Après la chute impressionnante enregistrée au premier semestre 2020, l’économie italienne a rebondi durant l’été. La valeur ajoutée s’est fortement redressée dans le secteur de la construction et dans l’industrie manufacturière alors que la reprise a été plus modérée dans les services. Les prix de l’immobilier envoient également des signaux positifs, rendant improbable la réalisation du scénario le plus pessimiste évoqué au début de la pandémie. Pour endiguer la deuxième vague de contamination, le gouvernement italien a pris de sévères mesures restrictives aux effets préjudiciables sur l’activité. L’économie devrait ainsi accuser un nouveau repli au T4. La contraction devrait être plus modérée qu’au premier semestre ; c’est à peine si elle aura un léger impact sur la croissance en 2020, tandis que le report sur 2021 devrait être plus significatif.
Reprise économique générale pendant l'été
Après l’effondrement impressionnant du premier semestre 2020 (-5,5% au T1 et -13 % au T2), l’économie italienne a enregistré un rebond pendant l’été. Au T3, le PIB réel a grimpé de 15,9 % (t/t), tout en se maintenant à cinq points de pourcentage en dessous du niveau du T4 2019.
La contribution des exportations nettes a été positive (+4%), les exportations ayant progressé de 30,7 % et les importations de 15,9%, alors que la demande intérieure a ajouté treize points de pourcentage à la croissance globale, à la faveur du rebond significatif de l’investissement, qui a augmenté de 31,3% (t/t), compensant largement les replis antérieurs (-7,6% au T1 et -17% au T2).
Entre juillet et septembre, les dépenses en capital ont grimpé d’environ EUR 20 mds par rapport au T2, entraînant une progression de 5,3 % de la croissance globale au T3.
La reprise a été générale : les investissements dans le bâtiment (logements et autres constructions) ont augmenté d’environ 45%, soit plus que dans les machines-outils et les équipements (+34%). Les dépenses en produits de propriété intellectuelle, restées quasiment inchangées depuis le début de l’épidémie de coronavirus, ont progressé de moins de 1%. Avec la fin du confinement et l’assouplissement des mesures de distanciation sociale, la consommation privée a fait un bond de 12,4% au T3, après -6,8% au T1 et -11,5 % au T2, soit une contribution positive de 7,5% à la croissance du PIB.
Pour autant, la consommation se maintient à environ 7 % en dessous de son niveau du T4 2019. Les ménages italiens ont augmenté leurs dépenses de EUR 27 mds, après une baisse de EUR 47 mds au cours des deux trimestres précédents. Au T3, les achats de biens durables se sont envolés de plus de 45%, dépassant le niveau de 2019, tandis que les achats de services (environ la moitié de la consommation totale), malgré une hausse de 16,4%, restent inférieurs de plus de 10 % aux chiffres enregistrés avant l’épidémie de coronavirus.
Redressement de l'industrie manufacturière
Au T3, la reprise économique a été générale. Dans l’industrie manufacturière, la valeur ajoutée a augmenté de 35% (t/t). La production a rebondi dans les secteurs qui avaient accusé la plus forte contraction au cours des trimestres précédents, comme celui du textile, de l’habillement et de la chaussure ou celui des moyens de transport. Malgré l’embellie estivale, l’industrie manufacturière accuse toujours une perte de 4% par rapport au T4 2019, certains secteurs se situant bien en deçà des niveaux d’avant-crise. La reprise a été plus modérée dans les services, seul secteur à avoir renoué, avant l’épidémie, avec ses niveaux de 2008. La croissance de la valeur ajoutée a été de près de 12 %, après -4,6% au T1 et -11,4% au T2. Grâce à une légère reprise dans le secteur du tourisme, le chiffre d’affaires des activités de service dans l’hôtellerie-restauration a grimpé de plus de 160%, tout en restant inférieur de vingt-cinq points de pourcentage à celui du T4 2019. Au T3, les dépenses touristiques des non-résidents ont été multipliées par cinq en glissement trimestriel.
Immobilier : un scénario moins sombre
Le secteur de la construction a enregistré, au T3, un fort rebond : la croissance de la valeur ajoutée (+46%, t/t) a, en effet, largement compensé la baisse du trimestre précédent. Les prix de l’immobilier envoient aussi des signaux positifs.
En fait, la hausse étonnamment soutenue des six premiers mois de l’année rend très improbable la réalisation du scénario le plus pessimiste évoqué au début de la pandémie (-10% en g.a. pour les prix des logements en 2020). Selon les données de l’Istat, entre avril et juin, les prix de l’immobilier résidentiel ont augmenté de 3,1% (t/t) et de 3,4% en g.a. - la plus forte progression jamais enregistrée depuis le début de cette série de données en 2010 - une performance concernant aussi bien le neuf (+2,7%) que l’ancien (+3,7%).
Les données du deuxième trimestre suivent la tendance positive déjà observée au premier trimestre 2020 (+1,7% en g.a., +0,9%, t/t) alors que la pandémie n’en était qu’à ses débuts, la plupart des transactions immobilières concernant des contrats conclus avant le confinement. Dans l’hypothèse d’une stabilisation des prix au second semestre, le taux de croissance des prix de l’immobilier en 2020 serait de +3,2%, un taux inédit depuis le début de la publication de ces données en 2010 (fait d’autant plus curieux que la pandémie fera chuter, cette année, le PIB italien à un niveau historiquement bas).
