La croissance des pays émergents a plutôt bien résisté jusqu’au printemps 2024, en partie grâce à l’assouplissement de leurs politiques monétaires depuis la mi-2023. Celui imminent des États-Unis devrait permettre de la prolonger voire la renforcer. Dans l’hypothèse la plus probable d’un soft landing de l’économie américaine, le principal risque pour les économies émergentes est un ralentissement de l’économie chinoise plus fort qu’attendu. Le marasme du secteur de l’immobilier se diffuse au travers de la baisse des prix des matières premières. D’un côté, la plupart des pays émergents y gagneront en désinflation. Mais, de l’autre, les pays exportateurs de matières premières dont la Chine est le principal client vont en pâtir
Le secteur exportateur chinois a bien résisté à la montée des tensions commerciales et des rivalités technologiques avec les États-Unis depuis 2018. L'industrie chinoise a montré une solide capacité d'adaptation en réponse à la montée des barrières douanières. Elle conserve sa place de leader dans le commerce mondial.
Après un rebond à +1,5% en rythme trimestriel au T1 2024, la croissance économique chinoise a ralenti à +0,7% t/t. Elle s’est établie à +5% en glissement annuel sur la première moitié de l’année. L’objectif de croissance de « 5% environ » fixé par Pékin pour 2024 reste atteignable.
La croissance économique nippone devrait bénéficier d’un rebond technique au 2e trimestre : nous attendons +0,5% t/t après la contraction du T1 (révisée à la baisse à -0,7% t/t). Les perspectives demeurent négatives – notamment pour la demande, en dépit des baisses d’impôts introduites en juin – alors que la dépense de consommation des ménages s’est contractée de -1,8% a/a en mai. Par ailleurs, si l’augmentation des salaires (hors bonus) atteint en mai un record depuis 1993 (+2,5% a/a), signe de la transmission croissante de la hausse des salaires négociés (+5,1% a/a selon le syndicat Rengo), les revenus réels ne progressent toujours pas (-1,4% a/a).
En Chine, l’activité du secteur manufacturier reste dynamique, mais la montée des tensions avec la plupart de ses partenaires commerciaux et la multiplication des mesures protectionnistes pèsent dorénavant sur les perspectives d’exportations. Dans le même temps, la demande intérieure reste bridée par la crise du secteur immobilier et la croissance du crédit ralentit malgré les mesures d’assouplissement monétaire. Les autorités devraient donc encore assouplir, de manière prudente, leur politique économique à court terme. Les difficultés financières des collectivités locales et, plus généralement, la dégradation des finances publiques ont réduit la marge de manœuvre budgétaire. Le gouvernement central est contraint à prendre un rôle plus direct dans les mesures de soutien.
La croissance économique indienne a atteint 8,2% pour l’année budgétaire 2023/2024. Mais une telle performance n’a pas permis au BJP, le parti au pouvoir de Narendra Modi, de conserver la majorité au parlement. Au cours des cinq prochaines années, le BJP devra composer avec les petits partis partenaires de la coalition qu’il conduit pour diriger le pays. L’adoption de nouvelles réformes pour libéraliser davantage l’économie pourrait être difficile. Par ailleurs, le Premier ministre pourrait avoir à modifier la structure des dépenses budgétaires afin d’accroître de nouveau la part des subventions et autres transferts sociaux, en baisse depuis cinq ans
Le nouveau président taiwanais Lai Ching-te a pris ses fonctions le 20 mai dernier. Il devrait poursuivre l’agenda de politique intérieure et de politique étrangère de sa prédécesseuse, dans un climat plus tendu. D’une part, Pékin pourrait accroître ses manœuvres militaires autour de l’île. D’autre part, le Parlement est désormais dominé par les partis d’opposition, qui devraient ralentir ou bloquer de nombreux projets du gouvernement. Au moins la nouvelle administration pourra-t-elle compter sur une conjoncture économique favorable pour entamer son mandat. La croissance accélère depuis un an, tirée par le rebond du cycle électronique mondial
En Chine, l’activité du secteur manufacturier reste dynamique, notamment portée par la croissance vigoureuse des exportations de biens à forte valeur ajoutée. Cependant, les gains de parts de marché des entreprises chinoises, aidées par les subventions publiques, ont aggravé les tensions avec la plupart de ses partenaires commerciaux. La multiplication des mesures protectionnistes pèse dorénavant sur les perspectives d’exportation. Dans le même temps, la demande intérieure reste plombée par la crise sans fin du secteur immobilier et les mesures d’assouplissement monétaire ne parviennent pas à relancer l’activité de crédit. Les autorités devraient donc encore assouplir, de manière prudente, leur politique économique au cours des prochains mois.
