Eco Emerging

Résistance mais sans croissance

16/10/2019

Forte décélération de la croissance au S1 2019

Au premier semestre 2019, la croissance économique a fortement ralenti à 0,7% en glissement annuel (g.a.) alors qu’elle s’établissait à 2% au S1 2018. Cette décélération résulte de la baisse des demandes intérieure et extérieure. Les exportations se sont contractées (reflet de la baisse de la demande mondiale et de l’adoption des nouveaux quotas de production de pétrole dans le cadre des accords avec l’OPEP), la consommation des ménages a fortement ralenti suite à la hausse de deux points de la TVA au 1er janvier dernier et les investissements ont décéléré. Les programmes d’investissements publics annoncés pour l’année 2019 ont été retardés et n’avaient toujours pas été mis en œuvre au mois d’août. Par ailleurs, l’environnement monétaire n’était pas favorable à une hausse des investissements privés. Néanmoins, la baisse des taux d’intérêt depuis le mois de juin devrait inverser cette tendance.

La Banque centrale russe (CBR) a en effet procédé à trois baisses de taux de 25 points de base chacune (pb) entre juin et septembre. Cette détente a été favorisée par une hausse des prix moins élevée qu’anticipé par les autorités monétaires et proche de la cible de 4% (la hausse des prix a été de 4,3% en g.a. en août). Fin juillet, cet assouplissement monétaire avait été répercuté à plus de 80% sur les taux des crédits aux entreprises.

Pour autant, les perspectives de croissance restent moroses. La banque centrale les a, une nouvelle fois, révisées à la baisse pour 2019, 2020 et 2021. Elle ne prévoit une accélération de la croissance entre 2% et 3% en 2022 que si le gouvernement parvient à lever une partie des contraintes structurelles qui pèsent sur la croissance (en augmentant notamment les dépenses dans l’éducation, la santé et les infrastructures comme le prévoit le programme de dépenses nationales de mai 2018).

Hausse des prêts bancaires aux ménages à surveiller

Prévisions

La consolidation du secteur bancaire se poursuit mais le ralentissement économique pourrait peser sur la qualité des actifs. Par ailleurs, la forte croissance des crédits aux ménages constitue une nouvelle source de risque même si la banque centrale a encore durci ses règles prudentielles au 1er octobre.

L’assainissement du secteur bancaire par les autorités monétaires s’est poursuivi au cours des douze derniers mois. En septembre 2019, le nombre d’institutions bancaires s’élevait à 454 contre 1344 en 2000.

La hausse des prix proche de la cible

La qualité des actifs bancaires s’est améliorée depuis la mi-2018, même si elle reste fragile. En juillet 2019, les créances douteuses représentaient 9,9% des prêts et la part des actifs risqués (prêts non performants et restructurés) a baissé à 17,9% contre 19,1% un an plus tôt. Cette consolidation reflète, d’une part, le désendettement des entreprises non financières et, d’autre part, le transfert des actifs risqués des trois banques privées (Otkritie, B&N and Promsvyazbank) à une structure de défaisance (Trust Bank), dans le cadre de leur plan de « sauvetage » mis en place par la banque centrale. Dans le même temps, le ratio de solvabilité s’est légèrement amélioré pour atteindre 12,3% en juillet.

La dollarisation du secteur bancaire a encore diminué. En juillet 2019, 20% des prêts et 25% des dépôts étaient libellés en devises contre respectivement 35% et 42% en 2015. De plus, fin mars 2019, la position extérieure de l’ensemble des banques restait largement créditrice, les actifs externes couvrant 1,5 fois les engagements externes. La dette extérieure des banques, en baisse de 61,5% par rapport à 2014, ne représentait plus que 4,9% du PIB au T2 2019 et les remboursements à l’horizon mars 2020 se limitent à USD 18,1 mds.

La profitabilité du secteur s’est redressée avec une hausse de 50% des profits en août 2019 en g.a. Les rendements sur fonds propres (ROE) et sur actifs (ROA) s’élevaient respectivement à 17,3% et 1,9% en juillet 2019 (contre 6,8% et 0,8% un an plus tôt).

