Le ralentissement de la croissance de la Chine et la mise en œuvre de sa stratégie industrielle auront des conséquences importantes sur le reste du monde, variables selon les pays et les canaux de transmission. Pour les pays émergents, l'effet global ne sera pas nécessairement négatif, notamment grâce aux flux d'investissements directs, qui pourraient bien changer la donne. Nous en discutons avec Christine Peltier.
Les enquêtes d’activité sont négatives au mois d’octobre. L’enquête préliminaire de la Jibun Bank fait état d’un recul du PMI manufacturier à 49,0 (-0,7pp). La baisse est plus marquée pour l’activité dans le secteur des services, le PMI associé perdant 3,8pp à 49,3, en zone de contraction pour la première fois depuis juin. D’après l’enquête trimestrielle Tankan de la Banque du Japon (BoJ), le climat des affaires s’est, au global, légèrement amélioré au T3, mais il est demeuré stable pour les grandes entreprises manufacturières. Nous anticipons une baisse de la croissance à +0,3% t/t au T3 (-0,4pp par rapport au T2 2024), sous l’effet de la dissipation du rebond technique qui l’avait portée au trimestre précédent.
Au T3 2024, la croissance économique chinoise a accéléré à +0,9% en rythme trimestriel (t/t), après sa mauvaise performance du trimestre précédent (+0,5% t/t). Elle s’est établie à +4,6% en glissement annuel (g.a.), en très légère baisse par rapport au T2, et a atteint +4,8% en g.a. sur les trois premiers trimestres de 2024. Pour atteindre la cible de croissance de « 5% environ » fixée pour 2024, l’activité devra très fortement rebondir au dernier trimestre de l’année. Ceci requiert la mise en œuvre rapide des mesures de relance budgétaire annoncées par les autorités depuis la dernière semaine de septembre
En Chine, les données d’activité des dernières semaines ont été assez mauvaises pour avoir sur les autorités l’effet d’un électrochoc. Alors que le soutien à la demande intérieure était resté obstinément prudent depuis plusieurs mois, les annonces de nouvelles mesures d’assouplissement monétaire puis de relance budgétaire se sont succédé pendant la dernière semaine de septembre. Ce changement d’orientation permet de réduire, sans les éliminer, les risques baissiers sur la croissance à court terme. Si le plan d’expansion budgétaire, dont le contenu exact reste à préciser, est rapidement mis en œuvre, la cible de croissance de « 5% environ » fixée par Pékin pour 2024 pourrait être atteinte.
La Banque du Japon poursuit son entreprise de resserrement monétaire de façon incrémentale et précautionneuse, avec une seule hausse de taux directeur au troisième trimestre, qui doit précéder un nouveau mouvement attendu en décembre, alors que la décision de juillet n’a pas été sans contribuer à une forte volatilité sur les marchés financiers. Dans le même temps, l’économie récupère d’un début d’année mouvementé et l’inflation se maintient au-dessus de la cible de 2%. Enfin, le pays a changé de Premier ministre et de nouvelles élections législatives anticipées sont désormais prévues pour le 27 octobre.
La croissance australienne subit une indiscutable baisse de régime, à mettre en relation avec le prolongement pour les ménages des contraintes liées à la hausse des prix et des taux d’intérêt, ainsi qu’avec le ralentissement de la demande en provenance de ses partenaires commerciaux asiatiques. La rigidité de l’inflation constitue pour l’heure un obstacle à l’initiation d’une détente des taux. Par ailleurs, l’afflux migratoire supporte un marché du travail toujours dynamique.
La banque centrale indonésienne a procédé à une baisse inattendue de ses taux de politique monétaire le 18 septembre (-25pbs). Cet assouplissement a été largement motivé par le renforcement de la roupie face au dollar enregistré depuis le mois d’août (+6,4%).
Les indicateurs conjoncturels pour le mois d’août 2024 attestent une nouvelle fois du manque de vigueur de la croissance économique chinoise. L’objectif de croissance de « 5% environ » fixé par Pékin pour 2024 ne pourra être atteint que grâce à une plus forte impulsion donnée par les mesures d’assouplissement monétaire et d’expansion budgétaire.
La croissance des pays émergents a plutôt bien résisté jusqu’au printemps 2024, en partie grâce à l’assouplissement de leurs politiques monétaires depuis la mi-2023. Celui imminent des États-Unis devrait permettre de la prolonger voire la renforcer. Dans l’hypothèse la plus probable d’un soft landing de l’économie américaine, le principal risque pour les économies émergentes est un ralentissement de l’économie chinoise plus fort qu’attendu. Le marasme du secteur de l’immobilier se diffuse au travers de la baisse des prix des matières premières. D’un côté, la plupart des pays émergents y gagneront en désinflation. Mais, de l’autre, les pays exportateurs de matières premières dont la Chine est le principal client vont en pâtir
Le secteur exportateur chinois a bien résisté à la montée des tensions commerciales et des rivalités technologiques avec les États-Unis depuis 2018. L'industrie chinoise a montré une solide capacité d'adaptation en réponse à la montée des barrières douanières. Elle conserve sa place de leader dans le commerce mondial.
Après un rebond à +1,5% en rythme trimestriel au T1 2024, la croissance économique chinoise a ralenti à +0,7% t/t. Elle s’est établie à +5% en glissement annuel sur la première moitié de l’année. L’objectif de croissance de « 5% environ » fixé par Pékin pour 2024 reste atteignable.
La croissance économique nippone devrait bénéficier d’un rebond technique au 2e trimestre : nous attendons +0,5% t/t après la contraction du T1 (révisée à la baisse à -0,7% t/t). Les perspectives demeurent négatives – notamment pour la demande, en dépit des baisses d’impôts introduites en juin – alors que la dépense de consommation des ménages s’est contractée de -1,8% a/a en mai. Par ailleurs, si l’augmentation des salaires (hors bonus) atteint en mai un record depuis 1993 (+2,5% a/a), signe de la transmission croissante de la hausse des salaires négociés (+5,1% a/a selon le syndicat Rengo), les revenus réels ne progressent toujours pas (-1,4% a/a).
En Chine, l’activité du secteur manufacturier reste dynamique, mais la montée des tensions avec la plupart de ses partenaires commerciaux et la multiplication des mesures protectionnistes pèsent dorénavant sur les perspectives d’exportations. Dans le même temps, la demande intérieure reste bridée par la crise du secteur immobilier et la croissance du crédit ralentit malgré les mesures d’assouplissement monétaire. Les autorités devraient donc encore assouplir, de manière prudente, leur politique économique à court terme. Les difficultés financières des collectivités locales et, plus généralement, la dégradation des finances publiques ont réduit la marge de manœuvre budgétaire. Le gouvernement central est contraint à prendre un rôle plus direct dans les mesures de soutien.
La croissance économique indienne a atteint 8,2% pour l’année budgétaire 2023/2024. Mais une telle performance n’a pas permis au BJP, le parti au pouvoir de Narendra Modi, de conserver la majorité au parlement. Au cours des cinq prochaines années, le BJP devra composer avec les petits partis partenaires de la coalition qu’il conduit pour diriger le pays. L’adoption de nouvelles réformes pour libéraliser davantage l’économie pourrait être difficile. Par ailleurs, le Premier ministre pourrait avoir à modifier la structure des dépenses budgétaires afin d’accroître de nouveau la part des subventions et autres transferts sociaux, en baisse depuis cinq ans
Le nouveau président taiwanais Lai Ching-te a pris ses fonctions le 20 mai dernier. Il devrait poursuivre l’agenda de politique intérieure et de politique étrangère de sa prédécesseuse, dans un climat plus tendu. D’une part, Pékin pourrait accroître ses manœuvres militaires autour de l’île. D’autre part, le Parlement est désormais dominé par les partis d’opposition, qui devraient ralentir ou bloquer de nombreux projets du gouvernement. Au moins la nouvelle administration pourra-t-elle compter sur une conjoncture économique favorable pour entamer son mandat. La croissance accélère depuis un an, tirée par le rebond du cycle électronique mondial
En Chine, l’activité du secteur manufacturier reste dynamique, notamment portée par la croissance vigoureuse des exportations de biens à forte valeur ajoutée. Cependant, les gains de parts de marché des entreprises chinoises, aidées par les subventions publiques, ont aggravé les tensions avec la plupart de ses partenaires commerciaux. La multiplication des mesures protectionnistes pèse dorénavant sur les perspectives d’exportation. Dans le même temps, la demande intérieure reste plombée par la crise sans fin du secteur immobilier et les mesures d’assouplissement monétaire ne parviennent pas à relancer l’activité de crédit. Les autorités devraient donc encore assouplir, de manière prudente, leur politique économique au cours des prochains mois.
Alors que la croissance trimestrielle et l’inflation sont attendues en hausse au second trimestre, la Banque du Japon avance prudemment après avoir décidé, en mars, de la fin des taux d’intérêt négatifs. Ainsi, un nouveau plan relatif au rythme d’achat d’obligations sera présenté en juillet, tandis que nous anticipons une seule hausse de taux supplémentaire cette année, probablement en septembre. Par ailleurs, la devise nationale continue de se détériorer, ce qui a amené les autorités à intervenir sur le marché des changes et nourrit les craintes d’inflation importée.
