Un nouveau gouvernement confronté à de vieux problèmes
Après la crise politique du mois d’août dernier, le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) et le Parti démocrate (PD) ont formé une nouvelle coalition. Le nouveau gouvernement, toujours dirigé par Giuseppe Conte, a approuvé l’actualisation du document économique et financier. En 2020, le gouvernement prévoit d’augmenter le déficit à 2,2 %, contre 1,4 % prévu dans la loi actuelle. Le projet de loi de finances 2020, qui sera approuvé vers la fin de l’année, devrait, selon les estimations, s’élever à EUR 30 mds. La désactivation des clauses de sauvegarde sur la fiscalité indirecte coûtera EUR 23 mds. D’autres mesures contenues dans le budget, comme la réduction du coin fiscal et la confirmation de dispositifs incitatifs en faveur de l’investissement high-tech des entreprises devraient soutenir l’économie. Selon les prévisions actuelles, le PIB devrait croître de 0,6 % en 2020, en dépit d’une incertitude grandissante.
La stagnation persiste
L’économie italienne manque de dynamisme depuis un an et demi. Au T2 2019, le PIB réel a légèrement augmenté (+0,1 % trimestriellement et en glissement annuel). La décomposition du PIB montre une situation contrastée. Pour le quatrième trimestre d’affilée, la contribution des stocks à l’augmentation totale du PIB a été négative (-0,2 %), compensant la contribution positive de la demande intérieure. La consommation a continué à progresser légèrement (+0,1 % en t/t), sous l’effet également de l’évolution toujours mitigée du marché du travail. Au T2, l’emploi a augmenté, passant au-dessus de la barre des 25,5 millions, tandis que le nombre d’heures ouvrées a, de nouveau, reculé (s’établissant à plus de 500 millions en dessous du chiffre enregistré au T1 2008). Les dépenses d’équipement ont crû de près de 0,4 %, sous l’effet d’une forte hausse des investissements dans les machines et les équipements, tandis que les investissements dans le secteur de la construction se sont repliés.
Au T2, la contribution des exportations nettes a été positive, les exportations ayant davantage augmenté que les importations. Malgré leur progression, les ventes italiennes à l’étranger pâtissent des incertitudes entourant les perspectives mondiales. D’après les données sur la balance commerciale, la valeur des exportations a grimpé de 3,2 % au cours des sept premiers mois de 2019, grâce une forte augmentation dans le secteur des produits pharmaceutiques (+28 %), dans celui des produits alimentaires et celui du textile et de l’habillement, tandis que les exportations de moyens de transport ont reculé de près de 5 %. Les entreprises italiennes ont bénéficié de la robustesse de la demande en provenance des États-Unis (+9,2 %) et du Royaume-Uni (+8,9 %), tandis que les ventes à l’Allemagne s’inscrivent en net retrait (+1,1 %).
Ralentissement de l’industrie manufacturière
Le ralentissement de l’activité économique italienne reflète principalement la détérioration de la situation dans le secteur manufacturier. Au cours des dix-huit derniers mois, la valeur ajoutée a chuté de 1,2 %, soit plus de 9 points de pourcentage en dessous du niveau de 2008. Au cours des sept premiers mois de 2019, l’activité industrielle s’est contractée de près de 1 %. Compte tenu de la relation étroite existant avec les exportations, c’est dans les secteurs des moyens de transport, du textile et de l’habillement, des produits métalliques et des machines et équipements que la baisse de la production a été la plus importante.
Au T2, la quasi-stagnation de la valeur ajoutée des services s’est poursuivie, avec un taux de croissance annuel légèrement positif (+0,2 %). La valeur ajoutée a reculé de 0,7 % (en g.a.) dans le secteur des activités financières et de l’assurance et de 1,1 % dans celui de l’information et de la communication, tandis que l’activité dans le secteur immobilier a augmenté de presque 1%. Entre avril et juin, le lent redressement de la valeur ajoutée a marqué une pause dans la construction, avec un repli de 1,1 %. Le secteur du bâtiment se ressent de la faiblesse persistante de l’investissement et de l’évolution atone du marché du logement.