Alors que la croissance trimestrielle et l’inflation sont attendues en hausse au second trimestre, la Banque du Japon avance prudemment après avoir décidé, en mars, de la fin des taux d’intérêt négatifs. Ainsi, un nouveau plan relatif au rythme d’achat d’obligations sera présenté en juillet, tandis que nous anticipons une seule hausse de taux supplémentaire cette année, probablement en septembre. Par ailleurs, la devise nationale continue de se détériorer, ce qui a amené les autorités à intervenir sur le marché des changes et nourrit les craintes d’inflation importée.
Les données d’activité du mois de mai soulignent, une nouvelle fois, des dynamiques assez variées des différentes composantes de la croissance économique chinoise. La performance d’ensemble est toujours un peu terne et annonce un ralentissement de l’activité au T2 2024 par rapport au trimestre précédent.
Pour l’année budgétaire 2023/2024 qui s’est achevée fin mars 2024, la croissance de l’Inde a atteint 8,2%, le rythme le plus élevé parmi les pays d’Asie. Au cours des vingt dernières années, la croissance a été de 6,3% par an en moyenne. Pourtant, malgré cette performance, le PIB par tête de l’Inde reste faible. Par ailleurs, les inégalités de revenus ont augmenté et le taux de chômage est élevé (en particulier chez les jeunes), et ce, en dépit de la hausse du niveau d’éducation. On peut expliquer les faibles niveaux de revenu et d’emploi par la structure de l’emploi, lequel reste concentré dans l’agriculture, un secteur à faible valeur ajoutée
L’économie japonaise a, conformément à nos attentes, fait l’objet d’une contraction du PIB de -0,5% q/q au premier trimestre 2024. Celle-ci est à mettre en relation avec les perturbations liées au séisme du 1er janvier sur la péninsule de Noto et à la fermeture temporaire de centres de production automobile sur fond de scandale de sécurité. Les composantes du PIB suggèrent par ailleurs une faiblesse généralisée de l’économie, avec, au premier chef, une quatrième contraction consécutive de la consommation des ménages qui constitue le premier moteur de la baisse du PIB. Par ailleurs, la publication s’est accompagnée d’une révision de la croissance du T4 2023 à +0,0% q/q (contre +0,1% précédemment)
La dynamique de l’économie chinoise reste caractérisée par des divergences sectorielles et par la morosité de la demande intérieure privée. Comme l’illustre notre graphique ci-dessous, l’activité dans le secteur manufacturier a gagné en vigueur sur la période février-avril 2024 par rapport aux trois mois précédents, alors que l’activité dans le secteur des services ne s’est pas renforcée.
Depuis l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en décembre 2001, le déficit bilatéral de l’Union européenne avec le pays est passé de EUR 39 mds à EUR 294 mds en 2023 (données Eurostat). C’est de loin la dégradation la plus importante enregistrée par le Vieux Continent avec un partenaire commercial, même si, dans son ensemble, la balance commerciale de l’UE avec le reste du monde est repassée en excédent en 2023.
Au premier trimestre 2024, l’économie chinoise a affiché une croissance plus solide qu’attendu et largement tirée par le secteur manufacturier exportateur. Dans un contexte d’atonie de la demande intérieure et de rivalités stratégiques, notamment avec les États-Unis, Pékin développe encore davantage sa politique industrielle pour soutenir la croissance économique et renforcer la « sécurité nationale ». La priorité est donnée aux secteurs de haute technologie et de la transition énergétique. Très largement soutenus par les pouvoirs publics, ces secteurs montent en gamme, augmentent leurs capacités de production, baissent les prix de vente et gagnent des parts de marché à l’exportation
Les politiques de réformes engagées depuis l’arrivée de Narendra Modi au pouvoir en 2014 devraient se poursuivre avec sa très probable réélection en juin prochain. Son bilan économique est globalement positif. La croissance a été solide, le secteur bancaire s’est consolidé, le taux d’investissement a fortement augmenté et les déficiences en matière d’infrastructures ont diminué. Pour autant, les défis structurels auxquels le pays est confronté restent nombreux et importants. Le PIB par tête reste très inférieur à celui enregistré dans les autres pays d’Asie (Chine, Vietnam, Indonésie), le secteur manufacturier peine à se développer et le pays ne parvient pas à créer suffisamment d’emplois pour intégrer les jeunes, dont le taux de chômage reste très élevé.
