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Attractivité de la France : un bon cru 2018

29/10/2019
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En 2018, malgré un climat social tendu et un environnement économique marqué par l’essoufflement de la croissance européenne, le Brexit et le différend commercial sino-américain, les indicateurs d’attractivité de la France sont restés bien orientés.

D’après le baromètre EY en particulier, la France devance l’Allemagne et talonne le Royaume-Uni en nombre de projets d’investissements étrangers (IDE) sur son territoire. Ces projets sont essentiellement portés par l’industrie, le numérique et les services aux entreprises.

Cette attractivité de l’Hexagone témoigne de la solidité de ses secteurs historiques, de la densité de son écosystème entrepreneurial et du dynamisme de sa recherche. Les réformes récemment entreprises jouent également favorablement. Des progrès restent cependant à faire en matière de fiscalité et de coût du travail.

D’après l’INSEE, l’attractivité économique d’un territoire se définit comme « sa capacité à attirer des ressources spécifiques provenant de l’extérieur. Les contours de l'attractivité économique englobent deux aspects complémentaires : un aspect « productif » traditionnel et un aspect « résidentiel ». Ils définissent ensemble une géographie de l'attractivité des territoires ».

Attractivité : définition et mesures

L’attractivité économique d’un territoire désigne sa capacité à attirer, sur une période donnée, de nouvelles activités économiques et des facteurs de production mobiles. Elle reflète la performance d’un territoire à une période donnée. Cette notion permet de justifier les choix d’investissements et d’accueil d’activités nouvelles d’un pays ou d’une région. Les politiques d’attractivité visent à attirer les investissements étrangers sur le territoire national afin d’augmenter le niveau de l’activité économique. Ces politiques sont légitimées par les théories de l’attractivité territoriale telles que celles développées par la nouvelle économie géographique ou l’économie industrielle.

La nouvelle économie géographique justifie la prise en compte de facteurs hors prix dans l’attractivité et la compétitivité d’une économie. Les choix d’implantation des entreprises dépendent d’externalités liées à l’agglomération ou à la dispersion des activités économiques. Des entreprises d’un même secteur peuvent ainsi être incitées à se concentrer géographiquement pour bénéficier d’économies d’échelle et d’externalités d’infrastructures (transports, proximité et accessibilité des fournisseurs ou du marché, etc). Elles peuvent, au contraire, être amenées à se disperser lorsqu’elles pâtissent d’externalités négatives liées à leur concentration, telles que la pollution, la concurrence locale responsable de la hausse du prix des intrants, etc. Les pouvoirs publics peuvent agir sur ces externalités. Par exemple, l’Etat peut décider d’établir des prix plafond sur les intrants ou développer les infrastructures, facteur essentiel dans le choix d’implantation des entreprises.

Les théories de l’économie industrielle viennent compléter les apports de la nouvelle économie géographique en mettant l’accent sur les ressources spécifiques d’un territoire, d’ordre institutionnel, industriel et technologique. La présence de technopoles, clusters, districts industriels au sein d’un territoire permettent aux entreprises de bénéficier d’externalités technologiques et de capital humain. Le développement de la recherche et de la formation de sa population sont aussi des clefs de l’attractivité.

Pour définir une politique d’attractivité, tout Etat doit au préalable chercher à mesurer cette attractivité. Plusieurs indicateurs développés par des institutions supranationales, telles que la Banque mondiale, permettent d’en rendre compte. Le premier consiste à comptabiliser les flux entrants d’investissements directs étrangers (IDE). Le nombre d’emplois créés sur le territoire par les centres de décision étrangers est un autre indicateur important.

Nous nous intéressons ici plus particulièrement aux enquêtes d’opinion développées par des cabinets de conseil, telles que le baromètre EY, celui de l’AmCham France (Chambre de commerce américaine en France), de Bain & Company ou encore les enquêtes de Kantar. Toutes rendent compte du point de vue d’investisseurs sur un pays donné. Ainsi, en 2019, 500 investisseurs ont été sondés dans le cadre de l’enquête de Kantar sur l’attractivité de la France tandis que le baromètre EY a recueilli les propos de 210 chefs d’entreprises. Le rapport annuel de Business France sur les investissements internationaux en France est également riche d’informations. Il établit les caractéristiques des IDE en France (pays d’origine, secteurs, emplois concernés, etc.) et dresse un bilan de l’attractivité de l’Hexagone et du contexte international dans lequel ces flux d’IDE sont générés.

Deux autres indicateurs composites viennent compléter ces enquêtes. La Banque mondiale publie chaque année son indice Doing Business classant 190 économies en fonction de la qualité du climat des affaires qui y règne et leur attribue des scores quant à la facilité d’implantation d’une activité sur leur territoire. Chaque année est également établi le Global Competitiveness Index à la suite du World Economic Forum. Cet indice de compétitivité réunit les aspects macro et microéconomiques de la compétitivité de 140 pays en un seul indice. Ce dernier croise les résultats de 98 indicateurs concernant, notamment, les institutions, les infrastructures, la stabilité macroéconomique et la capacité d’innovation. Cet indice permet de classer les économies en fonction de leur degré de compétitivité.

Etat des lieux

En 2019, dans le classement Doing Business, la France obtient le score de 77,29 sur 100, en légère augmentation par rapport au classement 2018 (+0,99), signe que le pays résiste bien dans un environnement mondial et européen toujours plus incertain sur le plan économique et politique. Ce constat est validé par l’indice de compétitivité du World Economic Forum qui classe la France quinzième pays le plus compétitif en 2019, en hausse de 2 places par rapport à 2018.

Du côté des enquêtes d’opinion, la France reste une destination attractive puisque 55% des investisseurs américains interrogés dans le cadre de l’enquête menée en 2018 par l’AmCham pensent que la France est une « bonne » destination d’investissement. Ils étaient 48% à le penser en 2017. Le résultat de l’enquête EY pour 2018 est également intéressant et instructif, la France se hissant à la seconde place du palmarès des pays européens les plus attractifs juste derrière le Royaume-Uni et devant l’Allemagne (cf. graphique 1). Elle concentre ainsi 1027 décisions d’investissement en 2018, devançant l’Allemagne (973 projets) et talonnant le Royaume-Uni (1054 projets). Néanmoins, le nombre d’emplois créés par ces IDE reste très faible : 43 emplois par projet en moyenne.

Evolution des IDE des grands pays européens

Autre résultat positif : selon EY, la France est devenue, en 2018, la première destination européenne des projets d’investissement dans les centres de recherche et développement (R&D), avec 144 projets, soit plus que l’Allemagne et le Royaume-Uni réunis (respectivement 64 et 74 projets). La France s’est également maintenue en tête du palmarès européen des projets d’IDE dans l’industrie. C’est le secteur du numérique qui a attiré le plus d’IDE en 2018 (171 projets), suivi par les services aux entreprises (121 projets). Au total, les cinq premiers secteurs les plus attractifs en France représentent 50% des investissements captés, faisant de la France le pays européen où la répartition des IDE est la plus diversifiée.

Par ailleurs, tous types d’investissements confondus, Paris se place au deuxième rang des métropoles mondiales en termes de nombre d’IDE reçus, juste derrière Londres. La France accuse néanmoins un retard sur le Royaume-Uni et l’Allemagne dans des secteurs stratégiques comme le numérique et les centres de décision. En effet, bien que le numérique ait été le secteur le plus porteur d’IDE en 2018, la France reste distancée par ses concurrents britanniques et allemands qui concentrent, respectivement, 288 et 218 projets d’investissement dans ce secteur. Quant aux centres de décision, d’après le baromètre EY, le nombre de QG a régressé de 24%, un déclin d’une ampleur toutefois similaire à la tendance européenne (-23%).

Toujours selon le baromètre EY, après avoir augmenté continûment pendant six ans, le nombre de projets d’IDE en Europe a accusé un recul de 4% en 2018. Un tel repli n’avait pas été observé depuis 2012. Il est également remarquable de constater ce signal négatif ne vaut pas pour la France, dont l’attractivité s’est maintenue, portée notamment par l’industrie. Un tiers des projets d’investissement concernent en effet des sites de production ou des extensions de sites de production : un résultat qui retient l’attention alors que l’industrie est l’un des secteurs les plus touchés par la baisse des IDE sur le vieux continent.

Cette diminution historique des IDE en Europe s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe : l’absence d’accord sur les conditions de sortie du Royaume-Uni inquiète particulièrement les investisseurs. En effet, 38% des investisseurs interrogés dans le baromètre EY considèrent le Brexit comme le principal risque menaçant l’attractivité européenne. En tant que point d’entrée géographique sur le continent, la France bénéficie cependant de la situation. L’Ile-de-France enregistre même la plus forte progression d’IDE en provenance du Royaume-Uni, suivie de Madrid et Francfort. De plus, le Royaume-Uni apparaît comme le troisième pays d’origine des IDE entrants en France.

Par ailleurs, si la réforme fiscale américaine pousse les entreprises américaines et étrangères à rapatrier leurs profits sur le sol américain, cela n’empêche pas les entreprises américaines de se tourner vers la France puisque les Etats-Unis sont les premiers investisseurs en France juste devant l’Allemagne. Ils concentrent 18% des projets d’investissement en 2018, contre 13% pour l’Allemagne (cf. graphique 2).

Points forts et points faibles

Les principaux facteurs d’attractivité de la France sont la solidité de son maillage industriel, son écosystème entrepreneurial et le dynamisme de sa recherche. Les réformes entreprises ces dernières années jouent également favorablement. En revanche, des progrès restent à faire en matière de poids de l’administration, de fiscalité et de coût du travail.

Top 10 des pays d’origine des IDE en France

En 2018, la France a maintenu sa position de première destination d’accueil des activités industrielles en Europe juste devant la Turquie et l’Allemagne, rang qu’elle occupe depuis maintenant plus de dix ans. Selon Business France, ce dynamisme devrait se renforcer dans les années à venir puisque le gouvernement s’est engagé à revitaliser le tissu industriel français afin de bénéficier des effets d’une « révolution industrielle 4.0 ». D’après les enquêtes menées par Business France, plus de 84% des investisseurs interrogés plébiscitent plus particulièrement la qualité de la main d’œuvre, la montée en gamme des produits et la digitalisation des processus industriels.

Le crédit d’impôt recherche

Le crédit d’impôt recherche (CIR), un dispositif fiscal créé en 1983, vise à réduire le coût des dépenses de R&D des entreprises. Depuis sa création, un certain nombre de modifications ont été apportées. En 2008, son mode de calcul a été repensé : les déductions d’impôt ne sont plus calculées sur la base de l’accroissement des dépenses de R&D mais sur leur volume, ce qui rend le dispositif plus incitatif pour les entreprises dont les dépenses n’augmentent pas ou peu d’une année sur l’autre. Les critères d’éligibilité n’ont, en revanche, jamais changé. Toutes les entreprises peuvent en bénéficier quels que soient leur secteur et leur taille pourvu qu’elles soient éligibles à l’impôt sur les sociétés (IS) et qu’elles engagent des dépenses de R&D. Les trois types de dépenses couvertes par le dispositif sont les recherches fondamentales, appliquées et expérimentales. Le taux du crédit d’impôt est appliqué sur le prorata des heures travaillées destinées à la recherche. Ce taux s’élève à 30% pour les dépenses inférieures ou égales à EUR 100 millions et à 5% au-delà. Le montant obtenu est déductible de l’IS ou se transforme en créance sur le Trésor si l’entreprise est non imposable. Depuis 2013, il existe en outre le crédit d’impôt innovation destiné aux PME qui bénéficient d’un taux de 20% de crédit d’impôt sur les dépenses de conception ou de réalisation de prototypes ou d’installations pilotes d’un produit nouveau.

Si du point de vue de son attractivité, la France est sortie indemne du ralentissement économique européen en 2018, le gouvernement pourrait craindre pour 2019 les retombées d’un climat social tendu. Le deuxième sommet « Choose France », initié par le président Emmanuel Macron, avait d’ailleurs notamment pour but de rassurer les dirigeants des 120 multinationales présentes. 31% des dirigeants interrogés par EY pensent que réformer le dialogue social aurait un impact sur l’attractivité de l’Hexagone. 47% d’entre eux déplorent le poids des démarches administratives pour les entreprises et plus d’un tiers celui de la fiscalité et du coût du travail.

De nombreuses réformes ont été engagées ces dernières années pour alléger ces contraintes et créer un environnement des affaires plus favorable. Initiée par François Hollande, puis poursuivie et amplifiée par Emmanuel Macron, la politique de l’offre est le cadre général dans lequel elles s’inscrivent. On citera la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de charges pour abaisser le coût du travail ; la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et le prélèvement forfaitaire unique (PFU) pour alléger la fiscalité du capital ; la loi PACTE, pour répondre notamment aux besoins de simplification administrative des entrepreneurs. Des initiatives telles que « Territoires d’industrie » et le Pacte productif 2025, en cours d’élaboration, ont aussi pour objectif de lever des barrières à l’entrée.

La France promeut également un environnement favorable à l’innovation. Sa performance – en tant que destination la plus attractive d’Europe pour les projets de R&D – en atteste, tout comme le bouillonnement de la French Tech. Ce dynamisme de la recherche et de l’innovation est soutenu par un maillage solide d’incubateurs mais aussi par un ensemble d’incitations fiscales dont le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation (cf. encadré). Couplées au nombre d’étudiants en recherche avancée et d’ingénieurs, ces incitations poussent les géants de la Tech à renforcer leur présence dans l’Hexagone. L’innovation est ainsi perçue par 84% des dirigeants interrogés par Business France comme l’avantage compétitif qui permet à la France de faire la différence. La majorité d’entre eux saluent également le réseau de clusters de l’Hexagone, la possibilité de collaborer avec des équipes de recherche universitaires et l’accès facilité au financement.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE