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Eco Emerging // 2 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
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S2 2021) et les financements de l’UE (annuellement, l’équivalent de Les ménages subiront une nouvelle poussée d’inflation car l’alimenta-
,5% du PIB). Les réserves de la banque centrale se sont consolidées tion et l’énergie représentent 40% du panier de consommation. Toute-
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sans augmentation de l’endettement. La dette extérieure a même di- fois les ménages ont accumulé des gains de pouvoir d’achat très subs-
minué en 2021 tant en termes absolus qu’en termes relatifs (i.e. en tantiels au cours des dernières années, y compris en 2020 et 2021.
pourcentage du PIB et des exportations).
Seule ombre au tableau, l’inflation a réaccéléré de 650 points de base
Entre 2015 et 2021, la progression des salaires réels a été de 4% par
an en moyenne. De plus, depuis janvier, les ménages bénéficient de
mesures fiscales redistributives, avec un relèvement du plafond de non
imposition à l’IRPP et des exemptions pour les retraités et les familles
nombreuses, et de la baisse (jusqu’en juillet) de la TVA sur l’énergie
et les produits alimentaires. L’inflation s’est d’ailleurs stabilisée à 9%
depuis janvier.
(
pb) tout au long de 2021 passant de 2,3% en décembre 2020 à 8,8% en
décembre 2021. L’energie et l’alimentation y ont contribué à hauteur de
40 pb, l’inflation sous-jacente officielle (dont le champ est légèrement
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différent de l’inflation hors énergie & alimentation) n’ayant accéléré
que de 160 pb. L’accélération plus modérée de l’inflation sous-jacente
témoigne d’une interaction prix-salaires encore contenue au regard de Selon le consensus, la guerre en Ukraine entamerait la croissance po-
la progression à deux chiffres des seconds et du très faible niveau du lonaise de 1 à 1,5 point pour 2022. C’est probablement une hypothèse
chômage. La banque centrale a d’ailleurs tardé à relever ses taux di- conservatrice car le soutien budgétaire pour les ménages devrait com-
recteurs, ne les augmentant qu’au dernier trimestre 2021 (165 pb en penser les pertes de pouvoir d’achat et ces derniers peuvent puiser
cumul sur l’ensemble de l’année).
dans leur épargne accumulée. De plus, le financement de l’accueil
des réfugiés (4 millions selon le UNHCR depuis le début du conflit) est
compris dans une fourchette de EUR 2,2 mds (estimation officielle) et
DE FORTES CAPACITÉS DE RÉSISTANCE AU CHOC UKRAINIEN
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,2 mds (estimation de la banque Pekao) soit entre 0,4% et 1% du PIB.
Fin 2021, le tableau de l’économie polonaise était donc plutôt flat-
teur, avec une croissance forte et des déséquilibres contenus. En jan-
vier-février 2022, les indicateurs conjoncturels (indice PMI, production
industrielle, exportations, ventes au détail) sont restés très bien orien-
tés. Seule la confiance des ménages s’est érodée avec la reprise des
cas de contamination, l’accélération de l’inflation et le durcissement
beaucoup plus incisif de la politique monétaire (le taux de la banque
centrale a été porté à 4,5% soit 275 points de base supplémentaires
depuis le 31/12/2021 ).
La consommation des ménages pourrait donc ne pas ralentir. De plus,
le budget de la défense a été revu à la hausse, même si l’effet de ce
surcroît de demande publique sur l’activité se fera davantage ressentir
en 2023 qu’en 2022.
Le frein à la croissance devrait venir principalement des exportations
(
et indirectement de l’investissement). En effet, les ventes à destina-
tion de la Russie et de l’Ukraine représentent 3,4% des exportations
totales. Mais l’économie polonaise dépend moins des échanges ex-
térieurs que ses voisins (son taux d’ouverture, c’est-à-dire la de-
mi-somme des exportations et importations, rapportée au PIB, était
de 52% du PIB en 2019 contre 80% pour la Rép. tchèque, 95% pour la
Hongrie et la Slovaquie). L’impact négatif d’un choc sur les exportations
est potentiellement important mais sous réserve d’hypothèses extrè-
mement conservatrices. En supposant un arrêt total des exportations
vers les pays belligérants, il faudrait de surcroît une réduction d’un
tiers de la croissance des exportations vers la zone euro et le reste du
monde hors Russie et Ukraine pour que l’effet mutiplicateur (négatif)
atteigne -2 points pourventage de PIB. De plus, cet impact pourrait être
atténué par des gains de parts de marché. En effet, depuis 2015, le
pays affiche des performances à l’exportation bien supérieures à celles
de ses concurrents proches (y compris la Turquie), tant sur le marché
Le déclenchement du conflit et les menaces russes adressées à l’en-
semble de la communauté internationale en cas d’entrave à l’invasion
de l’Ukraine ont entamé la confiance des entreprises et ménages po-
lonais. Le zloty s’est déprécié de 3% contre euro depuis la mi-février.
Toutefois, jusqu’à présent, le marché obligataire a bien résisté compte
tenu i/ de l’ampleur du resserrement monétaire (depuis la mi-février, le
ratio entre la hausse des rendements obligataires et la hausse des taux
d’intérêt directeurs a été de 1,1 contre 2 ou plus pour les pays émer-
gents comparables et ayant retardé le plus possible le durcissement
monétaire) et ii/ le fait que la Pologne, comme la plupart des pays de
l’ancien bloc soviétique, est considérée comme étant vulnérable à ce
nouveau choc externe.
L’activité industrielle devrait subir un choc d’offre, sinon par les rup- européen que sur les autres zones géographiques. Une des raisons tient
tures ou difficultés d’approvisionnement, du moins par la hausse des à la progression plus modérée des coûts salariaux unitaires grâce à des
prix des consommations intermédiaires. La Pologne dépend, comme gains de productivité soutenus (4% en moyenne par an entre 2015 et
les autres pays d’Europe centrale, de la Russie et de l’Ukraine pour ses 2020).
importations de pétrole, gaz, produits agricoles et engrais. Fin mars, le
gouvernement polonais a exhorté ses partenaires européens à imposer
un embargo à l’importation sur le pétrole, le gaz et même le charbon,
dont la Russie est le premier fournisseur (à hauteur de 75%), une source
d’énergie importante pour l’économie polonaise (20% de ses besoins).
Pour l’instant, seul l’embargo sur le charbon a été décidé par l’UE.
Achevé de rédiger le 12/04/2022
François FAURE
francois.faure@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
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