Le deuxième confinement a interrompu une reprise économique qui s’essoufflait déjà. Le climat des affaires ne tardera cependant pas à s’améliorer, porté par les anticipations relatives à la disponibilité prochaine de plusieurs vaccins. L’inflation se situe actuellement en territoire négatif en raison de la baisse de la TVA, mais elle redeviendra positive à l’expiration de cette mesure fiscale le 1er janvier 2021. En raison du deuxième confinement, le budget 2021 affichera un déficit supérieur aux hypothèses retenues en septembre, à EUR 180 mds ou 5,2 % du PIB. Au T2, le taux d’épargne des ménages a grimpé à 20,1 %, un nouveau plus haut historique. Lorsque la pandémie sera passée, il pourrait sensiblement reculer avec la réalisation, par les ménages allemands, des achats reportés.
La reprise interrompue par un confinement allégé
Après une contraction historique de 9,1 % au T2, le PIB a vigoureusement rebondi au T3, de 8,5 %, un niveau légèrement supérieur aux attentes. L’activité n’en est pas moins restée en retrait de 3 % par rapport à l’année précédente. Le rebond a été en partie dû à la levée progressive des mesures de confinement à partir de la fin du mois d’avril.
L’activité a, par ailleurs, bénéficié du plan de relance du gouvernement, introduit en juin. Au cours du T3, les indicateurs du cycle conjoncturel ont, néanmoins, montré que la reprise était en train de s’essouffler. En septembre, l’indice Ifo du climat des affaires a culminé à un niveau bien inférieur à celui d’avant-crise. De plus, malgré un rebond impressionnant, l’indicateur GfK de confiance des ménages est resté en territoire négatif, la propension aux achats ayant été freinée par les craintes d’une deuxième vague de contamination.
Après la forte recrudescence des cas de Covid-19, le gouvernement a dû introduire de nouvelles restrictions. Initialement, il n’a cependant pas voulu instaurer un confinement complet car l’une de ses principales mesures, la baisse du taux de la TVA à partir du 1er juillet, serait devenue inefficace.
Il s’est contenté de faire fermer les bars, les restaurants et les théâtres, autorisant les magasins non essentiels à ouvrir. Le nombre de contaminations restant à un niveau très élevé, mi-décembre les autorités ont finalement décidé de les fermer également, ainsi que les écoles et les crèches. En outre, les employeurs ont été invités à fermer leur entreprise durant les vacances ou à autoriser le travail à domicile.
Fin novembre, l’indice Ifo du climat des affaires a perdu 2,5 points en raison d’anticipations nettement plus pessimistes, en particulier dans les services. De plus, l’indicateur GfK de confiance des ménages s’est enfoncé davantage en territoire négatif. Cependant, malgré la détérioration actuelle de la situation des entreprises, les anticipations pourraient rebondir en décembre suite à l’annonce de la disponibilité prochaine de plusieurs vaccins, dont celui du laboratoire allemand BioNTech en collaboration avec le laboratoire américain Pfizer. Les autorités préparent une campagne de vaccination, mais il faudra peut-être attendre jusqu’en 2022 pour que l’ensemble de la population soit vaccinée.
Chute des prix due à la baisse de la TVA
Le pouvoir d’achat des salariés s’est nettement amélioré au second semestre de 2020, grâce à la baisse des prix à la consommation, due à la diminution temporaire de la TVA. Le taux standard a été abaissé de 19 % à 16 % et le taux réduit, de 7 % à 5 %, avec effet à compter du 1er juillet 2020. Si les entreprises avaient entièrement répercuté la baisse de la TVA sur les consommateurs, la hausse de l’IPCH aurait reflué de 1,8 point de pourcentage. Or, cela n’a pas été le cas. En octobre, les prix à la consommation ressortaient en repli de 0,5 % par rapport à 2019.
Selon la Bundesbank, la baisse de la TVA semble avoir été entièrement répercutée sur les prix de la plupart des denrées alimentaires et biens industriels hors énergie. Dans certains cas, la baisse des prix a même été bien supérieure à celle de la TVA. Dans les services, en revanche, le consommateur ne semble avoir bénéficié que d’un tiers de la diminution du taux d’imposition. Seulement dans quelques secteurs, comme les télécommunications, les prix ont reculé. Après l’expiration de la mesure de réduction de la TVA au 1er janvier 2021, l’inflation devrait retrouver des valeurs nettement positives. En 2021, l’inflation pourrait atteindre 1,3% contre 0,4% en 2020.
Le budget 2021 s'enfonce dans le rouge
Comme les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus continueront à se faire sentir l’année prochaine, la politique budgétaire sera toujours très accommodante en 2021. La clause dérogatoire à la règle du frein à l’endettement au niveau fédéral et aux règles budgétaires de l’UE restera activée. Fin novembre, la commission parlementaire du budget est parvenue à un accord avec l’exécutif sur un budget révisé pour 2021, prévoyant un nouvel endettement de EUR 180 mds (5,2 % du PIB), contre EUR 218 mds en 2020. Ce montant est nettement supérieur à celui présenté par Olaf Scholz, ministre des Finances, dans son projet de budget initial en septembre (EUR 96 mds). Les dépenses fédérales avoisineront EUR 500 mds, un montant comparable à celui de 2020.
