Net ralentissement de la croissance au T1 2019
La croissance économique a fortement ralenti au T1 2019 pour n’atteindre que 0,5% en glissement annuel (g.a.) alors qu’elle s’établissait à 1,9% un an plus tôt.
Ce mouvement reflète, d’une part, la baisse de la production de pétrole conformément aux engagements pris avec l’OPEP (reconduits début juillet pour une période de neuf mois) et, d’autre part, le ralentissement de la consommation des ménages induite par la hausse du taux de TVA de deux points de pourcentage (pp) au 1er janvier 2019. Les investissements ont également décéléré (+0,5% en g.a. au T1 2019 vs +3,8% au T1 2018), en particulier dans le secteur immobilier et les transports d’hydrocarbures.
Par ailleurs, même si l’activité a légèrement rebondi en avril elle a de nouveau fortement ralenti en mai et les perspectives restent mal orientées. En mai, pour le quatrième mois consécutif, les ventes d’automobiles se sont contractées (-2,2% en g.a.) et en juin l’indice PMI manufacturier, reflet des anticipations des entrepreneurs, était inférieur à 50 points pour le deuxième mois consécutif.
Soutien de la politique monétaire
Après avoir atteint un pic en mars à 5,3%, l’inflation s’est atténuée. En mai, la hausse des prix s’élevait à 5,1% en g.a. Les autorités monétaires ont révisé à la baisse leurs prévisions d’inflation de 0,5 pp, qui serait désormais comprise entre 4,2% et 4,7% en fin d’année (un niveau proche de la cible de 4%).
Dans un tel environnement, la banque centrale a abaissé ses taux directeurs de 25 points de base (pb) à 7,5% lors du dernier comité de politique monétaire de juin, afin de soutenir la demande intérieure. La politique monétaire devrait rester accommodante dans les prochains mois.
L’activité devrait accélérer au H2 2019, favorisée par l’assouplissement monétaire et l’augmentation des investissements du gouvernement. Mais, sur l’ensemble de l’année la croissance restera faible, la banque centrale ayant d’ailleurs révisé à la baisse ses prévisions de 0,2 pp à 1-1,5%. Elle restera, en outre, inférieure à son potentiel, en baisse depuis dix ans.
La croissance potentielle continue de baisser
La croissance potentielle de la Russie a fortement diminué de 3,8% en 2008/2009 à seulement 1,5% en 2018 et pourrait, selon la Banque Mondiale, n’être que de 1,3% d’ici 2022 si le gouvernement ne parvient pas à infléchir cette tendance.
Ce ralentissement trouve notamment son origine dans i) des investissements productifs insuffisants et ii) un déclin de la population active.
Pour soutenir la croissance, le président Poutine a annoncé d’importantes réformes au lendemain de son élection (May Decree) qui pourraient, selon la Banque mondiale, accroître la croissance potentielle de 1,2 point de pourcentage d’ici 2028. Ces mesures portent sur le relèvement graduel de l’âge de départ à la retraite, l’augmentation du taux d’investissement de 11 pp à 34% du PIB d’ici 2028, la hausse des dépenses en matière de santé, d’éducation et de qualité de vie et, enfin, une politique démographique et migratoire plus favorable afin de contrer la baisse de la population (enregistrée pour la première fois en 2018).
Au 1er janvier 2019, l’âge de départ à la retraite a commencé à être relevé (réforme qui pourrait accroître la croissance potentielle de 0,3-0,4 pp selon la Banque mondiale). Par ailleurs, sur les cinq premiers mois de l’année 2019, les dépenses infrastructures, de protection de l’environnement et de santé ont fortement augmenté, sans pour autant alourdir le total des dépenses publiques.
Néanmoins, pour parvenir à stimuler les investissements privés, le gouvernement devra aller plus loin dans ses réformes en réduisant sa participation dans l’économie et en améliorant la gouvernance. En effet, si l’environnement des affaires s’est globalement amélioré[1] cela reflète principalement une amélioration de la qualité des infrastructures. En revanche, la gouvernance est restée médiocre. La Russie était classée 162e parmi 211 pays en 2018 (soit 5 rangs de mieux qu’il y a cinq ans). La principale source de faiblesse reste la corruption qui est toujours extrêmement forte au regard du classement (138e sur 180) et de la note du pays (28/100) par Transparency International. La Banque mondiale estime qu’une amélioration de l’environnement des affaires et un désengagement de l’Etat accroîtrait la croissance potentielle de 0,3 pp.
L’excédent budgétaire en forte hausse
Après avoir atteint 2,6% du PIB en 2018, l’excédent budgétaire s’est élevé à 2,7% du PIB sur les cinq premiers mois de l’année 2019. La hausse des dépenses dans le cadre du programme de développement a été en partie compensée par la baisse des charges d’intérêt, limitant ainsi l’augmentation totale des dépenses à 5,3%, soit moins que la croissance du PIB nominal.
Dans le même temps, les revenus du gouvernement ont fortement augmenté (+13,7% en moyenne annuelle) grâce à la hausse des recettes de TVA (+15,7%). La part des recettes hors pétrole et gaz s’est ainsi élevée à 56,8% (+3 pp par rapport à l’année 2018). La hausse des recettes pétrole et gaz est restée modeste (+6,9%) en raison de la baisse de la production de pétrole (dans le cadre des accords OPEP-Russie) et des prix convertis en roubles (-1,3% en mai en g.a.). En 2019, le solde budgétaire du gouvernement devrait rester largement excédentaire, bien qu’en baisse par rapport à 2018.
La dette du gouvernement s’est réduite de 1,2 point de pourcentage pour atteindre seulement 14,3% du PIB en 2018.
Par ailleurs, grâce aux achats de devises par la banque centrale pour le compte du ministère des Finances, le fonds de richesse national (National Wealth Fund, NWF) devrait s’élever en fin d’année à USD 124,6 mds (vs USD 58,7 mds fin mai 2019). En effet, USD 66 mds de devises achetées en 2018 seront transférés sur le compte du NWF d’ici fin 2019.
Consolidation des comptes extérieurs
L’économie russe reste fortement dépendante de l’évolution des prix des matières premières et vulnérable à un durcissement des sanctions américaines. Néanmoins, sa capacité de résistance s’est sensiblement renforcée depuis 2017. Les réserves de change ont été en partie reconstituées, la dette extérieure a fortement diminué et le cours de change du rouble est beaucoup moins corrélé au prix du pétrole qu’il y a deux ans.
Fin mai 2019, les réserves de change atteignaient USD 405 mds, soit seulement USD 20 mds de moins qu’avant la mise en place des sanctions internationales en avril 2014. Elles représentaient près de 13 mois d’importations de biens et services et couvraient 5,6 fois la dette extérieure remboursable à moins d’un an.
Après avoir atteint 6,9% du PIB en 2018, le surplus du compte courant s’est élevé à 8,9% du PIB au T1 2019. La forte augmentation du solde courant depuis cinq trimestres reflète la hausse des exportations de pétrole et gaz (+0,7 pp à 15,9% du PIB) mais aussi celles des autres produits exportés (+ 0,7 pp à 10,9% du PIB).
La dette extérieure totale a été réduite de USD 52 mds au cours des douze derniers mois en raison du désendettement des banques et des entreprises. La dette extérieure du gouvernement a augmenté, même si elle est restée modeste (3,3% du PIB au T1 2019).
La corrélation entre le rouble et le prix du pétrole a fortement baissé en raison notamment des achats de devises par la banque centrale. En 2018, le rouble s’est déprécié de 18% face au dollar alors que le prix du baril de pétrole augmentait de 30,5%. Néanmoins, la décorrélation a résulté en partie des sorties de capitaux entre avril et octobre 2018. Sur les six premiers mois de l’année 2019, le rouble ne s’est apprécié que de 9% (en dépit des investissements de portefeuille au T1 et des achats de devises par la banque centrale) alors que le prix du pétrole augmentait de plus de 17%.