Clignotants conjoncturels toujours au vert
D’abord estimée à 0,2% t/t, la croissance du T2 2019 a été rehaussée à 0,3% t/t en deuxième estimation, en ligne avec les attentes. Depuis le T3 2018, le rythme est peu élevé mais remarquablement stable et plus solide qu’il n’y paraît : il s’appuie, en effet, sur une contribution moyenne de la demande intérieure finale de 0,4 point de pourcentage. Au T2 2019, la consommation des ménages a, une nouvelle fois, déçu les attentes d’un rebond, en ne progressant que de 0,2% t/t après 0,3% au T1. Mais cette mauvaise nouvelle a été contrebalancée par une bonne surprise côté investissement des entreprises, en accélération (0,9% t/t après 0,6% t/t) et, plus surprenant, côté investissement des ménages (0,8% t/t après 0,1% t/t). Les variations de stocks (contribution négative de 0,2 point après +0,3) et le commerce extérieur (+0,1 point après -0,3) ont encore évolué en miroir. La variation de la contribution du commerce extérieur est le fait des importations (-0,2% t/t après +1,1%) tandis que les exportations sont restées atones (0,0% t/t après 0,1%), pénalisées par un fort recul, assez inhabituel, des exportations de services.
Les perspectives de croissance pour le T3 semblent favorables au regard des enquêtes sur le climat des affaires, disponibles jusqu’en septembre. Elles plaident pour un maintien du rythme de croissance des deux trimestres précédents. En moyenne sur le T3, l’indicateur synthétique de l’INSEE se situe au même niveau (élevé) qu’au T2 (106) et le PMI composite de Markit est légèrement au-dessus (52 après 51,3). L’orientation haussière de ces enquêtes depuis le début de l’année, même si cette tendance reste timide, est un autre signal encourageant, de même que l’absence de contagion, à ce stade, des moins bons chiffres dans le secteur manufacturier aux services. Enfin, le moral des ménages envoie le signal le plus positif des enquêtes de confiance. En septembre, il enregistre son neuvième mois consécutif de hausse et s’établit à 104. Ce niveau est suffisamment au-dessus de la moyenne 100 de référence pour considérer désormais que les ménages français ne sont plus seulement moins pessimistes, mais qu’ils sont plus optimistes. On se félicitera plus particulièrement de la nette diminution de leurs craintes concernant l’évolution du chômage.
Notre modèle nowcast vient tempérer quelque peu cette lecture positive des données d’enquête puisque, sur la base de celles-ci, la croissance du T3 est estimée à 0,2% t/t[1]. Cela correspond à notre prévision tandis que l’INSEE et la Banque de France tablent sur 0,3% t/t. Si nous nous montrons un peu moins positifs pour ce trimestre, mais aussi pour les suivants (nous avons abaissé à 1,2% (-0,1 point) et 1% (-0,2 point), respectivement, nos prévisions pour 2019 et 2020[2]), c’est, en premier lieu, du fait de notre diagnostic assez négatif de la situation économique allemande (cf. texte dans ce numéro) qui se répercute sur la croissance française via le canal des exportations.
Nous prévoyons également que l’investissement des entreprises fléchisse nettement sous le poids de l’incertitude, ce facteur défavorable l’emportant sur l’effet favorable des conditions monétaires et financières. Si, dans l’enquête sur le climat des affaires dans le commerce de gros, aucun signe avant-coureur d’un tel fléchissement n’apparaît, dans les services, les soldes d’opinion sur l’investissement sont plus mitigés. En outre, en juillet, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière ont nettement revu à la baisse leurs projets d’investissement pour 2019. De plus, le taux d’utilisation des capacités de production a perdu un peu plus de deux points depuis son point haut de début 2018 et atteint 83,4%.
Le rebond de la consommation des ménages se faisant toujours attendre, nous avons également revu en baisse nos attentes. Il n’est, en effet, toujours guère visible dans les dernières statistiques mensuelles des dépenses de consommation des ménages en biens portant sur août. Et il ne l’est pas beaucoup plus lorsque l’on regarde la consommation sous-jacente de biens fabriqués (matériels de transport, équipement du logement, habillement, autres biens). Mais ce rebond reste l’hypothèse la plus probable, une hypothèse renforcée par la hausse récente de la confiance des ménages ainsi que par les nouvelles mesures de soutien au pouvoir d’achat du budget 2020.
Le soutien du marché du travail
La bonne tenue du marché du travail est à la fois une cause et une conséquence de la résistance, observée et attendue, de la croissance. Cette bonne tenue prend la forme, tout d’abord, de créations d’emplois qui continuent de surprendre favorablement. L’emploi salarié privé progresse, en effet, à peine moins vite que la croissance (1,3% sur un an au T2 versus 1,4%). Ce dynamisme relatif s’accompagne de tensions (difficultés de recrutement, manque de main d’œuvre) qui, si elles n’augmentent plus, restent importantes. Les pressions haussières sur les salaires qui en découlent restent toutefois limitées, contraintes par la faiblesse des gains de productivité due à la « richesse en emplois » de la croissance. D’après la DARES, cela pourrait aussi être le reflet de la nature des tensions sur le marché du travail, dont « le renforcement semble en grande partie lié à un taux de rotation des emplois très important dans certains secteurs d’activité très intensifs en main d’œuvre peu qualifiée, comme le secteur du bâtiment, les services aux particuliers ou l’hôtellerie et la restauration »[3].
La bonne tenue du marché du travail est également visible dans les chiffres du chômage. En baisse continue depuis la mi-2015, le taux de chômage a atteint au T2 2019 son plus bas niveau depuis dix ans (8,5%). Ce repli ne serait pas uniquement conjoncturel : d’après la DARES, sa composante structurelle serait aussi en baisse à la faveur des réformes entreprises ces dernières années, notamment en termes de réduction du coût du travail.
Les perspectives restent favorables, à court terme au regard des différentes enquêtes disponibles comme à l’horizon 2020, compte tenu des mesures d’enrichissement du contenu en emplois de la croissance[4] (cf. graphique 2).