Eco Perspectives

Bonne résistance aux chocs

29/06/2022

Après un rebond d’activité en 2021 plus faible que ses voisins européens, l’Espagne devrait connaitre un taux de croissance soutenu en 2022, supérieur à 4%. Malgré les contrecoups de la guerre en Ukraine sur l’inflation et le pouvoir d’achat, le marché du travail garde le cap avec 186 000 emplois supplémentaires créés au cours des cinq premiers mois de l’année. Cette dynamique devrait se prolonger cet été avec la reprise plus marquée de l’activité touristique, même si les perturbations actuelles qui affectent les compagnies aériennes en Europe pourraient ternir ces perspectives. Par ailleurs, le pic de l’inflation pourrait intervenir tardivement cette année, la hausse des prix dans l’alimentation et les équipements ménagers gagnant actuellement en vigueur.

La dynamique des embauches est restée bien orientée dans le pays et n’a montré, jusqu’à cet été, aucun signe d’essoufflement. Près de 186 000 nouveaux emplois nets supplémentaires ont été créés entre janvier et mai 2022, poursuivant sur la lancée de 2021 (+473 000). Le taux de chômage est redescendu à 13,3% en avril. Par rapport à février 2020, qui correspond au pic d’emploi précédant le premier confinement, les embauches ont été significatives dans les secteurs de l’information et de la communication (+87 511), ainsi que dans les différents secteurs publics, notamment l’éducation (+119 044) et la santé (137 864). À l’inverse, l’emploi dans la finance et l’assurance (-13 177), l’hôtellerie (-23 295) ainsi que les activités de commerce (-10 738) accuse encore un déficit par rapport au niveau d’avant-Covid.

Si la situation sur le front de l’emploi reste bonne, elle reste compliquée sur le front de l’inflation. Celle-ci s’est rapprochée du seuil des 10% a/a en mars, à 9,7% (indice harmonisé), avant de refluer à 8,5% en mai. Nous anticipons une décélération plus importante à partir du T4 2022, même si son niveau devrait rester élevé (au-dessus de 3%) jusqu’à la fin du premier semestre 2023. L’instauration, le 15 juin dernier, d’un bouclier tarifaire sur le prix du gaz naturel permettra de contenir la hausse des prix énergétiques pour les ménages (+34,2% a/a en mai).

CROISSANCE ET INFLATION

Si la situation sur le front de l’emploi reste bonne, elle reste compliquée sur le front de l’inflation. Celle-ci s’est rapprochée du seuil des 10% a/a en mars, à 9,7% (indice harmonisé), avant de refluer à 8,5% en mai. Nous anticipons une décélération plus importante à partir du T4 2022, même si son niveau devrait rester élevé (au-dessus de 3%) jusqu’à la fin du premier semestre 2023. L’instauration, le 15 juin dernier, d’un bouclier tarifaire sur le prix du gaz naturel permettra de contenir la hausse des prix énergétiques pour les ménages (+34,2% a/a en mai). Néanmoins, l’augmentation des prix à la consommation s’accentue dans d’autres postes de dépenses, notamment les produits alimentaires et boissons non alcoolisées (+11,0% a/a), les équipements ménagers (+5,9%) et la restauration-hôtellerie (+6,3%). Les prix à la production ont poursuivi leur envolée au printemps (+45,1% a/a en avril). Bien que partiellement absorbée par les marges des entreprises, cette hausse sera répercutée aussi sur les prix de vente et les prix à la consommation.

Hausse modérée des salaires

Les salaires ont enregistré une hausse importante au T1 (+4,3% a/a selon l’INE), mais une boucle prix-salaire ne s’est jusqu’ici pas véritablement matérialisée. En effet, cette augmentation résulte principalement d’effets d’entrainement liés à la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel (SMI) sur les grilles salariales les plus basses. Le SMI a été revalorisé de 3,6%, à EUR 1000, en janvier. À l’exception de trois secteurs (énergie, information et communication, finance et assurance), l’ensemble des branches d'activité enregistrent des hausses de salaires, celles-ci étant particulièrement marquées dans l'hôtellerie. Le salaire de base moyen dans cette branche (EUR 1120,16 mensuels au T1 2022) est le plus proche du SMI et les salaires ont augmenté de deux tiers (68,4%) par rapport au T1 2021. La hausse des salaires est donc pour le moment principalement le résultat des mesures gouvernementales, plutôt que des décisions des entreprises, même si dans certains secteurs, comme l’hôtellerie, le manque de main d’œuvre contribue aussi à tirer les rémunérations vers le haut. De plus, un quart seulement des travailleurs est couvert par une clause permettant de réviser, totalement ou partiellement, les salaires en fonction de l’inflation.[1]

Dans ce contexte, le soutien de l’État aux ménages et aux entreprises (EUR 17 mds jusqu’à présent, hors bouclier tarifaire[2]) pourrait se renforcer au cours de l’été. Un prolongement des réductions de taxes sur les produits énergétiques, qui expirent pour l’heure en juillet, est probable. L’introduction d’une taxe extraordinaire sur les fournisseurs d’énergie, similaire à celle mise en place en Italie, est aussi envisagée.


[1] Voir Solo uno de cada cuatro trabajadores tiene cláusula de revisión salarial contra la inflación, El País, 10 juin 2022

[2] Voir BNP Paribas Ecoflash, Inflation des prix de l’énergie en zone euro : réactions des gouvernements et implications sur le pouvoir d’achat des ménages, 20 mai 2022.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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