Subianto Prabowo deviendra le nouveau président indonésien le 20 octobre prochain. Il héritera d’une économie solide caractérisée par une croissance robuste et stable (5,1% en moyenne au cours des dix dernières années hors période de Covid-19), un déficit budgétaire et une dette publique maîtrisés, des comptes extérieurs solides. Pour autant, les défis qui attendent le nouveau président sont importants. Dès la prochaine décennie, l’avantage démographique du pays va commencer à s’estomper. Il lui faudra accélérer le rythme d’adoption des réformes pour parvenir à augmenter sensiblement le niveau d’emploi des jeunes et des femmes et attirer davantage les investissements directs étrangers. Sans cela, l’Indonésie deviendra un pays « vieux » avant de parvenir à être un pays à « haut revenu ».
Le 15 mai 2024, Lee Hsien Loong, Premier ministre de Singapour depuis vingt ans, cédera les rênes du pouvoir à son actuel vice-Premier ministre Lawrence Wong. Ce changement ne devrait altérer ni la gestion très disciplinée des politiques monétaire et budgétaire, ni la stratégie de développement économique du gouvernement, qui vise, en particulier, à adapter le pays au changement climatique et à rehausser son potentiel de croissance. En 2024, l’activité économique devrait se renforcer modérément, notamment grâce à une amélioration du cycle électronique mondial ; les tensions inflationnistes devraient continuer de se réduire, mais elles resteront à un niveau historiquement élevé. Dans ce contexte, les autorités devraient maintenir inchangées les conditions de politique monétaire cette année
Les tensions à la baisse sur les monnaies d’Asie se sont légèrement accentuées la semaine dernière dans un climat géopolitique et monétaire devenu moins favorable. La crainte d’une hausse des prix internationaux du pétrole en raison du conflit au Moyen-Orient d’une part, et le changement de ton de la Réserve fédérale américaine d’autre part, expliquent les récentes tensions. Mais la roupie indienne a, jusqu’à présent, mieux résisté que les autres monnaies d’Asie.
La croissance économique chinoise a légèrement accéléré au T1 2024. Elle s’est établie à +1,6% en rythme trimestriel (contre +1,2% au T4 2022) et à +5,3% en glissement annuel (contre +5,2% au trimestre précédent). Pour soutenir l’activité en 2024, les autorités ont opté pour un renforcement de la politique industrielle et le maintien d’une politique de la demande prudente. C’est d’ailleurs le secteur manufacturier exportateur qui a affiché la performance la plus solide au cours des derniers mois.
Dans un contexte d’atonie de la demande intérieure et de rivalités stratégiques, notamment avec les États-Unis, le gouvernement chinois développe encore davantage sa politique industrielle pour soutenir la croissance économique et renforcer la « sécurité nationale ». La priorité est donnée aux secteurs de haute technologie et de la transition énergétique. Très largement soutenus par les pouvoirs publics, ces secteurs montent en gamme, augmentent leurs capacités de production, baissent les prix de vente et gagnent des parts de marché à l’exportation. La déferlante de produits de technologie verte devrait amener à de nouvelles confrontations commerciales dans les prochains mois.
La Banque du Japon a pris la décision, certes attendue mais historique, de mettre un terme à sa politique caractéristique de taux d’intérêt négatifs, sur fond de hausse du niveau général des prix se situant de façon durable à des standards presque inédits. La normalisation monétaire sera toutefois un processus incrémental, la faiblesse actuelle de l’activité, illustrée par un taux de croissance négatif attendu au premier trimestre 2024 et de faibles attentes pour l’ensemble de l’année, ne permettant pas de resserrement significatif.
Le mois de mars a vu une amélioration de l’activité au Japon, selon l’enquête Jibun Bank PMI. Tant l’indice manufacturier (48,2, +1,0pp), grâce à une hausse généralisée des principales sous-composantes, que l’indice non-manufacturier (54,9, +1,3pp) se sont redressés, permettant à l’indice Composite d’atteindre un plus haut depuis août 2023 (52,3, +1,7pp).
Les indicateurs économiques pour les deux premiers mois de 2024 attestent d’une légère amélioration de l’activité, principalement tirée par le secteur manufacturier exportateur. La croissance de la production industrielle a atteint +7% en g.a. en volume en janvier-février 2024 contre +6% au T4 2023, et l’investissement manufacturier s’est également légèrement renforcé. Il s’est accru de +9,4% en g.a. en valeur sur les deux premiers mois, après +6,5% sur l’ensemble de 2023.
Le Japon est entré en récession technique au second semestre 2023. En effet, la première estimation du PIB au T4 fait état d’une modeste contraction de -0,1% t/t faisant suite à un recul plus important de -0,8% t/t au trimestre précédent. Fait plus symbolique, le Japon a perdu son statut de troisième économie mondiale (en PIB nominal) au profit de l’Allemagne. Néanmoins, la vigueur de l’activité au premier semestre 2023 avait doté l’économie japonaise d’un acquis de croissance notable, permettant au taux de croissance annuel moyen de s’élever à +1,9% pour l’année (contre +0,9% en 2022).