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Eco Emerging // 1 trimestre 2021
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MESURES POUR STIMULER LA CROISSANCE À MOYEN TERME
CRÉANCES DOUTEUSES ENCORE CONTENUES
L’économie devrait pouvoir absorber le choc de 2020/2021. Le secteur
bancaireetfinancier, bienquefragile, pourrasupporterlahausseattendue
des créances douteuses, même si cela nécessite une nouvelle injection
de capitaux par le gouvernement. Par ailleurs, malgré l’augmentation du
déficit budgétaire, les risques de refinancement restent encore modérés.
En revanche, au-delà de 2021, la situation pourrait se dégrader si le
rythme de croissance se trouvait contraint à ne pas dépasser les 5%
alors que les marges budgétaires seront encore plus faibles.
18 en % prêts
Dans les banques publiques
Crédits non performants dans le secteur bancaire
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14
12
10
8
6
4
2
0
C’est la raison pour laquelle le gouvernement de Narendra Modi s’est
attaqué dès 2019 au ralentissement de la croissance. Son objectif de
devenir une puissance industrielle est toujours d’actualité. Aussi, à
défaut de pouvoir mettre en place un programme budgétaire de soutien
à la croissance à court terme, le gouvernement, a adopté de nouvelles
réformes pour stimuler sa croissance à moyen terme.
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GRAPHIQUE 2
SOURCE : RBI
Les réformes adoptées en 2019 et poursuivies à l’automne 2020 ont pour
objectif de créer un environnement plus favorable aux investissements
privés (domestiques et étrangers) et à l’emploi, en particulier dans
le secteur formel. La baisse de l’investissement est un des facteurs à
l’origine du ralentissement de la croissance enregistré ces dernières
années. Le taux d’investissement était de seulement 26,9% avant la crise
de la Covid-19 en comparaison à 35,8% en 2008.
remboursements de dette. Aucune créance n’a été enregistrée en tant
que prêt non performant. Ainsi, au T3 2020, en dépit de la contraction de
l’activité économique, le ratio de prêts non performants a poursuivi sa
baisse à 7,5% par rapport à un point haut de 11,5% au T1 2018. L’impact
de la crise de la Covid-19 sur le secteur bancaire ne commencera à se
faire sentir qu’à partir du T4 2020. L’agence de notation S&P estimait,
en novembre dernier, que le ratio de créances douteuses pourrait
augmenter de 2 voire 3 points de pourcentage à 10-11% d’ici la fin
de l’année budgétaire 2020/2021. Dans son dernier rapport sur la
stabilité financière, la banque centrale a estimé, pour sa part, que ce
ratio pourrait atteindre 13,5% d’ici septembre 2021 (16,2% au sein des
banques publiques), même dans un scénario de rebond marqué de la
croissance (de 0% en g.a. au deuxième semestre budgétaire 2020/2021 à
Pour stimuler les investissements (domestiques et étrangers), le
gouvernement a abaissé fin 2019 le taux de la taxe sur les entreprises de
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0% à 22% (de 25% à 15% pour les entreprises nouvellement créées dans
le secteur manufacturier). Cet alignement des taux d’imposition sur les
sociétés avec ceux pratiqués dans les autres pays asiatiques est positif.
Par ailleurs, le gouvernement a adopté d’importantes lois pour alléger
les contraintes qui pèsent sur le marché du travail et ainsi favoriser
les créations d’emplois réguliers. Les entreprises pourraient ainsi
développer une activité plus intensive en main d’œuvre, à l’image de ce
que la Chine a fait dans les années 80-90, et accroître sa participation au
commerce mondial dans les activités d’assemblage intensives en main
d’œuvre peu qualifiée.
Pour accroître la productivité dans le secteur agricole, le gouvernement
Modi a fait adopter trois projets de loi en septembre 2020. L’État devrait
permettre aux agriculteurs de vendre leur production au prix que ces
derniers fixeront avec leurs acheteurs sans passer par l’intermédiaire du
gouvernement (ce qui est le cas d’une majorité d’entre eux aujourd’hui).
Cette réforme a comme objectif d’accroître les investissements et la
productivité dans le secteur agricole. Néanmoins, elle a été très mal
perçue par le mondeagricolequiredouteunesuppressionduprixdevente
minimum (pourtant garanti par le gouvernement). Ainsi, après plusieurs
mois de manifestations, la cour suprême a annoncé le 12 janvier dernier
la suspension de ces trois projets de loi afin de trouver un compromis
entre le gouvernement et les agriculteurs. Enfin, le gouvernement a
annoncé qu’il souhaitait privatiser toutes les entreprises publiques des
secteurs considérés comme non-stratégiques, ce qui inclut le transport
ferroviaire et les entreprises de distribution d’électricité.
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4,2% en g.a au premier semestre 2021/2022).
Les banques indiennes sont mieux capitalisées qu’il y a trois ans. Au T3
020, les provisions couvraient 72,4% des créances douteuses et le ratio
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de solvabilité dans l’ensemble du secteur bancaire s’élevait à 15,8%. Les
banques publiques restent néanmoins beaucoup plus fragiles que les
banques privées (leur ratio était de 13,5%). Selon la banque centrale,
sans injection de capital, quatre d’entre elles ne seraient pas en mesure
de satisfaire les exigences réglementaires en matière de fonds propres
d’ici septembre 2021.
En effet, la banque centrale considère que le ratio de solvabilité pourrait
globalement diminuer de 1,6 point de pourcentage à 14% d’ici septembre
2
021. Moody’s estimait par ailleurs fin août 2020 que les banques pu-
bliques auraient besoin de nouvelles injections de capital, comprises
entre INR 1,9 trillion et INR 2,2 trillions (1% du PIB FY2020) au cours des
deux prochaines années, afin de maintenir un ratio de provisionnement
proche de 70% et de respecter les exigences réglementaires en matière
de fonds propres. Leur situation financière étant plus confortables qu’il
y a quelques années, les grandes banques publiques ont déjà lancé des
opérations d’augmentation de capital. Elles pourront par ailleurs tou-
jours bénéficier du soutien du gouvernement, lequel a déjà injecté INR
Si l’ensemble de ces réformes était mis en œuvre, cela pourrait avoir
un effet positif sur la croissance de moyen terme. Mais l’adoption des
réformes en Inde reste problématique comme l’illustrent les résultats en
demi-teinte de la mise en œuvre de la TVA unique depuis 2017.
2,8 trillions entre 2016/2017 et 2019/2020. Certaines d’entre elles pour-
raient néanmoins être beaucoup moins enclines à accroître leur offre de
crédit tant que leur position financière ne sera pas consolidée, comme
cela fut le cas en 2017 et 2018.
Achevé de rédiger le 11 janvier 2021
SECTEURBANCAIRE:LESOUTIENÀLAREPRISEPOURRAITÊTREDIFFICILE
Après plusieurs années de consolidation, le secteur bancaire indien
semble plus apte à faire face à la crise qu’il y a trois ans. En revanche,
il pourrait ne pas être assez solide pour soutenir la reprise. Entre mars
et fin août 2020 les banques ont accordé six mois de moratoire sur les
Johanna MELKA
johanna.melka@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
qui change