Avec le rebond épidémique, le processus de rattrapage économique est enrayé en zone euro. La fin de l’année 2020 s’annonce plus difficile qu’attendu en raison des nouvelles restrictions sanitaires mises en place dans la plupart des États membres. La production industrielle reste basse au regard de son niveau d’avant-crise et les entreprises des services marchands continuent d’être en première ligne face aux restrictions. Beaucoup d’incertitudes demeurent pour le 1er semestre 2021. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne a annoncé de nouvelles mesures de stimulus monétaire lors de sa réunion du 10 décembre tandis que le soutien budgétaire devrait se réduire progressivement.
Le choc de la deuxième vague de Covid-19 a enrayé le processus de rattrapage économique en zone euro mais a été moins fort qu’en mars-avril. Les nouvelles relatives au développement d’un vaccin sont encourageantes, les effets sur l’économie pouvant néanmoins prendre du temps.
Après environ un an de pandémie, où en est l'économie de la zone euro ?
La croissance économique de la zone euro a été particulièrement erratique en 2020, dépendant de l’évolution du nombre de contaminations. Quelle est la situation actuelle au regard de celle pré-pandémie ? Le rattrapage économique est incomplet.
En d’autres termes, la 2e vague de Covid-19 a freiné la dynamique économique et la zone euro reste économiquement affaiblie. Depuis les mois de mars et avril, marqués par une chute brutale de la demande et de l’offre, la situation se normalise toutefois. L’ensemble des indicateurs conjoncturels relatifs aux secteurs d’activité, à la production ou à la consommation privée, remontent vers leurs niveaux d’avant-crise (cf. graphique 2).
La 2e vague de Covid, qui a touché la plupart des États membres de la zone euro, a été moins forte que la 1ère car elle a moins affecté la capacité d’offre de l’économie (les écoles sont par exemple en grande partie restées ouvertes, ce qui a permis aux parents de continuer de travailler).
Bien qu’imparfaitement représentatives de la consommation finale des ménages, les ventes au détail ont de leur côté fortement rebondi et dépassent même aujourd’hui leur niveau de fin 2019. Au-delà de l’effet de rebond mécanique de la demande (pent up demand), les mesures de soutien budgétaire ont également permis de limiter la perte de pouvoir d’achats des ménages.
La production manufacturière reste à l’inverse en deçà de son niveau d’avant-crise, reflétant notamment la faiblesse de l’investissement des entreprises. Toutefois, l’activité manufacturière résiste bien ces derniers mois, comme en témoigne l’indice des directeurs d’achats (PMI1) du secteur qui s’est installé au-dessus du seuil de 50 depuis le mois de juillet.
À l’inverse, l’activité dans les services demeure dégradée, le PMI du secteur étant repassé nettement au-dessus de 50 en novembre (41,7 après 46,9 en octobre). Ces dynamiques témoignent de l’impact asymétrique de cette crise en fonction de la spécialisation sectorielle des États membres.
Au total, l’économie de la zone euro n’est pas tirée d’affaires et nous anticipons une nouvelle baisse du PIB de la zone euro au 4e trimestre 2020. Sur l’ensemble de l’année, la croissance s’établirait à -7,5% avant un rebond de +5,6% en 2021, puis une nouvelle décélération de l’activité en 2022 (+3,9%). C’est seulement à cet horizon que le niveau du PIB de la zone repasserait au-dessus de son niveau d’avant-crise.
Cela masque des disparités importantes entre les États membres de la zone euro, et laisse craindre une accentuation des divergences en son sein. L’Allemagne devrait par exemple rattraper son niveau d’activité pré-crise bien avant l’Espagne. Par ailleurs, les nouvelles entourant la distribution d’un vaccin sont encourageantes. Compte tenu du temps nécessaire pour immuniser une partie suffisante de la population et des incertitudes relatives à l’acceptation du vaccin, l’impact économique de ce dernier pourrait être plus long à se matérialiser.
Pas de normalisation monétaire à attendre
Le choc désinflationniste de l’épidémie continue d’inquiéter les autorités monétaires. L’inflation en zone euro s’est établie en novembre 2020 en territoire négatif pour le 4e mois consécutif (-0,3% en g.a.), tandis que la composante sous-jacente, i.e. corrigée des produits dont les prix sont les plus volatils, reste positive mais à un niveau historiquement faible (+0,2%). L’atonie de l’inflation s’observe notamment dans les services relatifs au tourisme, qui sont en première ligne face aux restrictions sanitaires prises à l’échelle mondiale.
Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (BCE) a pris de nouvelles mesures lors de sa réunion du 10 décembre, comme cela avait déjà été clairement pré-annoncé. En particulier, l’enveloppe du PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) a été augmentée de EUR 500 mds et son horizon étendu au moins jusqu’à fin mars 2022.
La distribution d’un vaccin ne devrait par ailleurs pas précipiter un resserrement de la politique monétaire, la BCE demeurant prudente quant aux conditions de financement des États membres (cf. graphique 3).
Des signaux importants au regard de la conduite future de la politique monétaire pourraient émerger à l’horizon du milieu de l’année 2021, date à laquelle la BCE prévoit la fin de sa revue stratégique.
Cette revue, qui fait suite à celle déjà conduite par la Réserve fédérale américaine (Fed), devrait concerner essentiellement la cible d’inflation et des changements potentiels d’instruments monétaires en vue d’atteindre cette cible. La BCE pourrait modifier le narratif en insistant davantage sur l’emploi et sur le caractère symétrique de la cible d’inflation à moyen terme. Ainsi, la BCE se montrerait, à l’image de la Fed, plus encline à accepter une inflation supérieure à 2% sans resserrement de sa politique. Cela introduirait un nouveau biais monétaire accommodant.
Quel soutien monétaire peut-on attendre en 2021 ?
La relation entre la politique budgétaire et la politique monétaire pourrait être l’une des thématiques de la revue stratégique de la BCE. Les gouvernements des États membres de la zone euro ont bénéficié de la suspension des règles budgétaires européennes et ont donc pu absorber une partie importante du choc en 2020. Mesurée par la variation du solde public structurel primaire2 , l’impulsion budgétaire a été très importante cette année, bien que son ampleur varie selon les États.
Au niveau agrégé, sur base des dernières estimations de la Commission européenne (dont les dernières informations disponibles s’arrêtent au 5 novembre), l’impulsion budgétaire de la zone euro a été de l’ordre de 3,5 points de PIB potentiel. Cette intervention massive était nécessaire compte tenu de l’ampleur du choc et permet de limiter la perte de revenus des ménages et les faillites d’entreprises. En 2021, le soutien des administrations publiques se réduirait sensiblement et serait plus ou moins neutre au niveau agrégé en zone euro (cf. graphique 4). Avec le redémarrage attendu de la croissance et la réouverture espérée de l’ensemble des commerces, les dispositifs d’activité partielle devraient par exemple être progressivement retirés.
Les questions du resserrement de la politique budgétaire et de la stabilisation du ratio de dette publique sur PIB reviendront sûrement rapidement au centre des discussions. Néanmoins, même si l’économie de la zone euro accélère sa phase de normalisation en 2021 et au-delà, elle reste pour l’heure encore affaiblie, et un retrait trop rapide du soutien budgétaire pourrait être contre-productif.
Par ailleurs, au moins à court terme, le maintien de conditions de financement favorables limite les risques de refinancement de la dette publique. En tout état de cause et avec les informations dont nous disposons aujourd’hui, en cumulé sur la période 2020-2022, la politique budgétaire en zone euro serait expansionniste (l’impulsion cumulée serait de l’ordre de 2,5% de PIB potentiel). Le fonds de relance européen (Next Generation EU) devrait soutenir les politiques nationales à compter de l’année prochaine. L’accent mis sur l’investissement devrait avoir un effet multiplicateur plus fort sur l’activité à moyen terme.