A court terme, la conjoncture ne se prête guère à la remontée de l’inflation et des taux d’intérêt. Les anticipations de la BCE, comme celles des marchés, peuvent à nouveau paraître volontaristes. La suite n’est toutefois pas écrite, son évocation nécessitant de s’intéresser aux tendances longues.
Japonisation ?
L’économie japonaise est un cas d’école en ce sens que, riche mais vieillissante, elle se rapproche beaucoup de l’état régulier dépeint par les modèles de croissance (cf. encadré, en page 3). Dans l’Archipel, le stock de capital par tête est l’un des plus élevés au monde. Les gains de productivité, la croissance potentielle, ainsi que l’inflation convergent vers zéro, chiffre qui tend à devenir la norme pour les taux d’intérêt depuis une dizaine d’années (Cf. graphique 3).
La zone euro présente quelques traits similaires, sans être tout à fait dans la même situation : sa population vieillit, bien que moins vite ; ses effectifs en âge de travailler (les 15-64 ans) ont entamé leur déclin en 2010, la bascule ayant eu lieu vingt ans auparavant au Japon. Ses gains de productivité s’amenuisent, tout comme sa croissance potentielle. Evaluée à 1,5% par an par le Fonds Monétaire International (FMI), celle-ci reste toutefois plus rapide qu’au Japon (0,6%). En outre, elle peut encore être soutenue. Alors qu’il atteint près de 80% dans l’Archipel, le taux d’emploi des 15-64 ans se limite à 67% en zone euro[2]. Dans certains pays comme l’Italie ou l’Espagne, il est encore très bas (proche de 60%).
L’inflation n’est pas nulle même si à 1% par an en moyenne depuis huit ans, elle se conforme de moins en moins à la cible de 2% visée par la BCE. Alors que, malgré une politique monétaire ultra-accommodante, le Japon a les plus grandes difficultés à s’extirper d’une trappe à liquidité sans fond, les agrégats de monnaie et de crédit ont retrouvé un certain dynamisme en zone euro. Le taux de croissance annuel des prêts à la consommation est, par exemple, voisin de 7% ; celui de la masse monétaire (M3) atteint 4%.
En résumé, les tendances de fond empruntées par l’activité et les prix en zone euro, bien que ralenties, ne justifient pas que les taux d’intérêt se maintiennent indéfiniment au voisinage de zéro. Quel serait, dès lors, le point d’équilibre ?