Pauvre en graisses, riche en fibres, réservant une large place aux fruits et aux légumes : en matière de santé, les vertus du régime méditerranéen ne sont plus à démontrer ; mais qu’en est-il en économie ? Depuis une dizaine d’années, les pays de l’Union économique et monétaire (UEM) formant l’arc méditerranéen (France, Italie, Espagne, Grèce) s’astreignent à un régime similaire, consistant à redresser leur compétitivité. Passage sur la balance dans notre graphique de la semaine.
Transformation grecque Au début des années 2010, la crise de l’euro révélait au grand jour les failles de l’UEM. Un empilement de dettes, principalement dues par les pays du Sud à ceux du Nord, menaçait alors de s’effondrer, faute d’ajustements de parités ou de transferts budgétaires possibles. Comme souvent en périodes troublées, les difficultés furent surmontées grâce au renforcement de la gouvernance : création d’un Mécanisme européen de stabilité, rachats de titres à grande échelle par la Banque centrale européenne (quantitative easing), etc. Quant à la correction des déséquilibres internes, elle est allée au-delà des cures plus ou moins sévère d’austérité qui se sont imposées aux États ; elle est aussi passée par une conversion des pays « décrocheurs » à la politique dite de l’offre : flexibilisation du marché du travail, maîtrise des coûts, simplifications administratives, soutien à l’innovation.
Évolution des coûts salariaux unitaires par rapport à l'Allemagne (2012-2024)
Pour quels résultats ? Ici, les écarts de compétitivité-prix s’apprécient au regard du mètre-étalon allemand et sont retracés par les coûts unitaires du travail, soit le rapport entre les salaires et charges horaires (principalement les cotisations sociales employeurs) et la productivité horaire. Le premier constat, qui vaut aussi confirmation, est que la Grèce a fourni un énorme effort. La chute de ses coûts unitaires par rapport à ceux de l’Allemagne (cf. graphique ) fait mieux que corriger les dérives du passé : elle remet l’économie hellénique dans une position concurrentielle favorable, la meilleure qu’elle ait connue depuis son intégration à l’UEM[1] .
La France améliore son score La sévérité de la cure grecque peut se mesurer au frein mis sur les salaires horaires et les charges attenantes, dont le recul atteint 18% en termes réels depuis 2012. Si aucun pays d’Europe n’est allé aussi loin en termes de modération salariale, beaucoup ont redressé leur compétitivité de manière similaire, l’Allemagne conservant ou augmentant son avantage en termes de productivité. C’est donc essentiellement par la maîtrise des coûts du travail que l’Italie, l’Espagne, dans une moindre mesure le Portugal, ont enregistré des progrès.
Quant à la France, elle n’a pas été absente du mouvement. Fin 2012, le rapport « Gallois » alertait sur les multiples signes de son décrochage : poids des charges attachées à l’emploi, pertes accélérées de parts de marché, déficit commercial récurrent, désindustrialisation. S’ensuivit une inflexion de la politique gouvernementale en faveur des entreprises, qui s’est ensuite prolongée. Résultat, au baromètre de la compétitivité intra-européenne, l’économie française est parmi celles qui améliore significativement son score (la hausse de ses coûts salariaux unitaires est de 18 points de pourcentage inférieure à celle de l’Allemagne depuis 2012). À l’heure où l’état des finances publiques interroge et où les conditions du commerce mondial se durcissent, il y a là un facteur de résilience à souligner.