Elles augmenteront de EUR 85 mds par rapport au projet initial pour couvrir les coûts supplémentaires liés au nouveau confinement et à la vaccination. Par contre, les recettes fiscales devraient être légèrement en hausse en raison du redressement de l’économie (EUR 293 mds contre EUR 265 en 2020). De nombreuses mesures sont mises en œuvre pour réduire la pression fiscale des ménages. Ainsi, dès 2021, une bonne partie des contribuables allemands ne paiera plus l’impôt de solidarité. Les allocations familiales seront, par ailleurs, augmentées : EUR 15 par mois et par enfant. La tranche de base non imposable sera relevée pour l’ensemble des ménages. L’une des grandes questions est de savoir quand le parlement réactivera le mécanisme de frein à l’endettement. Les élections législatives ayant lieu à l’automne 2021, ce sera au prochain parlement de décider.
Dépenses des ménages pendant la pandémie
Les mesures de confinement et les règles de distanciation sociale ont conduit à d’importantes pertes de revenu pour les ménages. Au T2 et au T3, les salaires et traitements nets ont baissé de 3,8 % et de 0,5 %, respectivement, soit une perte mensuelle moyenne par salarié d’environ EUR 130 au T2. Grâce à l’augmentation des dépenses de protection sociale, la variation annuelle du revenu disponible des ménages est ressortie à -0,8 % au T2 et à +0,7 % au T3.
Sur la même période, la consommation des ménages a fortement baissé en raison de la fermeture des magasins non essentiels, des bars, restaurants, etc. De plus, avec l’aggravation de l’incertitude sur les revenus, les consommateurs se sont montrés plus réticents à dépenser. Conséquence, le taux d’épargne a grimpé à 20,1 % en T2, un plus haut depuis le début de la série en 1991, pour revenir à 13,5 % au T3.
Ce dernier chiffre reste, cependant, bien supérieur à la moyenne de long terme (10,8 %). On s’attend à un rebond de la consommation et à un retour du taux d’épargne à des niveaux proches de cette moyenne de long terme une fois que la pandémie aura disparu et que la situation sera revenue à la normale. Le taux d’épargne pourrait même reculer bien en deçà de sa moyenne de long terme avec la réalisation des achats reportés par les consommateurs. En mai, la Bundesbank a effectué une enquête sur la manière dont la pandémie a affecté le budget des ménages. Il en est ressorti que plus de 40 %, en moyenne, des personnes interrogées1 ont accusé des pertes de revenu ou d’autres pertes financières du fait de la pandémie ou des mesures prises par les pouvoirs publics pour y faire face. Comme on pouvait s’y attendre, ce pourcentage est bien plus élevé chez les personnes présentes sur le marché du travail (46 %) que dans le reste de la population, principalement les retraités (28 %). Les panélistes sondés par la Bundesbank s’attendent à une baisse moyenne de leur revenu mensuel net de EUR64 sur les douze prochains mois.
Par rapport à la précédente enquête de mai 2019, les intentions de dépenses ont reculé sous l’effet des pertes de revenu et des anticipations de hausse de l’inflation.
Ce dernier facteur est d’autant plus surprenant que, dans la théorie économique classique, les dépenses en biens durables auraient tendance à augmenter en cas d’anticipation de hausse de l’inflation. La perte de revenu n’a eu qu’un impact limité sur la propension marginale à consommer. Sur la base de cette enquête relative aux anticipations des ménages, un autre groupe de chercheurs de la Bundesbank a étudié la manière dont ces derniers réagissent aux annonces de politiques publiques2.
Le panel a été divisé en quatre groupes, trois d’entre eux recevant des informations pertinentes sur les annonces réelles et le quatrième, des informations non pertinentes, soit un traitement dit « placebo ». Les trois mesures annoncées par les pouvoirs publics étaient expansionnistes et auraient dû conforter la confiance des ménages.
Or, l’étude a montré qu’elles n’ont pas eu un impact significatif sur les anticipations de revenu. Par ailleurs, les personnes ayant reçu des informations sur les plans de relance ont estimé que la croissance du PIB serait inférieure. Une raison possible est que les annonces politiques ont indiqué aux ménages que l’économie était plus affaiblie qu’ils ne le pensaient. Les chercheurs ont pu établir que les ménages ayant un accès limité au crédit ont été plus optimistes après avoir obtenu de nouveaux éléments sur les annonces faites par les pouvoirs publics. Probablement ces ménages étaient-ils déjà conscients des difficultés de l’économie.
Ils révisent donc plus volontiers à la hausse leurs anticipations après avoir reçu des annonces sur des politiques expansionnistes. En revanche, les ménages, dont l’accès au crédit n’est pas limité, se sont montrés plus pessimistes, donnant à penser que, dans leur cas, l’effet du « signal » l’a emporté. Il ne faudrait pas conclure, à partir de ces travaux de recherche, que les plans de relance n’ont pas d’incidence sur les dépenses des ménages. Par leur effet sur les anticipations d’emploi et de revenu, ils peuvent avoir un impact important une fois mis en œuvre. Le résumé de l’étude de la Bundesbank démontre essentiellement combien il est important de soigner la manière de présenter ces programmes pour éviter une réaction négative des ménages.