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Amérique latine : des facteurs mondiaux à l'origine des reflux d'investissements de portefeuille

27/10/2023

La hausse des rendements de long terme aux États-Unis joue les trouble-fête dans la région : elle efface en partie les gains de change engrangés en début d’année, redirige les flux de portefeuille et complique les projets d’émission de dette destinés à financer la transition énergétique.

Transcription

La plupart des marchés financiers latino-américains ont eu le vent en poupe sur la première moitié de l’année

  1. Les émissions d'obligations internationales ont fortement rebondi en début d’année principalement tirée par le secteur public, les entreprises non-financières ayant été en revanche beaucoup plus en retrait sur les marchés internationaux
  2. Les performances boursières, exprimées en dollars ont dans le même temps surperformé l’indice MSCI des marchés émergents d'environ 10 points de pourcentage sur fond d’une forte résilience de la croissance et l'appréciation des monnaies avec des gains contre le dollar compris entre 5 à 20% dans la plupart des grandes économies de la zone, à l'exception de l'Argentine.
  3. L’appréciation des monnaies combinée à des rendements élevés sur les titres de dette publique au niveau local ont par ailleurs favorisé les entrées de capitaux motivées par les opérations de portage (carry-trade) notamment au Brésil, Mexique et Colombie.

La seconde moitié de l'année s’est avérée être en revanche plus compliquée

a. La région n'a pas été épargnée par le revirement des investissements de portefeuille de la part des non-résidents sur les marchés émergents, lesquelles ont enregistré des retraits de près de USD 30 milliards en août et septembre, selon les estimations de l'IIF.

b. Outre l’impact du ralentissement de la croissance dans de nombreuses économies de la zone, ce sont surtout des facteurs mondiaux qui ont pesé sur ces sorties de capitaux.

i. L'essoufflement de la reprise en Chine et les ventes massives des non-résidents sur les marchés actions ont d’abord pesé sur la performance des actions latino-américaines, lesquelles affichent – en comparaison à d’autres zones – une forte corrélation avec les actions chinoises en lien à la forte demande en matières premières de la part du pays.

ii. L’autre facteur déterminant, et dans une large mesure plus critique, c’est la hausse des rendements de long-terme aux États-Unis. Ces derniers ont atteint des sommets inégalés depuis 15 ans, les investisseurs étant convaincus que l’ère des taux d’intérêt élevés sera appelée à durer.

Cette situation a deux effets sur l’Amérique latine :

  • Tout d'abord, elle incite les investisseurs à reporter leurs investissements vers des actifs américains, qui leur offrent désormais un meilleur rendement à moindre risque. Ces flux ont tendance à renforcer le dollar et affaiblir les monnaies latino-américaines, bien que certains pays comme la Colombie, le Mexique et le Brésil aient réussi au cours des dernières semaines à conserver une partie de leurs gains du début d'année.

  • Le deuxième effet découle du rôle vital du rendement des titres à 10 ans du Trésor américain sur les marchés financiers. Lorsqu’il augmente, cela accroit le coût du financement en dollars, à la fois par le biais de coupons obligataires plus élevés mais aussi en raison d'un dollar plus fort.

Cette situation ne devrait pas être favorable aux émissions obligataires internationales alors même que les pays de la zone ont besoin de financement externe pour financer leur transition énergétique. Et pour preuve, cette année, un tiers des émissions dans la région provenaient d'obligations vertes, sociales et durables, un record. Vu le contexte actuel, cette tendance risque toutefois d’être fortement perturbée.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE