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Des perspectives favorables

12/07/2021
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L’économie serbe n’a été que modérément affectée par les conséquences de la pandémie de Covid-19 en 2020. L’activité s’est à peine contractée, tandis que la banque centrale a maintenu un niveau de liquidité en devise suffisant dans un contexte d’euroisation élevée de l’économie. Ces bonnes performances sont à relier à l’attractivité de l’économie pour les investisseurs internationaux, ainsi qu’aux efforts passés de consolidation budgétaire, qui ont accru la marge de manœuvre du gouvernement pour soutenir l’activité l’an dernier. À court terme, la reprise devrait être soutenue, grâce notamment aux exportations, et le risque inflationniste maîtrisé. Au-delà, la capacité des autorités à maintenir la compétitivité de l’économie est essentielle pour réduire le risque de change.

L’activité économique résiste

PRÉVISIONS

L’activité économique a bien résisté aux conséquences de la pandémie en 2020 et les premiers signes de reprise en 2021 sont encourageants. Le repli du PIB n’a été que de 0,9% en 2020. Cette bonne performance est due à trois facteurs : la baisse modérée de la consommation des ménages (-2,5%) dans un contexte de restrictions d’activité limitées, les différentes mesures gouvernementales de soutien aux entreprises et au revenu des ménages (équivalentes à plus de 10% du PIB), et la bonne tenue des exportations de biens. Par ailleurs, contrairement aux autres pays des Balkans de l’ouest, la faible part du tourisme dans le PIB a limité la baisse de l’activité dans le secteur des services.

CONTRIBUTION À LA CROISSANCE DU PIB (%)

Au premier trimestre 2021, le dynamisme de l’investissement (+10% a/a) et des exportations (+7,9% a/a) a permis une évolution positive du PIB (+1,7% a/a) malgré une consommation des ménages (-1,9% a/a) toujours pénalisée par les conséquences de la pandémie. Les perspectives sont plutôt positives à court terme en raison d’un taux de vaccination relativement élevé et d’un secteur exportateur qui devrait bénéficier de la reprise de l’activité en zone euro. La croissance du PIB devrait ainsi atteindre environ 5% cette année.

Au cours des dernières années, l’économie serbe est devenue plus réactive à la conjoncture internationale en raison d’un poids croissant des exportations dans le PIB. Ces dernières représentaient 52% du PIB en 2019 contre 23% en 2004 et se concentrent dans le secteur manufacturier. Parallèlement, le rôle du marché intérieur comme moteur de la croissance s’est réduit, tant du côté de la consommation des ménages que de celui des dépenses publiques (de 13% du PIB en 2004 à 9% en 2019).

L’inflation devrait rester maitrisée

Durant l’année 2020, les mesures prises par la Banque centrale de Serbie (BNS) ont permis d’éviter d’éventuelles contraintes sur la liquidité. En plus d’une baisse du taux directeur de 125 points de base à 1%, la liquidité bancaire a été favorisée par un accroissement des opérations de swap de devises, de prise en pension et des rachats de titres publics et privés. Malgré cela, depuis mars 2020, le bilan de la banque centrale ne s’est accru que de l’équivalent de 5% du PIB.

À court terme, la conduite de la politique monétaire s’annonce plus délicate. D’une part, le contexte sanitaire reste incertain et des mesures d’assouplissement monétaire pourraient continuer d’être nécessaires. D’autre part, les pressions inflationnistes ont accéléré depuis le début de l’année. L’indice des prix à la consommation a progressé de 3,6% en rythme annuel en mai 2021, tandis que l’inflation avait atteint en moyenne 1,6% en 2020. Sans surprise, ce sont les prix de l’énergie (et dans une moindre mesure ceux des biens alimentaires) qui ont été le principal moteur de l’inflation au cours du premier semestre de 2021. En rythme annuel, l’inflation dépasse actuellement la cible d’inflation de la banque centrale (3%) mais reste inférieure à la borne haute de son intervalle de tolérance (4,5%). Nous estimons que l’inflation devrait rester dans cet intervalle et revenir en-dessous du taux cible en deuxième partie d’année. En effet, l’effet de base qui pousse les prix de l’énergie à la hausse devrait progressivement s’estomper et nous n’attendons pas de hausse significative du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux au deuxième semestre. Au total, la hausse des prix à la consommation devrait rester modérée et atteindre 2,5% en moyenne en 2021. Dans ce contexte, la banque centrale reste en mesure de poursuivre une politique monétaire accommodante favorable à la liquidité intérieure.

La consolidation budgétaire reste d’actualité

Dans un contexte de repli de l’activité et de soutien budgétaire à l’économie, les finances publiques ont enregistré un déficit important en 2020 (8,1% du PIB). Celui-ci devrait rester élevé en 2021 (7% du PIB attendu) en raison de la persistance de l’épidémie et des dépenses budgétaires qui y sont associées. Malgré ce creusement du déficit budgétaire, la situation des finances publiques reste saine. En effet, la Serbie est entrée dans cette période de crise avec des comptes publics bien meilleurs qu’il y a une décennie. L’assainissement des comptes publics, en lien avec le soutien financier et technique du FMI, a permis au gouvernement de dégager un excédent budgétaire en 2017 et 2018 et de rester quasiment à l’équilibre en 2019. Le solde budgétaire primaire a enregistré un excédent équivalant à 2,5% du PIB en moyenne entre 2016 et 2019, contre un déficit de 2,9% du PIB en moyenne entre 2011 et 2015.

La dette publique est assez élevée (57% du PIB en 2020) et constitue une source de vulnérabilité en raison de sa forte exposition au risque de change. Environ 70% de la dette totale du gouvernement est libellée en devises, dont 51% en euro et 12% en dollar US. Le gouvernement s’est engagé dans une stratégie de dinarisation de sa dette depuis quelques années. Il a ainsi émis davantage de dette de moyen et long terme (jusqu’à vingt ans) sur le marché local, qui était dominé par des titres de court terme jusqu’en 2017. La part de la dette libellée en dinar a augmenté de 22% à 30% de la dette totale depuis 2015.

Bonne performance à l’exportation

En 2020, les exportations serbes ont bien résisté à la baisse de l’activité dans l’Union européenne (UE). Tandis que les importations de biens de l’ensemble des pays de l’UE se sont repliées de 6% en volume, les exportations serbes n’ont baissé que de 3% et de 1,8% en valeur. Selon la banque centrale, deux facteurs ont contribué à cette bonne performance. D’une part, la bonne tenue des exportations de produits agricoles. Elles ne contribuent que pour 7% au total des exportations mais ont augmenté de plus de 11% en valeur en 2020, en partie grâce à la hausse des cours mondiaux. D’autre part, le dynamisme des IDE dans les secteurs exportateurs ont permis la bonne résistance des exportations manufacturières.

Maintien de la liquidité en devises

La capacité de la banque centrale à limiter la volatilité du taux de change en période de perturbations sur les marchés internationaux est particulièrement importante pour la stabilité macroéconomique étant donné l’euroisation d’une partie importante de l’économie serbe. En effet, en plus du niveau élevé de la dette en devises du gouvernement, environ 60% des bilans bancaires est libellé en devises, exposant les banques à des risques de crédit élevés en cas de forte dépréciation du dinar.

RÉSERVES EN DEVISES ET TAUX DE CHANGE

La liquidité en devises est restée satisfaisante en 2020 malgré la légère baisse des transferts provenant des travailleurs expatriés et des investissements directs étrangers (IDE). Grâce notamment à la forte réduction des rapatriements de bénéfices par les entreprises internationales et à l’émission d’eurobonds par le gouvernement, les réserves de change de la BNS ont légèrement augmenté (EUR 13,5 mds à fin 2020) et couvrent plus de six mois d’importations. Cette bonne tenue de la liquidité en devises a permis à la BNS d’intervenir sur le marché des changes afin de maintenir la stabilité du dinar contre l’euro. À court terme, la croissance attendue des réserves de change devrait permettre à la BNS de limiter la volatilité du taux de change. Le déficit du compte courant devrait rester relativement important mais les flux d’IDE et les émissions de dette sur les marchés internationaux par le gouvernement permettront de couvrir ce besoin de financement. Par ailleurs, la Banque centrale européenne a étendu jusqu’en mars 2022 la disponibilité de la ligne de précaution de EUR 1 md pour faire face à d’éventuelles tensions sur la liquidité en devise.

L’attractivité de la Serbie pour les investisseurs étrangers reste forte. Depuis 2015, le solde net des IDE a dépassé 6% du PIB en moyenne. Sur la même période, le taux de couverture du déficit courant par les IDE nets a été en moyenne de 140%. L’essentiel des IDE concerne le secteur manufacturier (30% du total depuis 2014) et dans une moindre mesure le secteur financier (17%), bénéficiant notamment de la privatisation de certains actifs publics.

Les perspectives des comptes extérieurs sont favorables, et la politique de change mise en place par les autorités monétaires permet de faire face aux turbulences internationales. Néanmoins certaines vulnérabilités persistent. Ainsi, la dette extérieure reste élevée (71% du PIB en 2020) et son coût (intérêt et principal) représente en moyenne 28% des exportations de biens et services depuis 2014. Dans ce contexte, la capacité de la Serbie à continuer à attirer des IDE et à maintenir sa compétitivité extérieure est déterminante pour maintenir sa stabilité macroéconomique.

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