Eco Perspectives

Vers une reprise incertaine

30/09/2020

De retour aux années 1990

CROISSANCE ET INFLATION (%)

L’Italie a été le premier pays occidental touché par l’épidémie de Covid-19. Elle a adopté des mesures de restriction sévères, quelques semaines avant les autres pays, pour contenir la propagation du virus. La limitation des déplacements et des interactions sociales, ainsi que la mise à l’arrêt de nombreuses activités de production ont eu un impact sévère sur l’économie. Au T2 2020, au plus fort du confinement, le PIB réel s’est effondré de 12,8 % t/t (-5,5 % au T1 2020). La contribution des exportations nettes a été négative (-2,4 %), les exportations ayant reculé davantage que les importations (respectivement, de -26,4 % et -20,5 %), de même que celle des stocks (-0,9 %). En rythme annuel, l’économie s’est contractée de 17,7 %, pour revenir aux niveaux observés au début des années 1990.

MARCHÉ DU TRAVAIL

La contraction économique a été générale. Dans le secteur manufacturier, qui connaissait déjà un ralentissement de l’activité depuis le début de 2018, la valeur ajoutée a baissé de 22,2 % au T2 (-9,1 % au T1). Au cours du premier semestre 2020, la production a chuté de plus de 30 % dans le secteur des moyens de transport et dans celui du textile, de l’habillement et de la chaussure, tandis que dans les secteurs des produits alimentaires et pharmaceutiques la production est en léger retrait. Dans le secteur des services, qui était le seul à avoir effacé les pertes enregistrées lors des deux récessions précédentes, la valeur ajoutée a baissé de 11 % au T2 (-4,7 % au T1). Suite aux restrictions draconiennes imposées sur les voyages, le chiffre d’affaires des activités de services dans l’hôtellerie-restauration a plongé de plus de 60 %. Selon les chiffres des comptes courants, les recettes du tourisme international en Italie se sont effondrées, passant de EUR 12 mds au T2 2019 à EUR 1,8 md au T2 2020, tandis que le nombre de touristes étrangers est tombé de 25,9 à 4,9 millions.

Une demande intérieure léthargique

Au T2, le plongeon impressionnant du PIB a continué à être principalement alimenté par la chute de la demande intérieure, avec une contribution négative de 9,5 %.

VALEUR AJOUTÉE DU SECTEUR DE LA CONSTRUCTION

La consommation privée a baissé de 6,7 % au T1 et de 11,3 % au T2, contribuant à hauteur de plus de dix points de pourcentage à la contraction économique enregistrée au premier semestre de l’année. Les consommateurs italiens ont réduit leurs dépenses de plus de EUR 45 mds, notamment en services et biens durables. La situation économique des ménages s’est encore aggravée. Malgré l’introduction d’une interdiction temporaire de licenciement, plus de 750?000 personnes ont perdu leur emploi entre le T4 2019 et le T2 2020?; en juin, le taux d’emploi se situait à environ 1,5 point de pourcentage en deçà du pic atteint en 2019, tandis que le nombre d’heures ouvrées a baissé de près de 20 %. L’évolution de la confiance des consommateurs montre que la propension à épargner s’est aussi probablement maintenue à un haut niveau au T2, après avoir dépassé la barre de 12 %, un record depuis quinze ans. Quoiqu’en baisse par rapport au record atteint en avril, le montant des dépôts bancaires reste supérieur de EUR 23 mds au niveau de décembre 2019.

La chute considérable de l’investissement (-15 % au T2 et -7,5 % au T1), qui a amputé la croissance du PIB d’environ quatre points de pourcentage, fait également écho à la dynamique récente de la demande intérieure. Depuis le début de la crise, les dépenses de formation brute de capital fixe ont reculé de EUR 17 mds. Entre le T4 2019 et le T2 2020, les investissements en machines-outils et équipements ont plongé de 25 % et ceux en moyens de transport, de 38 %. Les entreprises italiennes sont restées extrêmement prudentes, en raison également des incertitudes persistantes entourant le scénario global. Selon les données de la balance commerciale, les exportations ont reculé de 15 % (t/t), au T2, avec une forte contraction des secteurs des moyens de transport, de l’habillement et la chaussure, ainsi que des machines-outils, tandis que les ventes de produits alimentaires et pharmaceutiques à l’étranger ont légèrement progressé.

