Allemagne : derrière la croissance, la récession ?

Parmi les quatre plus grandes économies de la zone euro, l’Allemagne affiche les perspectives de croissance à l’horizon 2022 les moins bonnes [...]

LIRE L'ARTICLE
France
France : une croissance faible plutôt qu’une récession

France : une croissance faible plutôt qu’une récession

L’inflation a continué de croître début 2022 jusqu’à peser très fortement sur la confiance des ménages français à partir de mars. Cette problématique de pouvoir d’achat augure d’un repli de la consommation [...]

LIRE L'ARTICLE
Italie
Italie : ralentissement dans un scénario plus incertain

Italie : ralentissement dans un scénario plus incertain

Au T4 2022, le PIB réel a crû de 0,6%, après une hausse de +2,7% au T2 et +2,5% au T3. Le ralentissement a été général. L’activité dans l’industrie manufacturière a stagné et les services ont pâti de l’augmentation des cas de Covid [...]

LIRE L'ARTICLE
Espagne
Espagne : l’emploi résiste, mais le contexte social se durcit

Espagne : l’emploi résiste, mais le contexte social se durcit

Même si l’Espagne n’est pas l’économie européenne la plus exposée « structurellement » à la guerre en Ukraine, le choc sur les prix énergétiques s’avère très important. L’inflation dépassera certainement les 10% sur un an au cours du printemps [...]

LIRE L'ARTICLE
Belgique
Belgique : un impact inéluctable

Belgique : un impact inéluctable

Le PIB belge a progressé de 0,5 % au T4 2021, enregistrant une croissance annuelle de 6,1%. L’économie s’est redressée et a retrouvé ses niveaux pré-Covid plus rapidement qu’attendu [...]

LIRE L'ARTICLE
Suède
Suède : vert protecteur

Suède : vert protecteur

La Suède a beaucoup misé sur les énergies renouvelables, une stratégie qui se révèle aujourd’hui payante face à la flambée des prix du pétrole et du gaz [...]

LIRE L'ARTICLE
Finlande
Finlande : en première ligne

Finlande : en première ligne

Contrariée depuis le début d’année par une forte recrudescence de l’épidémie de Covid-19, la reprise de l’économie est désormais menacée par les répercussions de l’offensive militaire russe en Ukraine [...]

LIRE L'ARTICLE
Royaume-Uni
Royaume-Uni : chocs en série

Royaume-Uni : chocs en série

Le temps du soutien budgétaire et monétaire sans limite est révolu au Royaume-Uni, où la priorité est de réduire les déficits et l’inflation [...]

LIRE L'ARTICLE