L’économie japonaise est prise entre plusieurs feux. La croissance a amorcé une phase de ralentissement vers son niveau potentiel. Le Japon peut se targuer d’une situation de plein-emploi, de la bonne santé de ses entreprises et d’une réduction de son ratio de dette publique. Dans le même temps, l’inflation s’éloigne de plus en plus de la cible de 2% et les salaires réels se contractent, ce qui pèse sur la consommation. La politique commerciale américaine reste un facteur de risque et les problèmes structurels, liés à la faiblesse de la demande domestique et à l’offre contrainte sur le marché du travail, demeurent. Enfin, les taux d’intérêt longs remontent nettement, notamment en raison de l’expansionnisme de la politique budgétaire, et l’affaiblissement de la devise se poursuit
Aujourd’hui, nous plongeons dans les finances publiques des économies émergentes en 2025, à travers une analyse exclusive de notre dernier numéro EcoPerspectives consacré aux économies émergentes. Entre croissance solide mais ralentie, endettement public croissant et marges de manœuvre budgétaires réduites, quels sont les défis et les leviers pour ces pays ?
Entre 2013 et 2018, la croissance de la productivité en Inde a été forte (multiplication par 1,3, une hausse similaire à celle observée au Vietnam, légèrement inférieure à la Chine, mais supérieure à l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande). Mais à partir de 2019, la productivité a stagné en Inde, alors qu’elle a continué d’augmenter dans les autres pays (hormis les Philippines). Cette évolution est d’autant plus inquiétante que le niveau de revenu par tête est encore faible (le PIB par tête en PPA était 2,4 fois inférieur à celui de la Chine en 2024) et le taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes (15,6% en 2024 selon les données officielles). Sans une augmentation rapide de la productivité, l’Inde pourrait rester un pays à « revenu intermédiaire ».
La baisse du ratio de dette publique sur PIB devrait ralentir. La dette publique se stabiliserait à la fin de la décennie.
Après un début d’année solide, la croissance économique chinoise a ralenti progressivement. Grâce à une réorientation rapide, les exportations ont bien résisté au choc tarifaire américain. Elles constituent le principal moteur de l’activité, alors que la demande intérieure reste obstinément fragile. Les autorités ont lancé une campagne « anti-involution », mais il est également urgent d’ajuster la politique de la demande pour relancer la consommation et l’investissement intérieur, à un moment où les exportations pourraient commencer à s’essouffler. Malgré la dégradation des finances publiques des dernières années, le gouvernement central et les collectivités locales conservent une certaine marge de manœuvre pour agir.
La croissance économique indienne a surpris à la hausse entre avril et juin 2025 (+7,8% en g.a.). Mais l’activité est moins dynamique qu’il n’y paraît et les risques baissiers sur la croissance sont élevés. La consommation des ménages reste molle. Pour soutenir la demande intérieure et compenser l’impact de la hausse des tarifs douaniers américains sur l’activité, le gouvernement a annoncé une baisse des taux de TVA, alors même que ses marges de manœuvre budgétaires sont limitées. La Banque centrale devrait continuer à être prudente dans son assouplissement monétaire car les pressions à la baisse sur la roupie restent fortes
L’Indonésie est moins exposée aux conséquences de la hausse des tarifs douaniers américains que les autres pays de l’ASEAN, mais les risques baissiers sont importants. Pour soutenir la croissance, les autorités ont multiplié les mesures de soutien à l’économie. La Banque centrale a réduit ses taux directeurs, davantage que dans les autres pays asiatiques, et le nouveau ministre des Finances a annoncé un relèvement des dépenses sociales. La dette publique reste contenue mais elle est financée principalement sur les marchés obligataires, en particulier par les investisseurs étrangers qui s’inquiètent d’un dérapage budgétaire sous l’administration Prabowo
L’enquête Tankan rapporte une amélioration du sentiment des grandes entreprises manufacturières japonaises au T3, y compris dans l’automobile. En septembre, le PMI des services est stable à un haut niveau (53), tandis que le PMI manufacturier enregistre un plus bas en 5 mois du fait de la première contraction des embauches depuis novembre 2024 et du recul de la production.
Après avoir accéléré au S1, grâce aux programmes de subventions publiques visant le remplacement des biens de consommation, la demande des ménages chinois a ralenti. Les ventes au détail ont augmenté de 3,7% en volume en g.a. en juillet-août contre plus de 5% au S1 2025. Sur le marché immobilier, la contraction des volumes de transactions s’est aggravée (-11% en g.a. en août). La confiance des ménages reste par ailleurs en berne.
L’économie japonaise montre un certain dynamisme depuis un peu plus d’un an. Mais, cette performance devrait s’étioler au second semestre du fait, notamment, du durcissement de la politique commerciale américaine. Le marché du travail reste tendu et l’inflation continue d’excéder la cible des 2%. Prise entre plusieurs feux — une conjoncture qui pourrait marquer des signes d’affaiblissement et une nette remontée des taux longs sur fond d’inquiétudes budgétaires — la Banque du Japon (BoJ) fait preuve d’une extrême prudence en remontant son taux directeur très progressivement.
Au premier semestre de 2025 (S1 2025) et d’après les estimations du site Carbon Monitor, la Chine aurait réduit ses émissions de dioxyde de carbone (CO2) de l’ordre de 3% par rapport à la même période de l’année précédente. Pour bienvenue qu’elle soit concernant le premier pourvoyeur de CO2 (30% des émissions annuelles mondiales), la nouvelle n’est pas surprenante, eu égard à la baisse de régime constatée dans le secteur de l’énergie. Sur ce même premier semestre de 2025, la hausse de la production d’électricité est tombée à 2,3% sur un an, ce qui est peu selon les standards chinois. Historiquement bien corrélée aux émissions, elle explique largement le chiffre précité.
Depuis le début de l’année, la croissance économique chinoise se révèle plus solide que prévu. Les exportations ont résisté aux attaques tarifaires de Washington et la consommation des ménages s’est redressée grâce aux programmes de relance du gouvernement. Cependant, d’importantes ombres viennent ternir le tableau et devraient freiner la croissance au second semestre. D’une part, les tensions commerciales avec les États-Unis restent fortes et la guerre technologique se poursuit, même si Pékin et Washington se sont entendus pour prolonger leur trêve jusqu’en novembre. D’autre part, les problèmes structurels internes demeurent (crise du secteur immobilier, fragilités du marché du travail, confiance en berne dans le secteur privé, déflation)
En dépit d’une croissance robuste entre avril et juin 2025 (probablement surestimée), le gouvernement multiplie les mesures de soutien à l’économie indienne. Le « conseil de la taxe sur les biens et services », qui se réunira les 3 et 4 septembre, devrait valider la baisse des taux de TVA. Cette mesure permettrait de contrecarrer les effets de la hausse des tarifs douaniers américains sans pour autant fragiliser les finances du gouvernement central.
Contrairement à ce que l’on craignait fin 2024-début 2025, les exportations de marchandises des pays émergents ont bien résisté sur la première partie l’année. Les pays d’Asie affichent les meilleures performances et les pays latino-américains tirent leur épingle du jeu. En revanche, les pays d’Europe centrale apparaissent sinon comme les perdants du moins comme les plus vulnérables aux transformations du commerce mondial depuis la crise du Covid. Pour une large majorité de pays, l’opinion en juin des industriels sur leurs carnets de commande à venir laissent anticiper une baisse ou un ralentissement des exportations dans les prochains mois.
Au T2, l’enquête Tankan sur le climat des affaires est stable au niveau agrégé (15) pour le secteur manufacturier (7) et non manufacturier (21), malgré la problématique des tarifs douaniers américains.
L’indice PMI officiel du secteur manufacturier reste en zone de contraction depuis avril. L’indice est toutefois remonté de 49 à 49,5 en mai et 49,7 en juin, à la suite de l’accord de trêve conclu entre Washington et Pékin. La croissance des ventes au détail a de nouveau augmenté en mai, encouragée par les subventions publiques. En revanche, la contraction des ventes de logements s’est poursuivie et la confiance des ménages reste fragile.
Alors que, depuis 2021, les flux d’IDE vers l’Asie du Sud-Est dépassent, en moyenne, ceux enregistrés sur la période 2016-2019, ils ont baissé en Inde. Rapportés au PIB, les flux nets d’IDE entrants n’ont atteint, en 2024, que 0,7% du PIB indien. Cette baisse est d’autant plus surprenante que, selon l’UNCTAD, les annonces de nouveaux projets d’investissements greenfield dans le pays sont en forte hausse depuis 2022.
Le choc protectionniste imposé par les États-Unis entrainera de nouveaux ajustements dans les chaines de production et le commerce mondial. Les pays émergents (hors Chine) pourront-ils une nouvelle fois en bénéficier, alors même que la concurrence des produits chinois s’intensifie sur leur marché intérieur ? Pourront-ils gagner des parts de marché aux États-Unis, ou même en Chine ? Leur serait-il possible de réduire leur dépendance à l’une ou l’autre des deux superpuissances ?
La très forte hausse des droits de douane appliqués par les États-Unis aux biens importés de Chine constitue un choc négatif important pour les exportations et la croissance chinoises. Cependant, Pékin s’y est préparé et l’impact du choc sera partiellement compensé par les effets de sa stratégie de réponse. À court terme, cette stratégie consiste à rediriger les exportations vers d’autres marchés, poursuivre l’assouplissement monétaire et budgétaire et renforcer la consommation privée. Le redéploiement des exportations a commencé mais pourrait rapidement se heurter à de nouvelles barrières protectionnistes. En interne, le défi sera de redonner confiance aux ménages alors que le marché de l’emploi souffrira du ralentissement du secteur manufacturier.
La croissance de l’Inde ralentit. La consommation des ménages est molle, pénalisée par une faible progression des salaires réels et une hausse de la charge de la dette, et les investissements privés sont faibles. Au vu de son faible degré d’ouverture, l’Inde sera peu affectée par la hausse des tarifs douaniers américains, mais ne devrait pas être épargnée. Ses marges pour négocier avec l’administration Trump sont limitées. Toutefois, son marché intérieur est vaste et permet une diversification de la production en Asie. Pour tirer profit de la guerre commerciale sino-américaine, l’Inde devra rapidement palier les contraintes structurelles qui pèsent sur le développement de son industrie
La croissance économique de la Thaïlande est restée solide au T1 2025 mais les risques baissiers sont élevés. La Thaïlande est l’un des pays d’Asie à avoir le plus bénéficié des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine mais les effets du nouveau durcissement de la politique commerciale américaine pourraient être plus douloureux. Ses produits pourraient être davantage taxés que ceux de ses concurrents sur le marché américain alors que l’afflux de biens chinois pourrait augmenter sensiblement. Toutefois, elle pourrait aussi bénéficier de nouveaux investissements d’entreprises étrangères souhaitant poursuivre la diversification de leurs chaînes de production. Elle présente de nombreux atouts par rapport à certains pays voisins.
D’après l’enquête JibunBank du mois de mai, le PMI composite est passé en zone de contraction, à 49,8. La légère hausse du PMI manufacturier, toujours en zone de contraction à 49,0, ne suffit pas à compenser le recul marqué du PMI services (50,8).
L’indice PMI officiel du secteur manufacturier s’est légèrement amélioré en mai (à 49,5 contre 49 en avril) mais il est resté en zone de contraction. Le PMI manufacturier de Caixin a quant à lui fortement chuté, passant de 50,4 en avril à 48,3 en mai (plus bas depuis sept. 2022).
Les services tirent le climat des affaires vers le haut. La croissance de l’activité reprend en avril selon le PMI composite (51,1, +2,2pp), soutenue par le PMI services (52,2, +2,2pp). En revanche, le PMI manufacturier reste en zone de contraction (48,5, +0,1pp), pénalisé par la plus importante détérioration des nouvelles commandes depuis février 2024.
Dégradation généralisée. L’indice officiel des directeurs d’achats (PMI) du secteur manufacturier est tombé à 49 en avril (contre 50,5 en mars) et le PMI de Caixin à 50,4 (51,2 en mars). La baisse est généralisée à toutes les sous-composantes et annonce un important ralentissement de l’activité après le rebond du mois de mars. Il s’agit là des conséquences immédiates des nouveaux droits de douane de 145% imposés par les États-Unis sur leurs importations de produits chinois.
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