Logement : le redressement se fait attendre
Au T1 2019, selon les estimations de l’Istat, les prix de l’immobilier résidentiel ont baissé de 0,8 % (en g.a.). La longue période de repli du secteur immobilier italien se caractérise essentiellement par la divergence des tendances entre le neuf et l’ancien. Au cours du premier trimestre 2019, les prix des logements dans l’ancien ont chuté de 1,3 % (en g.a.), soit le neuvième repli consécutif, tandis que dans le neuf ils ont augmenté pour le sixième trimestre d’affilée.
Dans l’ensemble, la baisse des prix des logements depuis 2010 (première année pour laquelle des données officielles sont disponibles) est de 17,2 % ; elle est entièrement due aux logements anciens, dont les prix au début de 2019 avaient perdu 23,7 % par rapport à leur niveau de 2010. Les prix des logements neufs ont augmenté d’à peine 0,8 % par rapport au niveau enregistré huit ans auparavant.
Au cours de la même période (2010-T1 2019), les prix des logements ont fait un bond de 48 % en Allemagne et de 8,6 % en France, tandis qu’en Espagne, ils ont chuté d’environ 9 %. Si les prix demeurent inchangés en Italie jusqu’à la fin de l’année, le repli enregistré en 2019 sera de -0,8 % par rapport à 2018.
Les transactions immobilières, en revanche, sont en progression depuis seize trimestres. Entre janvier et mars 2019, les ventes dans l’immobilier résidentiel (en données non corrigées des variations saisonnières) ont grimpé de 8,8 % (en g.a.), contre 9,3 % au trimestre précédent, à près de 139 000 transactions. La croissance a été positive dans toutes les régions, en particulier, celles du nord-est (+11,8 %, en g.a.) et du centre (+10,7 %, en g.a.). Elle a été particulièrement robuste (+8,2 % en g.a.) dans les huit principales villes italiennes (par le nombre d’habitants). Des hausses à deux chiffres ont notamment été enregistrées à Rome (+11,9 %), à Milan (+11,3 %), à Gênes et à Bologne (+15,2 et +12,9 %, respectivement). À Palerme, la croissance du volume des transactions, qui avait atteint +18,5 % à la fin de 2018, a ralenti à +2 %.
Selon les estimations de l’Agenzia delle Entrate, le Trésor italien, en 2018 (dernières données disponibles) la tendance à la baisse des prix, conjuguée à une augmentation des ventes, s’est soldée par une progression de +5,2 % du chiffre d’affaires du marché immobilier, à EUR 94,3 mds, dont EUR 53 mds pour les seules régions septentrionales. La plus forte hausse de toutes les zones géographiques a été enregistrée dans le nord-est (+9,4 %), alors que, dans le centre et le sud, le chiffre d’affaires a, à peine, progressé de +4 %. Le chiffre d’affaires unitaire a diminué de 2 100 euros, principalement en raison de la baisse enregistrée dans le centre (-5 200 euros par logement) et, en particulier, dans la région du Latium (-6 250 euros par logement).
Selon certaines analyses qualitatives, la phase de ralentissement actuelle devrait se prolonger dans les mois à venir : l’enquête mensuelle menée au mois d’août dernier par la Banque d’Italie sur la situation dans le secteur montre que la proportion d’experts faisant état de pressions à la baisse sur les prix de l’immobilier reste inchangée par rapport aux mois précédents, et il en de même de la marge de négociation du prix de vente affiché. Selon la même enquête, la part des acquisitions financées par un prêt hypothécaire est en augmentation, s’établissant à plus de 80 %, tandis que le ratio prêt-valeur est stable à 74,2 %. L’enquête réalisée par Nomisma (un think thank italien) sur les intentions d’achat des ménages n’annonce pas de changement substantiel à court terme : en 2019, le nombre de ménages susceptibles d’acheter une maison est en légère baisse par rapport à 2018, tandis que le pourcentage de candidats primo-accédants augmente (à 74,8 % contre 65,9 % auparavant).
L’Italie continue de figurer parmi les pays européens dont le taux de propriétaires est le plus élevé : en 2017 (dernières données disponibles), 72,4 % des ménages étaient propriétaires de leur logement (un pourcentage à peine inférieur à celui de 2010). Ce taux était de 77,1 % en Espagne (contre 79,8 % en 2010), de 64 % en France et de 51,4 % en Allemagne. En Italie, le taux de propriétaires atteint 83 % chez les ménages les plus riches (ceux ayant un revenu supérieur à 60 % de la valeur médiane) contre 52 % chez les ménages aux revenus les plus faibles (moins de 60 % de la valeur médiane).