Edito

Faut-il s’inquiéter de la confiance des ménages américains ?

28/10/2021
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Un papier récent du NBER[1] a créé la surprise. Ses auteurs soutiennent, en effet, que l'économie américaine pourrait entrer en récession compte tenu du récent mouvement à la baisse des attentes des consommateurs. Ils se fondent sur l'expérience historique : les différentes récessions, à partir des années 1980, ont toutes été précédées d’une baisse importante de la composante « attentes » de l'indice de confiance des ménages du Conference Board et de l'indice du sentiment de l'Université du Michigan (graphique 1). Comme le montre le tableau 1, la baisse récente se situe dans la partie supérieure de la fourchette historique, ce qui permet à ces chercheurs d’aboutir à une telle conclusion.

ÉTATS-UNIS : CONFIANCE DES MÉNAGES, ATTENTES

Toutefois, la nature spécifique de la récession liée à la pandémie et de la reprise qui en a résulté constitue un défi pour les analystes. Les fluctuations du sentiment des ménages pourraient refléter celles de leurs préoccupations concernant la situation sanitaire. L'augmentation du nombre de nouveaux cas a été associée à une baisse de la confiance, mais il convient de noter que l'indice du Conference Board a commencé à perdre du terrain au printemps dernier malgré des taux d'infection plus faibles (graphique 2).

Un autre facteur de complication est la concomitance d'une inflation élevée et d'un marché du travail solide. Concernant ce dernier, pourvoir les postes vacants est devenu une préoccupation majeure des entreprises américaines (et européennes). Les travailleurs le perçoivent aussi et changent plus facilement d'emploi. Aux États-Unis, le taux de départs volontaires a atteint à un niveau record[2]. Or, il est intéressant de constater qu’un écart s'est creusé entre cet indicateur et le sentiment des ménages (graphique 3). Traditionnellement, les deux séries sont fortement corrélées mais, récemment, le taux de départs volontaires a continué à augmenter tandis que le sentiment a fléchi.

De toute évidence, cette baisse de la confiance ne reflète pas une hausse des craintes entourant le marché de l'emploi, mais un autre facteur à l’œuvre. La hausse des anticipations d'inflation et de l'inflation elle-même est un candidat tout trouvé. Ces dernières alimentent en effet l'inquiétude des ménages concernant leur pouvoir d’achat, comme le mentionne un rapport de l'enquête sur le sentiment de l'Université du Michigan paru en septembre : "On a assisté à une débâcle dans l’évaluation des conditions d'achat : celles concernant les biens de consommation durables des ménages sont au plus bas depuis 1980, celles des véhicules ont atteint un plus bas depuis 1974, et pour les logements un plus bas niveau depuis 1982. Ces baisses record étaient toutes dues aux prix élevés." [3]

Une divergence similaire est perceptible en France où la confiance des consommateurs s'est affaiblie en octobre. L'évaluation de la capacité d'épargne future a enregistré une forte baisse et la part des ménages considérant que leur niveau de vie s'améliorera au cours des douze prochains mois est également en repli. Le pourcentage de ceux qui pensent que les prix augmentent est en forte hausse et il en va de même pour les anticipations d'inflation pour les douze prochains mois. Pourtant, les craintes des ménages sur le chômage futur continuent de chuter fortement et sont bien inférieures à leur moyenne de long terme. En conclusion, il est prématuré de tirer la sonnette d'alarme sur l’affaiblissement du sentiment des ménages, en particulier en Europe où la confiance n'a guère baissé et reste élevée, mais aussi aux États-Unis malgré sa chute par rapport aux récents sommets. Nous devrons surveiller de près l'évolution de l'inflation et des perspectives du marché du travail, et si ces dernières restent suffisamment fortes pour neutraliser le vent contraire que constitue la hausse des prix. Compte tenu des intentions d'embauche actuelles, on peut penser que cela restera le cas dans les prochains mois.

ÉTATS-UNIS : CONFIANCE DES MÉNAGES ET NOUVEAUX CAS DE COVID
ÉTATS-UNIS : CONFIANCE DES MÉNAGES ET TAUX DE DÉMISSION
CONFIANCE DES MÉNAGES ET RÉCESSIONS AUX ÉTATS-UNIS

[1] The Economics of Walking About and Predicting US Downturns, David G. Blanchflower and Alex Bryson, NBER Working Paper No. 29372, October 2021. The authors are respectively professor at Dartmouth College and University College London. David Blanchflower is a former member of the Bank of England’s monetary policy committee.

[2] The quits rate is the number of quits during the entire month as a percent of total employment (source: US Bureau of Labor Statistics).

[3] Source: Preliminary results from the September 2021 survey, University of Michigan, Surveys of Consumers, 17 September 2021.

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