Graphiques de la semaine

De la nécessité de retraiter le PMI manufacturier pour comprendre le choc sur l’industrie allemande

17/05/2022

La bonne tenue des indices PMI du secteur manufacturier jusqu’en avril surprend tant les contraintes sur l’offre et les pressions sur les prix des intrants se sont amplifiées depuis le début du confit russo-ukrainien le 24 février dernier. C’est notamment le cas en Allemagne. Malgré une industrie fortement exposée au choc, son PMI manufacturier continue de se maintenir bien au-dessus de 50 points (54,6 en avril 2022), suggérant que l’activité dans le secteur demeure confortablement en expansion alors que la production industrielle s’est repliée de –4,4% entre janvier et mars 2022.

Allemagne : PMI manufacturier retraité

Ce message contradictoire tient avant tout à un biais méthodologique : celui de la prise en compte des délais de livraison dans l’indice agrégé. Ce biais peut être un véritable problème lorsque le PMI manufacturier est utilisé pour estimer en temps réel la production industrielle ou l’évolution du PIB.

La construction du PMI manufacturier allemand repose sur les pondérations suivantes de cinq sous-soldes de l’enquête menée par Markit : 30% pour la production manufacturière, 25% les nouvelles commandes, 20% l’emploi, 15% les délais de livraison, 10% les stocks d’intrants. Dans cette agrégation, un accroissement les délais de livraison contribue positivement au PMI manufacturier, l’idée sous-jacente étant qu’un allongement des durées d’approvisionnement traduit un choc de demande positif non anticipé par les entreprises. Dans ce cas, il est logique que le PMI manufacturier augmente puisque la production industrielle va croître dans le même temps. Or, cette relation ne tient plus lorsque l’économie fait face des ruptures d’approvisionnement : dans ce cas, l’allongement des délais de livraison qui s’ensuit va faire augmenter le PMI manufacturier mais cela envoie un mauvais signal étant donné que la production sera limitée par des délais de livraison plus longs.

Pour corriger ce biais méthodologique, il est possible soit de neutraliser la contribution des délais de livraison (cela revient à fixer à 50 ce dernier sur l’ensemble de la période), soit d’inverser son signe dans le calcul du PMI manufacturier afin de changer la signification économique d’un allongement des délais de livraison. Mais cette dernière approche requière d’être en mesure de juger si l’allongement des délais de livraison s’explique par une offre insuffisante ou un excès de demande. Cela pose un défi d’autant plus grand à mesure que l’on remonte dans le temps. Avec ces corrections, le PMI manufacturier avec délai de livraison neutralisé et celui avec le signe inversé reflètent bien mieux l’évolution récente de la production manufacturière allemande : en avril 2022, le PMI manufacturier avec signe inversé s’établit, en effet, à 46,8, traduisant bien une contraction de cette dernière.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE