Certes, la Fed a réussi à écarter le risque que les besoins spécifiques des participants au moment de la clôture de leurs comptes trimestriels ne lui fassent, à nouveau, perdre le contrôle de taux courts. Le dispositif n’est toutefois envisagé que de manière temporaire ; or, les tensions risquent de réapparaître à bien d’autres occasions. Notamment, le projet du Trésor de reconstituer ses avoirs auprès de la Fed à hauteur de 410 mds USD d’ici la fin de l’année[12] (contre 303 mds le 18 septembre) pourrait entrainer la résurgence de nouvelles tensions. Aussi, pour atténuer durablement ces dernières, la Réserve fédérale doit-elle mettre en place un dispositif pérenne de prises en pension[13].
Le paradigme dans lequel la politique monétaire s’exerce a changé. Dans le précédent, celui où les réserves en banque centrale étaient abondantes, la Fed devait intervenir pour absorber l’excès de liquidité par le biais d’opérations de mise en pension de titres. Dans le nouveau, caractérisé par une insuffisance de réserves, la Fed doit au contraire réinjecter de la monnaie centrale.
Alors que l’instauration des règles de liquidité visait à rendre le système bancaire moins dépendant de la banque centrale en temps de crise, elle a accru paradoxalement cette dépendance en temps normal. Au-delà du rôle de prêteur en dernier ressort qui lui est assigné, la Fed doit revêtir à présent les habits du pourvoyeur de liquidités en premier ressort (via la conduite régulière d’opérations de prise en pension ou la détention de larges portefeuilles de titres).
Un outil de gonflement des réserves à portée de main
La Fed pourrait, comme nous l’écrivions en avril dernier, actionner un autre levier. Il s’agirait de plafonner le volume des opérations de reverse repo qu’elle noue chaque jour avec les banques centrales étrangères (FRRP) et/ou leur rémunération.
Ces opérations participent, en effet, de manière non négligeable, au drainage des réserves depuis plusieurs années[14]. Leur encours avait atteint un point haut historique de 306 mds USD le 18 septembre dernier (graphique 7). Et pour cause, ces opérations offrent une rémunération très attractive. Au deuxième trimestre, la Fed les rémunérait à hauteur de 2,42%, soit au même niveau que le taux EFFR moyen et légèrement au-dessus du taux de rendement des titres à 1 mois. La Fed ne communique pas de manière régulière sur le taux pratiqué[15] mais, au vu de leur récente progression, gageons que leur rendement est demeuré très avantageux au cours du troisième trimestre.
Or, le maintien de ce rendement attractif nous paraît injustifié à trois égards. D’abord, il introduit, depuis le début de l’année 2019, une distorsion dans la gamme des taux qui rémunèrent le cash déposé auprès de la Fed. Les comptes courants du Trésor et des GSE ne sont pas rémunérés ; le cash prêté par les fonds monétaires à la Fed (dans le cadre des reverse repo RRP) est rémunéré à hauteur de 1,7% (2% avant la dernière baisse de taux annoncée le 18 septembre) ; les dépôts des banques (réserves) le sont à hauteur de 1,8% (2,1% jusqu’au 18 septembre) (graphique 8).