Les données d’activité du mois de mai soulignent, une nouvelle fois, des dynamiques assez variées des différentes composantes de la croissance économique chinoise. La performance d’ensemble est toujours un peu terne et annonce un ralentissement de l’activité au T2 2024 par rapport au trimestre précédent.
Pour l’année budgétaire 2023/2024 qui s’est achevée fin mars 2024, la croissance de l’Inde a atteint 8,2%, le rythme le plus élevé parmi les pays d’Asie. Au cours des vingt dernières années, la croissance a été de 6,3% par an en moyenne. Pourtant, malgré cette performance, le PIB par tête de l’Inde reste faible. Par ailleurs, les inégalités de revenus ont augmenté et le taux de chômage est élevé (en particulier chez les jeunes), et ce, en dépit de la hausse du niveau d’éducation. On peut expliquer les faibles niveaux de revenu et d’emploi par la structure de l’emploi, lequel reste concentré dans l’agriculture, un secteur à faible valeur ajoutée
L’économie japonaise a, conformément à nos attentes, fait l’objet d’une contraction du PIB de -0,5% q/q au premier trimestre 2024. Celle-ci est à mettre en relation avec les perturbations liées au séisme du 1er janvier sur la péninsule de Noto et à la fermeture temporaire de centres de production automobile sur fond de scandale de sécurité. Les composantes du PIB suggèrent par ailleurs une faiblesse généralisée de l’économie, avec, au premier chef, une quatrième contraction consécutive de la consommation des ménages qui constitue le premier moteur de la baisse du PIB. Par ailleurs, la publication s’est accompagnée d’une révision de la croissance du T4 2023 à +0,0% q/q (contre +0,1% précédemment)
La dynamique de l’économie chinoise reste caractérisée par des divergences sectorielles et par la morosité de la demande intérieure privée. Comme l’illustre notre graphique ci-dessous, l’activité dans le secteur manufacturier a gagné en vigueur sur la période février-avril 2024 par rapport aux trois mois précédents, alors que l’activité dans le secteur des services ne s’est pas renforcée.
Depuis l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en décembre 2001, le déficit bilatéral de l’Union européenne avec le pays est passé de EUR 39 mds à EUR 294 mds en 2023 (données Eurostat). C’est de loin la dégradation la plus importante enregistrée par le Vieux Continent avec un partenaire commercial, même si, dans son ensemble, la balance commerciale de l’UE avec le reste du monde est repassée en excédent en 2023.
Au premier trimestre 2024, l’économie chinoise a affiché une croissance plus solide qu’attendu et largement tirée par le secteur manufacturier exportateur. Dans un contexte d’atonie de la demande intérieure et de rivalités stratégiques, notamment avec les États-Unis, Pékin développe encore davantage sa politique industrielle pour soutenir la croissance économique et renforcer la « sécurité nationale ». La priorité est donnée aux secteurs de haute technologie et de la transition énergétique. Très largement soutenus par les pouvoirs publics, ces secteurs montent en gamme, augmentent leurs capacités de production, baissent les prix de vente et gagnent des parts de marché à l’exportation
Les politiques de réformes engagées depuis l’arrivée de Narendra Modi au pouvoir en 2014 devraient se poursuivre avec sa très probable réélection en juin prochain. Son bilan économique est globalement positif. La croissance a été solide, le secteur bancaire s’est consolidé, le taux d’investissement a fortement augmenté et les déficiences en matière d’infrastructures ont diminué. Pour autant, les défis structurels auxquels le pays est confronté restent nombreux et importants. Le PIB par tête reste très inférieur à celui enregistré dans les autres pays d’Asie (Chine, Vietnam, Indonésie), le secteur manufacturier peine à se développer et le pays ne parvient pas à créer suffisamment d’emplois pour intégrer les jeunes, dont le taux de chômage reste très élevé.
Subianto Prabowo deviendra le nouveau président indonésien le 20 octobre prochain. Il héritera d’une économie solide caractérisée par une croissance robuste et stable (5,1% en moyenne au cours des dix dernières années hors période de Covid-19), un déficit budgétaire et une dette publique maîtrisés, des comptes extérieurs solides. Pour autant, les défis qui attendent le nouveau président sont importants. Dès la prochaine décennie, l’avantage démographique du pays va commencer à s’estomper. Il lui faudra accélérer le rythme d’adoption des réformes pour parvenir à augmenter sensiblement le niveau d’emploi des jeunes et des femmes et attirer davantage les investissements directs étrangers. Sans cela, l’Indonésie deviendra un pays « vieux » avant de parvenir à être un pays à « haut revenu ».