Eco Perspectives

L’impact structurel reste limité, mais il faudra tôt ou tard payer l’addition

12/16/2020
PDF

D’après nos prévisions, l’économie belge devrait se contracter de 7,2 % cette année, puis progresser de 3,8 % en 2021. Après une reprise dynamique au troisième trimestre, la consommation privée devrait de nouveau reculer à la fin de l’année, mais pas autant que lors du premier confinement. Jusqu’à présent, les dommages structurels semblent avoir été, en grande partie, évités : le taux des faillites se situe à un niveau proche de la normale et le taux de chômage est resté stable depuis le début de l’année. Les mesures de soutien adoptées par le gouvernement n’y sont certainement pas étrangères et une fois qu’elles auront expiré, elles laisseront apparaître des cicatrices de long terme.

CROISSANCE ET INFLATION (%)

À la fin du premier semestre 2020, le PIB réel trimestriel de la Belgique se situait à 15% en deçà du niveau du dernier trimestre 2019.

Les révisions à la hausse des comptes nationaux, pour le premier comme pour le deuxième trimestre, ont généré des perspectives plus optimistes, vraisemblablement confortées par un taux de croissance supérieur aux prévisions au troisième trimestre, s’inscrivant à 11,4% en glissement trimestriel.

Le tableau s’est néanmoins obscurci avec la recrudescence de nouveaux cas au début du quatrième trimestre et le renforcement consécutif des mesures de lutte contre la propagation du virus. Nous tablons sur un repli de l’activité économique au quatrième trimestre de cette année et on ignore encore si une récession technique pourra être évitée au début de 2021.

Chômage : tendance à la hausse

Le taux de chômage est resté stable autour de 5% depuis le début de l’année, ce qui est assez remarquable. Sur la même période, le taux de chômage moyen de l’UE a, en fait, augmenté de près d’un point de pourcentage et une tendance similaire a été observée dans les pays voisins. L’extension du plan de « chômage partiel » est, sans aucun doute, pour beaucoup dans cette performance notable du marché du travail en Belgique. En avril, période au cours de laquelle les mesures adoptées par le gouvernement pour lutter contre la pandémie ont été les plus restrictives, près de 1,2 million de personnes ont eu recours à ce plan. En septembre, ce chiffre est tombé en deçà de 200 000, un niveau qui reste encore deux fois plus élevé que la normale. Avec le deuxième confinement, imposé au début du mois de novembre, ce nombre devrait de nouveau augmenter : plus de la moitié de l’ensemble des sociétés envisage en effet de placer davantage de salariés en chômage partiel.

D’après nos prévisions, environ un demi million de travailleurs devrait en bénéficier vers la fin de l’année. À partir du deuxième trimestre 2021, ce nombre devrait de nouveau progressivement reculer. À ce moment-là, le taux de chômage réel repartira à la hausse avec l’expiration attendue des mesures de soutien du gouvernement. Dans l’ensemble, le taux de chômage devrait atteindre un pic bien supérieur à 7 % au début de 2022. Même si la perte de 140 000 emplois, selon les estimations, va entraîner d’importantes difficultés économiques, le taux de chômage se situera à un niveau comparable à celui de 2017. Cette année-là, à mi-chemin de la législature du gouvernement Michel-I, près de 160 000 emplois avaient été créés depuis la fin de 2014 et autant l’ont été dans les deux années qui ont suivi. Il sera peut-être difficile de retrouver un rythme aussi soutenu de créations d’emplois mais, du fait de la singularité de cette crise par à-coups, un rebond rapide n’est pas exclu.

Impact négatif sur les entreprises

Dans son enquête mensuelle, la Banque nationale de Belgique a étudié l’impact négatif de la crise sanitaire sur le chiffre d’affaires des entreprises. Les pertes de chiffre d’affaires ont culminé à plus de 30% pour l’économie dans son ensemble au mois d’avril, mais la situation s’est peu à peu améliorée pour revenir à moins de 15 % en août. Pour le mois de novembre, les entreprises s’attendent à une nouvelle détérioration avec le démarrage du deuxième confinement. Les secteurs les plus touchés sont ceux en contact avec la clientèle, comme l’événementiel, les services d’hôtellerie-restauration et le commerce non alimentaire.

C’est ce que confirment les données agrégées en temps réel sur les dépenses de consommation qui, au cours des deux premières semaines de novembre, ont enregistré un repli de 20% par rapport à la normale. Après avoir affiché une reprise presque complète et renoué avec les niveaux antérieurs à la crise au troisième trimestre, la consommation privée pourrait enregistrer un recul significatif dans les derniers mois de l’année. Pour autant, l’impact de ce deuxième confinement sera probablement moins sévère, les entreprises semblant à présent mieux à même d’affronter les mesures les plus strictes.

En novembre, le télétravail à plein temps a été rapidement réintroduit pour plus de 30% de l’ensemble des salariés. Ce taux, très proche de celui du premier confinement, est bien supérieur à celui de 9 %, indiqué pour le mois de septembre. De manière générale, les entreprises craignent une forte augmentation du risque de faillite. Comme le montrent les enquêtes, près de 10% d’entre elles pourraient avoir mis la clé sous la porte au second semestre 2021.

Les pertes de chiffre d’affaires et les paiements tardifs seraient les principales raisons à l’origine des problèmes de liquidité, l’insuffisance des lignes de crédit étant, jusqu’à présent, jugée moins grave. L’impact sur les plans d’investissement est significatif. Dans l’ensemble de l’économie, les entreprises prévoient de réduire leurs plans d’investissement, antérieurs à la crise du coronavirus, de plus de 20% pour 2020 et d’autant pour 2021. Au deuxième trimestre de cette année, cette tendance était déjà manifeste dans les comptes nationaux, les investissements des entreprises étant déjà inférieurs de 23% au niveau atteint à la fin de 2019. Les investissements ne devraient pas, selon nous, retrouver ce niveau avant la fin de 2022.

Vers une chute des recettes publiques

Le gouvernement De Croo, fraîchement arrivé au pouvoir, a annoncé de nouvelles dépenses de l’ordre de 1% du PIB mais sans donner plus de détails sur le côté recettes de l’équation. Une grande partie des recettes publiques nouvellement budgétées devrait provenir, selon ses prévisions, du redoublement des efforts déployés pour lutter contre la fraude sociale, ce qui ne semble pas vraiment réaliste. Pour 2020, nous tablons sur une chute des recettes de près de EUR 14 mds, en ligne avec la réduction du PIB. Les dépenses générales de l’administration centrale seront proches du niveau de l’année dernière, avec EUR 16 mds de dépenses supplémentaires liées à la crise Covid-19 à divers niveaux des administrations publiques.

En additionnant tout cela, nous aboutissons pour cette année à un déficit égal à 8,7% du PIB. Pour le moment, rien n’indique réellement que le déficit pourrait revenir en dessous de 5% du PIB avant la fin de la législature actuelle en 2024. Cette situation a naturellement un impact défavorable sur le niveau de la dette publique, qui nous situons, cette année, à 114% du PIB. Une étude récente réalisée par la Banque nationale de Belgique fait état d’une « limite supérieure sûre » de 120% du PIB pour la dette publique belge. Ce plafond est plus élevé que dans des pays comme la France, l’Italie et l’Espagne car les gouvernements belges ont toujours exprimé la volonté de mettre en œuvre une politique budgétaire de stabilisation face à l’accroissement de la dette. Il reste à savoir si le gouvernement actuel de centre-gauche, emmené par un dirigeant de centre-droit, s’engagera dans la même voie une fois que la crise sanitaire aura été enrayée.

THE ECONOMISTS WHO PARTICIPATED IN THIS ARTICLE

Other articles from the same publication

Global
Après une année éprouvante, un espoir prudent est de mise pour 2021

Après une année éprouvante, un espoir prudent est de mise pour 2021

Jusqu’au bout, 2020 aura été une année pour le moins difficile. À certains égards, un espoir prudent est néanmoins de rigueur en ce qui concerne l’économie en 2021 [...]

Read the article
United States
Changement de décor

Changement de décor

C’est peu dire que le mandat du 46e président des États-Unis, Joe Biden, s’annonce compliqué [...]

Read the article
China
Dosage subtil de la politique monétaire et de crédit

Dosage subtil de la politique monétaire et de crédit

Le rebond de l’activité depuis mars a été rapide et s’est étendu progressivement de l’industrie aux services [...]

Read the article
Japan
Normalisation très progressive de la situation économique

Normalisation très progressive de la situation économique

Comme partout, le Japon enregistrera une récession historique en 2020. Le chemin vers un rattrapage complet de l’activité perdue pourrait être plus long qu’ailleurs et la croissance devrait rester très modérée [...]

Read the article
Eurozone
Entre prudence et espoir

Entre prudence et espoir

Avec le rebond épidémique, le processus de rattrapage économique est enrayé en zone euro. La fin de l’année 2020 s’annonce plus difficile qu’attendu en raison des nouvelles restrictions sanitaires mises en place dans la plupart des États membres [...]

Read the article
Germany
Face à l’incertitude sur les revenus, l’épargne de précaution s’envole

Face à l’incertitude sur les revenus, l’épargne de précaution s’envole

Le deuxième confinement a interrompu une reprise économique qui s’essoufflait déjà. Le climat des affaires ne tardera cependant pas à s’améliorer, porté par les anticipations relatives à la disponibilité prochaine de plusieurs vaccins [...]

Read the article
France
De la lumière au bout du tunnel

De la lumière au bout du tunnel

Le choc récessif massif du S1 a été suivi d’un rebond tout aussi spectaculaire de l’activité économique au T3 (18,7% t/t) mais de courte durée [...]

Read the article
Italy
Aux prises avec la deuxième vague

Aux prises avec la deuxième vague

Après la chute impressionnante enregistrée au premier semestre 2020, l’économie italienne a rebondi durant l’été [...]

Read the article
Spain
Une relance budgétaire sous l’œil attentif de Bruxelles

Une relance budgétaire sous l’œil attentif de Bruxelles

Les prévisions du début d’année semblent se confirmer. L’Espagne devrait être le pays de la zone euro le plus touché économiquement par la crise de la Covid-19 [...]

Read the article
Austria
Les entreprises très fragilisées par la crise de la Covid-19

Les entreprises très fragilisées par la crise de la Covid-19

Le gouvernement autrichien a décrété un deuxième confinement en novembre dernier en raison de la forte résurgence des contaminations. Les indicateurs conjoncturels font état d’une chute de l’activité économique [...]

Read the article
Finland
Une économie résiliente, mais peu dynamique

Une économie résiliente, mais peu dynamique

Au deuxième trimestre, la Finlande s’est distinguée en Europe comme le pays ayant enregistré la plus faible baisse de son PIB, avec une chute de « seulement » 4,4% [...]

Read the article
Greece
Un redémarrage en 2021 plus lent qu’ailleurs ?

Un redémarrage en 2021 plus lent qu’ailleurs ?

La reprise de l’activité sera pavée d’incertitudes en 2021. Le tourisme, secteur très important de l’économie grecque, pourrait être impacté plus durablement que d’autres industries par la crise actuelle [...]

Read the article
United Kingdom
Une rechute en fin d’année, avant la reprise définitive ?

Une rechute en fin d’année, avant la reprise définitive ?

La baisse record du PIB du Royaume-Uni au deuxième trimestre a laissé place à un rebond lui aussi inédit au troisième, et l’arrivée prochaine d’un vaccin efficace contre la Covid-19 laisse penser que l’économie entrera dès 2021 dans sa phase de reprise définitive. Cependant, le Royaume-Uni n’est pas encore tiré d’affaire. Au regard de la réimposition d’un confinement généralisé durant le mois de novembre, il fait peu de doute que l’activité économique chutera de nouveau au dernier trimestre. De surcroît, l’intensité de la reprise est, du fait du Brexit, plus incertaine qu’ailleurs. Cela est dû non seulement au caractère inédit de la décision du Royaume-Uni de sortir du marché unique et de l’union douanière de l’UE, mais aussi aux incertitudes quant à la signature d’un accord de libre-échange. [...]

Read the article
Sweden
Une économie durement touchée

Une économie durement touchée

Depuis mars 2020, la Suède se distingue des autres pays européens par l’absence de confinement et connaît actuellement une reprise des infections [...]

Read the article
Norway
Une économie touchée, mais loin d’être coulée

Une économie touchée, mais loin d’être coulée

Par rapport à ses voisins européens, la Norvège a été relativement peu affectée par la pandémie de Covid-19. De plus, l’économie a pu compter sur les mesures de soutien considérables mises en place par les autorités fiscales et monétaires [...]

Read the article
Denmark
L’incertitude demeure

L’incertitude demeure

L’économie danoise s’est rapidement redressée après la réouverture des frontières mais un rattrapage complet prendra du temps puisque la recrudescence de l’épidémie de Coronavirus maintient la situation économique du pays dans l’incertitude [...]

Read the article