Néanmoins, même si, globalement, le secteur bancaire est plus solide qu’il y a un an, la forte hausse des prêts aux ménages constitue une nouvelle source d’inquiétude. Ces derniers ont affiché une croissance de 21,9% en g.a. en juillet 2019, soit un rythme bien supérieur à celui des salaires (+9% en g.a.). En outre, les taux d’intérêt sur les prêts aux ménages restent élevés (13% sur les prêts à plus d’un an en juillet 2019) et, contrairement aux taux appliqués aux entreprises, ils n’ont baissé que de 17pb depuis le début de l’année.

A ce jour, la dette des ménages n’a augmenté que de 3 points de pourcentage pour s’élever à 16,3% du PIB au T2 2019 et, selon la banque centrale, le ratio de dette rapportée au revenu est modéré à 25% fin 2018. La part des crédits aux ménages dans le portefeuille bancaire reste modeste (26% des prêts totaux) et le ratio des créances douteuses était contenu à 5% fin juillet. La situation est néanmoins à surveiller en particulier pour les crédits non garantis par un collatéral (50,4% des prêts aux ménages) dont le ratio de créances douteuses s’élevait à 8,4%. Pour inciter les banques à réduire ce type de prêts aux ménages, la banque centrale a augmenté à quatre reprises depuis le 1er mars 2017 la pondération des crédits sans garantie dans le calcul de leurs actifs à risque. Par ailleurs, depuis le 1er octobre 2019, une pondération supplémentaire sera introduite pour les prêts dont le service de la dette excède 50% du revenu.

Le congrès américain a durci ses sanctions

Baisse de la dollarisation dans le secteur bancaire

Le 2 août dernier, le gouvernement américain a adopté de nouvelles sanctions à l’égard de la Russie en application de la loi sur le contrôle des armes chimiques et biologiques de 1991 (Chemical and biological weapons control and warfare elimination act), mais elles devraient avoir peu d’effets. La principale mesure porte en effet sur l’interdiction pour les banques américaines de participer à l’émission d’obligations en devises de l’Etat russe et d’accorder des prêts en devises à tout organisme public. Ces nouvelles sanctions ne portent donc pas sur les obligations souveraines libellées en roubles (OFZ) et n’interdisent pas aux banques américaines d’acheter sur le marché secondaire des obligations en devises.

En septembre 2019, le stock d’Eurobonds détenus par les investisseurs étrangers s’élevait à seulement USD 22,5 mds (11,5% des obligations russes, i.e. 1,4% du PIB) et l’ensemble de la dette extérieure publique s’élevait à seulement USD 49 mds, soit 11,7% des réserves de change. Par ailleurs, sur l’ensemble de l’année 2019, le gouvernement n’a émis que USD 5,5 mds et EUR 750 millions d’Eurobonds. Il n’a eu aucune difficulté à placer ses obligations moyennant des rendements offerts élevés (5,1% pour les obligations émises en dollar à maturité 2035). En outre, même si de nouvelles sanctions à l’égard de l’Etat russe pourraient être adoptées, le gouvernement a les capacités d’y faire face au regard du faible niveau de sa dette (14,6% du PIB) et des besoins de financement modestes (l’équivalent de 0,8% du PIB par an en moyenne sur les cinq prochaines années).

Baisse de la vulnérabilité à l’environnement extérieur

La position extérieure de la Russie s’est consolidée grâce à l’accumulation des réserves de change (USD 423,1 mds fin septembre 2019, en hausse de USD 39 mds sur un an), la baisse de la dette extérieure (29,5% du PIB au T2 2019 contre 41% en 2016) et le découplage partiel entre le prix du pétrole et le cours de change du rouble. La position extérieure s’élevait à USD 370 mds au T1 2019 soit l’équivalent de 22% du PIB.

Les remboursements de dette pour les douze prochains mois (estimés à USD 50 mds selon la banque centrale) devraient être couverts grâce à l’excédent du compte courant, qui a atteint USD 91 mds en rythme annualisé au S1 2019 et devrait rester solide bien qu’en baisse par rapport à 2018.

La hausse des réserves de change devrait se poursuivre sous l’impulsion, d’une part, du surplus du compte courant et, d’autre part, des achats de devises par la banque centrale pour le compte du ministère des finances. Sur les huit premier mois de l’année, ils ont atteint USD 32,8 mds.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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