Jusqu’ici, tout va plutôt bien
Depuis début 2018, si elle reste sur un rythme peu élevé, la croissance française continue surtout de se démarquer par sa stabilité, synonyme de résistance. Au T1 2019, le PIB réel a progressé de 0,3% t/t, en ligne avec les attentes, ce que nous considérons comme une bonne nouvelle au regard des indicateurs conjoncturels par ailleurs mitigés. La révision en hausse de la croissance au T4 2018 (de 0,3% à 0,4% t/t) fait également partie des bonnes nouvelles[1]. La stabilité de la contribution de la demande intérieure finale (+0,4 point de pourcentage au T1 2019 comme au T4 2018) est un autre point positif. Elle repose sur une accélération, légère mais encourageante, de la consommation des ménages (+0,4% après +0,3% t/t) contrebalancée par une décélération, légère aussi, de l’investissement total (+0,5% après +0,6% t/t) et de la consommation publique (+0,2% après +0,4% t/t). La différence entre les deux trimestres est le jeu de miroir entre la contribution des variations de stocks (négative puis positive, à hauteur de -0,2 et +0,3 point respectivement) et celle du commerce extérieur (positive puis négative, à hauteur de +0,3 et -0,3 point respectivement). Les créations d’emplois salariés restent, par ailleurs, sur un bon rythme (+0,4% t/t au T1 2019).
Les perspectives de croissance pour le T2 sont un peu moins en demi-teinte que celles des trimestres précédents, grâce à l’orientation haussière des enquêtes de confiance. Leur redressement reste limité et fragile. Le retour en phase d’expansion, depuis celle de ralentissement, du nouveau traceur du climat des affaires de l’INSEE est qualifié d’hésitant[2]. Mais ces évolutions n’en sont pas moins positives et contrastent en particulier avec les signaux moins encourageants de la conjoncture allemande. Les difficultés de notre principal partenaire commercial ne sont pas sans conséquence sur l’économie française, mais pour le moment celle-ci tire mieux son épingle du jeu.
Depuis son creux du début de l’année, le PMI composite français a regagné près de 5 points (après 11 perdus en 2018) et atteint 52,7 en juin. Cette remontée repose sur l’amélioration du climat des affaires dans les services (+ 5 points ; 52,9 en juin) et, dans une moindre mesure, dans le secteur manufacturier (+2 points ; 51,7 en juin). Le niveau comparable du PMI composite allemand (52,6) masque une différence considérable, inhabituelle et inquiétante entre l’indice manufacturier (45) et celui des services (55,8). Du côté des enquêtes nationales sur le climat des affaires, l’indice synthétique de l’INSEE est orienté en hausse quand l’Ifo est à la baisse (+4 points pour le premier depuis le début de l’année ;
-2 points pour le second). A 106, l’indice INSEE se situe, par ailleurs, nettement au-dessus de sa moyenne 100 de référence et à un niveau compatible avec une croissance trimestrielle de l’ordre de 0,5-0,6%. Le redressement le plus net et le plus encourageant est celui de la confiance des ménages français. En juin, après six mois consécutifs de hausse et +14 points en cumulé, elle repasse, à 101, tout juste au-dessus de sa moyenne 100 de référence, pour la première fois depuis avril 2018.
Le signal positif des enquêtes est tempéré par celui plus mitigé des données d’activité disponibles sur avril et mai. Mais d’après notre modèle nowcast, que ce soit sur la base des données d’enquêtes comme d’activité, la croissance au T2 est estimée à un petit 0,3% t/t. Cela correspond à notre prévision, qui est aussi celle de l’INSEE tandis que la Banque de France a légèrement abaissé la sienne, de 0,3% à 0,2% t/t. Dans notre scénario, la croissance resterait stable, sur ce rythme de 0,3% t/t, pour le sixième trimestre de suite, quand, pour continuer la comparaison, un chiffre, nul voire légèrement négatif, est attendu en Allemagne (après +0,4% t/t au T1).
L’importance du moment
Les perspectives pour les trimestres à venir sont à l’avenant, avec un maintien attendu de la croissance française sur ce rythme de 0,3% t/t. En moyenne annuelle, la croissance atteindrait 1,3% en 2019 et 1,2% en 2020. La clé de voute de cette résistance reste le rebond attendu de la consommation des ménages, dans le sillage de celui de leur pouvoir d’achat. A ce titre, à compter de 2019, l’exception devrait faire place à la règle et la contribution de la consommation des ménages à la croissance dépasser celle de l’investissement total, après deux années à front renversé.
Cependant, l’incertitude sur le rebond de la consommation, plus précisément son ampleur, n’est toujours pas levée. Le redressement de la confiance des ménages est de bon augure mais, pour le moment, les données dures ne suivent pas avec la même vigueur. Nous continuons de penser que ce n’est qu’une question de temps. La réaction de la consommation des ménages à un surcroît de pouvoir d’achat n’est pas immédiate. Et le poids relativement important des dépenses contraintes peu sensibles, voire insensibles, à court terme aux variations du pouvoir d’achat, peut contribuer à ralentir encore les délais de réaction et à atténuer la réaction elle-même[3]. En revanche, en relâchant la contrainte de revenu, le surcroît de pouvoir d’achat devrait avoir un effet stimulant significatif sur les dépenses compressibles, arbitrables.
Le temps presse toutefois : il ne faudrait pas que ce rebond de la consommation tarde beaucoup plus à se matérialiser, faute de quoi, la croissance attendue ne serait pas au rendez-vous. L’importance du bon timing de ce rebond renvoie, plus globalement, à celui des mesures de soutien au pouvoir d’achat. Nous sommes d’avis qu’elles sont mises en œuvre à point nommé et que, combinées aux mesures en faveur des entreprises, leur soutien de la demande intérieure va opportunément amortir, voire plus que compenser, le freinage de la demande extérieure. Le risque existe toutefois que ce soutien tombe, au contraire, à plat. Son effet positif pourrait passer inaperçu, d’autant plus si les vents contraires extérieurs s’avèrent plus forts que prévu, rendant plus difficile la preuve de l’efficacité de la politique économique menée.