Une reprise toujours incertaine en perspective

Les dernières données disponibles indiquent un rebond de l’économie italienne au T3. La réouverture du commerce international a soutenu les exportations, qui ont fortement progressé en mai et en juin, après l’effondrement enregistré au cours des deux mois précédents. Avec la réouverture de l’activité économique, la production industrielle a grimpé de plus de 60 % par rapport au creux atteint en avril. Le déconfinement et la levée des mesures de restrictions sociales ont eu un effet favorable sur la demande intérieure, entraînant un rebond des ventes au détail en mai et juin. Ces ventes ont néanmoins enregistré un léger tassement en juillet. Par ailleurs, le nombre de personnes ayant un emploi a augmenté de 85?000 en juin.

Le pire semble derrière nous, même si le scénario reste extrêmement incertain. Après le rebond au T3, un ralentissement de l’activité est attendu entre la fin de l’année et le début de 2021. La vigueur de la reprise dépendra du comportement des entreprises et des ménages, qui sera lui-même déterminé par l’évolution de la pandémie.

Des signaux contrastés dans l’immobilier

Les messages sont contrastés dans l’immobilier italien. Entre janvier et mars 2020, selon les estimations de l’Istat, les prix de l’immobilier résidentiel ont augmenté de 1,7 % en g.a., soit la plus forte progression depuis le T2 2011. La hausse concerne le neuf, mais aussi (et surtout) l’ancien, les prix des logements ayant augmenté de 0,9 % et 1,9 % en g.a., respectivement, soit une nette accélération par rapport au T4 2019. Les prix des logements sont en hausse de 0,9 % en glissement trimestriel. Les mesures restrictives introduites en mars pour enrayer la propagation de la pandémie de Covid-19 n’ont pas eu un impact significatif sur les prix de l’immobilier résidentiel, les conditions des actes de vente notariés ayant été fixées avant la crise sanitaire. Dans les prochains trimestres, cependant, les prix de l’immobilier devraient accuser une forte baisse.

Dans l’ensemble, les prix de l’immobilier ont reculé de 15,8 % entre 2010 (première année de publication des données officielles) et le T1 2020. Cette baisse est entièrement imputable aux logements anciens, dont les prix au début de 2020 étaient inférieurs de 22,2 % à leurs niveaux de 2010. Le prix des logements neufs ont augmenté d’à peine 1,5 % par rapport à 2012.

En revanche, les mesures introduites en mars pour stopper la pandémie ont considérablement limité les possibilités de signature de nouveaux actes notariés, entraînant un net repli des transactions immobilières. Entre les mois de janvier et mars 2020, les ventes de biens immobiliers résidentiels (non corrigées des variations saisonnières) ont reculé de 15,5 % en g.a. (contre -3,3 % au trimestre précédent) aux environs de 117?000 opérations (14?000 de moins qu’au même trimestre de l’année précédente). La baisse a été homogène dans toutes les régions du pays, avec des pics négatifs enregistrés à Milan (-19,3 %), à Naples (-19,5 %) et à Gênes (-19,2 %). À Rome, les transactions ont chuté de 14,8 %. D’après des estimations préliminaires, les transactions immobilières auraient accusé un repli bien plus sévère au T2 qu’au T1. À la fin de l’année, le nombre de transactions devrait être inférieur à 500?000, contre 603?000 en 2019. La reprise en 2022 ne sera probablement que partielle.

Le secteur de la construction a, dans son ensemble, considérablement pâti du confinement et de la récession qui a suivi. D’après les données de l’Istat, la valeur ajoutée dans le secteur a baissé, au T2, de 22 % par rapport au T1 2020 et de 26 % par rapport au même trimestre de l’année précédente. L’emploi a, par conséquent, chuté dans le secteur : au premier semestre 2020, 40?000 emplois ont été supprimés par rapport à la même période de 2019, soit environ 3 % de la perte totale enregistrée par l’ensemble de l’économie italienne sur la même période.

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