D’après nos prévisions, l’économie belge devrait se contracter de 7,2 % cette année, puis progresser de 3,8 % en 2021. Après une reprise dynamique au troisième trimestre, la consommation privée devrait de nouveau reculer à la fin de l’année, mais pas autant que lors du premier confinement. Jusqu’à présent, les dommages structurels semblent avoir été, en grande partie, évités : le taux des faillites se situe à un niveau proche de la normale et le taux de chômage est resté stable depuis le début de l’année. Les mesures de soutien adoptées par le gouvernement n’y sont certainement pas étrangères et une fois qu’elles auront expiré, elles laisseront apparaître des cicatrices de long terme.
À la fin du premier semestre 2020, le PIB réel trimestriel de la Belgique se situait à 15% en deçà du niveau du dernier trimestre 2019.
Les révisions à la hausse des comptes nationaux, pour le premier comme pour le deuxième trimestre, ont généré des perspectives plus optimistes, vraisemblablement confortées par un taux de croissance supérieur aux prévisions au troisième trimestre, s’inscrivant à 11,4% en glissement trimestriel.
Le tableau s’est néanmoins obscurci avec la recrudescence de nouveaux cas au début du quatrième trimestre et le renforcement consécutif des mesures de lutte contre la propagation du virus. Nous tablons sur un repli de l’activité économique au quatrième trimestre de cette année et on ignore encore si une récession technique pourra être évitée au début de 2021.
Chômage : tendance à la hausse
Le taux de chômage est resté stable autour de 5% depuis le début de l’année, ce qui est assez remarquable. Sur la même période, le taux de chômage moyen de l’UE a, en fait, augmenté de près d’un point de pourcentage et une tendance similaire a été observée dans les pays voisins. L’extension du plan de « chômage partiel » est, sans aucun doute, pour beaucoup dans cette performance notable du marché du travail en Belgique. En avril, période au cours de laquelle les mesures adoptées par le gouvernement pour lutter contre la pandémie ont été les plus restrictives, près de 1,2 million de personnes ont eu recours à ce plan. En septembre, ce chiffre est tombé en deçà de 200 000, un niveau qui reste encore deux fois plus élevé que la normale. Avec le deuxième confinement, imposé au début du mois de novembre, ce nombre devrait de nouveau augmenter : plus de la moitié de l’ensemble des sociétés envisage en effet de placer davantage de salariés en chômage partiel.
D’après nos prévisions, environ un demi million de travailleurs devrait en bénéficier vers la fin de l’année. À partir du deuxième trimestre 2021, ce nombre devrait de nouveau progressivement reculer. À ce moment-là, le taux de chômage réel repartira à la hausse avec l’expiration attendue des mesures de soutien du gouvernement. Dans l’ensemble, le taux de chômage devrait atteindre un pic bien supérieur à 7 % au début de 2022. Même si la perte de 140 000 emplois, selon les estimations, va entraîner d’importantes difficultés économiques, le taux de chômage se situera à un niveau comparable à celui de 2017. Cette année-là, à mi-chemin de la législature du gouvernement Michel-I, près de 160 000 emplois avaient été créés depuis la fin de 2014 et autant l’ont été dans les deux années qui ont suivi. Il sera peut-être difficile de retrouver un rythme aussi soutenu de créations d’emplois mais, du fait de la singularité de cette crise par à-coups, un rebond rapide n’est pas exclu.
Impact négatif sur les entreprises
Dans son enquête mensuelle, la Banque nationale de Belgique a étudié l’impact négatif de la crise sanitaire sur le chiffre d’affaires des entreprises. Les pertes de chiffre d’affaires ont culminé à plus de 30% pour l’économie dans son ensemble au mois d’avril, mais la situation s’est peu à peu améliorée pour revenir à moins de 15 % en août. Pour le mois de novembre, les entreprises s’attendent à une nouvelle détérioration avec le démarrage du deuxième confinement. Les secteurs les plus touchés sont ceux en contact avec la clientèle, comme l’événementiel, les services d’hôtellerie-restauration et le commerce non alimentaire.
C’est ce que confirment les données agrégées en temps réel sur les dépenses de consommation qui, au cours des deux premières semaines de novembre, ont enregistré un repli de 20% par rapport à la normale. Après avoir affiché une reprise presque complète et renoué avec les niveaux antérieurs à la crise au troisième trimestre, la consommation privée pourrait enregistrer un recul significatif dans les derniers mois de l’année. Pour autant, l’impact de ce deuxième confinement sera probablement moins sévère, les entreprises semblant à présent mieux à même d’affronter les mesures les plus strictes.
En novembre, le télétravail à plein temps a été rapidement réintroduit pour plus de 30% de l’ensemble des salariés. Ce taux, très proche de celui du premier confinement, est bien supérieur à celui de 9 %, indiqué pour le mois de septembre. De manière générale, les entreprises craignent une forte augmentation du risque de faillite. Comme le montrent les enquêtes, près de 10% d’entre elles pourraient avoir mis la clé sous la porte au second semestre 2021.
Les pertes de chiffre d’affaires et les paiements tardifs seraient les principales raisons à l’origine des problèmes de liquidité, l’insuffisance des lignes de crédit étant, jusqu’à présent, jugée moins grave. L’impact sur les plans d’investissement est significatif. Dans l’ensemble de l’économie, les entreprises prévoient de réduire leurs plans d’investissement, antérieurs à la crise du coronavirus, de plus de 20% pour 2020 et d’autant pour 2021. Au deuxième trimestre de cette année, cette tendance était déjà manifeste dans les comptes nationaux, les investissements des entreprises étant déjà inférieurs de 23% au niveau atteint à la fin de 2019. Les investissements ne devraient pas, selon nous, retrouver ce niveau avant la fin de 2022.
Vers une chute des recettes publiques
Le gouvernement De Croo, fraîchement arrivé au pouvoir, a annoncé de nouvelles dépenses de l’ordre de 1% du PIB mais sans donner plus de détails sur le côté recettes de l’équation. Une grande partie des recettes publiques nouvellement budgétées devrait provenir, selon ses prévisions, du redoublement des efforts déployés pour lutter contre la fraude sociale, ce qui ne semble pas vraiment réaliste. Pour 2020, nous tablons sur une chute des recettes de près de EUR 14 mds, en ligne avec la réduction du PIB. Les dépenses générales de l’administration centrale seront proches du niveau de l’année dernière, avec EUR 16 mds de dépenses supplémentaires liées à la crise Covid-19 à divers niveaux des administrations publiques.
En additionnant tout cela, nous aboutissons pour cette année à un déficit égal à 8,7% du PIB. Pour le moment, rien n’indique réellement que le déficit pourrait revenir en dessous de 5% du PIB avant la fin de la législature actuelle en 2024. Cette situation a naturellement un impact défavorable sur le niveau de la dette publique, qui nous situons, cette année, à 114% du PIB. Une étude récente réalisée par la Banque nationale de Belgique fait état d’une « limite supérieure sûre » de 120% du PIB pour la dette publique belge. Ce plafond est plus élevé que dans des pays comme la France, l’Italie et l’Espagne car les gouvernements belges ont toujours exprimé la volonté de mettre en œuvre une politique budgétaire de stabilisation face à l’accroissement de la dette. Il reste à savoir si le gouvernement actuel de centre-gauche, emmené par un dirigeant de centre-droit, s’engagera dans la même voie une fois que la crise sanitaire aura été enrayée.