Les tensions ne sont plus là où l’on les attend
Les volumes échangés sur le marché des fonds fédéraux ne se sont que modérément élargis depuis le début de l’année. Or, selon les autorités monétaires, le manque de liquidité centrale, au niveau agrégé, ne sera matérialisé que lorsque les prêts interbancaires en blanc s’intensifieront et s’effectueront à un taux excédant l’IOER.
Nous considérons, au contraire, que les signes de tensions sont manifestes mais qu’ils se situent en dehors du marché monétaire.
L’emprunt de fonds fédéraux au jour le jour n’est, en effet, pas la modalité la plus adaptée pour répondre aux exigences spécifiques de liquidité des très grandes banques. Le régulateur leur impose, dans le cadre des plans de résolution, de couvrir leurs sorties nettes de trésorerie théoriques sur une base, non pas quotidienne, mais intra-journalière. Or, sur le marché des fonds fédéraux, les emprunts sont généralement remboursés le matin et reconduits à midi. La liquidité échappe ainsi pour quelques heures aux banques.
Considérés comme des ressources relativement stables par le régulateur, les dépôts effectués par les FHLB auprès des banques permettent, en revanche, d’améliorer la position en liquidité intra-journalière des très grandes banques (faible probabilité de fuite). Aussi, la rapidité avec laquelle ces dépôts rémunérés ont gonflé depuis le troisième trimestre 2017 et la rémunération élevée offerte en contrepartie (2,71% au quatrième trimestre 2018[12], graphique 4) constituent-elles les principaux symptômes des tensions qui s’exercent sur la liquidité centrale.
Un outil de gonflement des réserves à portée de main
Afin d’atténuer la pression sur les taux courts, la Réserve fédérale américaine pourrait être amenée à mettre en place des opérations de prise en pension de titres (repo)[13]. Par le biais de cette facilité, la Fed accorderait des prêts garantis (cash contre Treasuries) aux banques. Toutes choses égales par ailleurs, au terme de ces opérations, les réserves en banque centrale des banques seraient accrues.
Au regard des tensions actuelles, leur mise en œuvre risque néanmoins d’être trop tardive. Pour agir plus vite, la Fed pourrait actionner un autre levier[14] : il s’agirait de plafonner le volume des opérations de reverse repo nouées avec les banques centrales étrangères[15] (leur encours s’établit en moyenne à 240 milliards de dollars depuis 2016) et/ou leur rémunération (1,97% au troisième trimestre selon nos estimations[16]).
L’introduction d’un tel plafond permettrait à la Fed de libérer de l’espace en faveur des réserves des banques dans son bilan (sans pour autant l’élargir de nouveau). Elle contribuerait d’autant plus à améliorer la position en liquidité des banques s’il s’avérait qu’elle conduise à un gonflement des dépôts des banques centrales auprès des banques commerciales. Elle pourrait, alternativement, permettre d’atténuer les tensions sur les rendements des titres courts du Trésor en incitant les banques centrales étrangères à reconstituer leurs portefeuilles d’investissement (elles détenaient plus de 570 milliards de dollars de T-bills en juin 2009 contre 330 milliards en juin 2018)[17].