Les prix ont connu une augmentation assez homogène dans l’ensemble du pays : dans les régions du nord-ouest, ils ont augmenté de 5,5% en g.a., principalement portés par les bonnes performances enregistrées à Milan. Dans ces régions, ils ont progressé pendant dix-neuf trimestres d’affilée et, de manière très inattendue, se sont inscrits en hausse de +13,5% et +15,9% en g.a., respectivement, au premier et au deuxième trimestre 2020. Compte tenu de l’incertitude entourant toujours l’évolution de la pandémie, il est difficile de prévoir la tendance future des prix.
Les données semblent indiquer que l’augmentation du temps passé par les ménages à leur domicile (suite aux périodes de confinement et à la diffusion du télétravail) a peut-être contribué à accroître la demande de logements plus grands et plus chers. Le plus probable est qu’en raison du confinement et de la faiblesse de l’activité économique qui a suivi, seules quelques opérations entre des parties résolues à faire l’acquisition d’un logement (ou engagées par un contrat conclu avant la pandémie) ont pu être réalisées.
Ces hypothèses semblent être corroborées par la chute sévère des transactions immobilières au cours des six premiers mois de 2020. D’après l’Agence du territoire italienne, après avoir baissé de 15,5 % entre janvier et mars, les ventes de logements ont plongé de 27,2 % entre avril et juin (43 000 ventes réalisées, soit moins qu’au cours de la même période de 2019). La baisse a été générale sur l’ensemble du territoire, les chiffres les plus bas ayant été atteints dans les régions du sud (-33,4 %) et dans les îles (-34,2%). L’effondrement des transactions immobilières a frappé les principales villes de manière assez homogène, dont Milan, Rome et Turin, où les ventes de logements ont diminué de 26,5%, 23,4% et 27,5%, respectivement, au deuxième trimestre 2020.
Les enquêtes ad hoc, réalisées par des cabinets spécialisés, font ressortir une stagnation de la demande pour les mois à venir, principalement due au souhait d’adapter les logements aux nouvelles habitudes. Les nécessités du télétravail et de l’apprentissage scolaire et universitaire à domicile pourraient entraîner, de la part de bon nombre de familles, un accroissement de la demande de surfaces plus grandes avec des pièces et espaces extérieurs bien séparés.
Cependant, les incertitudes du scénario macroéconomique et la baisse de la rentabilité locative (principalement due à l’effondrement des loyers à court terme) pourraient peser sur la demande d’investissement, qui a soutenu le secteur immobilier dans les mois ayant précédé l’apparition de l’épidémie. La baisse des revenus et des loyers, ainsi que la dépendance d’une partie de la demande à l’égard du crédit bancaire sont des éléments susceptibles d’engendrer une contraction. En revanche, le nouvel usage que les familles feront de leur espace de vie pourrait représenter un facteur porteur.
Un scénario plus précis ne pourra être élaboré avant plusieurs mois, le temps d’évaluer l’ampleur de l’impact de cette longue crise sanitaire sur l’économie italienne et de vérifier si, et dans quelle mesure, cette nouvelle organisation du travail va ou non s’inscrire dans la durée.
Les effets de la 2e vague sur l'économie italienne
Après avoir reculé d’avril à juin, le nombre de nouveaux cas quotidiens de Covid-19 a de nouveau augmenté depuis le mois d’août, s’accélérant fortement en octobre pour atteindre un pic à la mi-novembre. Pour contenir la deuxième vague de contamination, le gouvernement italien a adopté plusieurs mesures restrictives, dont un confinement partiel, aux effets préjudiciables sur l’activité économique, dans certaines régions.
En septembre, la production a baissé de près de 6% m/m ; elle a chuté d’un quart dans le textile, l’habillement et la chaussure et de plus de 10% dans les moyens de transport. Avec la détérioration du scénario global, les exportations italiennes dans les pays non membres de l’UE ont reculé de 2,6% en octobre et la confiance des entreprises s’est de nouveau dégradée.
De surcroît, les conditions du marché du travail restent incertaines, entraînant des effets négatifs sur l’évolution du revenu des ménages. Le nombre de personnes ayant un emploi n’a enregistré qu’un redressement partiel ; le nombre d’actifs occupés se situe toujours à plus de 420 000 en dessous de celui du début de l’année.
Le recours aux dispositifs de protection sociale a permis d’atténuer les effets de la crise sur le taux de chômage, qui est resté légèrement inférieur à 10%. Malgré plusieurs mesures adoptées par le gouvernement italien pour soutenir le revenu des ménages et des entreprises (en particulier dans les secteurs les plus affectés par la crise), l’activité économique devrait accuser une nouvelle baisse au T4. La contraction devrait être plus modérée qu’au cours du premier semestre de l’année ; c’est à peine si elle aura un léger impact sur la croissance en 2020, tandis que les effets sur 2021 pourraient être plus importants.