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Jusqu’où peuvent-ils monter ? Une perspective à plus long terme sur les taux longs centrée sur les États-Unis

03/09/2025
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Après une longue baisse des taux longs réels dans les économies avancées, la tendance observée ces dernières années est à la hausse. La perspective d’une augmentation des besoins de financement des secteurs privé et public suscite l’inquiétude que ce mouvement ne soit pas terminé. Les recherches empiriques montrent que la dynamique à long terme des taux longs est principalement déterminée par la croissance économique, les facteurs démographiques (espérance de vie, croissance de la population en âge de travailler) et les besoins de financement (dette publique, pensions). Les deux premiers facteurs devraient continuer à exercer une tension baissière, tandis que la tension haussière devrait provenir des énormes besoins de financement. Les estimations empiriques de la relation entre les taux longs et les besoins d’emprunt attendus indiquent un impact qui, dans l’ensemble, devrait être plutôt limité. En outre, les marchés intègrent déjà au moins une partie de cet impact dans leurs prix. Mais il n’y a pas de place pour la complaisance. Pour les gouvernements, toute hausse durable des taux à long terme implique un effort structurel plus important d’amélioration du solde primaire dans les pays où le ratio de la dette publique par rapport au PIB est en hausse. En outre, compte tenu de l’incertitude qui entoure les prévisions à long terme, les marchés n’intègrent peut-être pas pleinement les risques de hausse des taux longs dans leurs prix. Pour conclure, les taux longs réels ont augmenté ces dernières années, mais ce mouvement n’est probablement pas terminé. Dans cette optique, il est essentiel de tester sa résilience face aux chocs de taux d’intérêt positifs.

Introduction : les taux d’intérêt, une variable économique clé

L’augmentation des besoins de financement et leur impact potentiel sur les taux d’intérêt sont devenus un point d’attention majeur, pour ne pas dire une inquiétude. Aux États-Unis, le secrétaire du Trésor, Scott Bessent, insiste sur le fait que l’administration Trump « se concentre sur la prévention d’une crise financière qui pourrait résulter des dépenses gouvernementales massives des dernières années ».[1] Au Royaume-Uni, le responsable du bureau de gestion de la dette a annoncé qu’il arbitrerait en faveur de l’emprunt à plus court terme compte tenu de la baisse de la demande institutionnelle en gilts à longue échéance. Les dernières perspectives économiques mondiales du FMI présentent une prévision de référence à moyen terme pour le taux d’intérêt à long terme réel mondial, c’est-à-dire le rendement moyen à 10 ans pondéré du PIB des pays du G7. La moyenne de 2027 à 2030 devrait dépasser de 50 points de base celle de 2024 (1,3 % contre 0,8 %) et de 30 points de base la moyenne de 2007 à 2016, qui était de 1,0 %.

Le risque de taux d’intérêt plus élevés est important pour l’économie dans son ensemble en raison du coût et de l’accès au financement, de l’impact sur les valorisations des actifs, de la valeur des garanties de prêt, de la propension au risque des investisseurs, etc. Une bonne compréhension des facteurs déterminants des taux d’intérêt devrait permettre aux ménages, aux entreprises, aux investisseurs, aux banques centrales et aux départements du Trésor de formuler des attentes sur les rendements des investissements et sur le coût du financement et, par extension, de nombreuses autres variables économiques (croissance, inflation, cours des actifs, etc.). Cet article tente d’éclairer les perspectives à plus long terme des taux longs. L’accent sera mis sur les États-Unis, compte tenu des recherches empiriques disponibles et du rôle central des taux d’intérêt américains dans l’économie mondiale.

La sémantique des taux d’intérêt

Analyser les taux d’intérêt est comme éplucher un oignon. En supprimant les couches successives, nous arrivons finalement au cœur, qui est le taux d’intérêt d’équilibre. Le concept d’un taux d’équilibre a été introduit en 1889 par l’économiste suédois Knut Wicksell, qui analysait une économie sans système bancaire dans laquelle l’épargne disponible correspondait à la demande selon un taux d’intérêt (le taux naturel) égal au rendement du capital et dans laquelle les prix étaient stables. Au fil du temps, le financement des économies par le biais des banques et des marchés de capitaux a considérablement évolué. En outre, l’objectif de politique économique de stabilité des prix a été remplacé par celui de stabiliser l’inflation à un niveau suffisamment bas (ciblage de l’inflation par les banques centrales). Cela a créé une certaine ambiguïté sur la signification du taux naturel. Holston, Laubach et Williams (2017) définissent le taux d’intérêt naturel comme « le taux court réel correspondant à une production égale à son taux naturel et à une inflation constante ».[2] En revanche, le FMI définit le taux naturel comme le taux de rendement des investissements à long terme en équilibre entre l’épargne et les investissements souhaités.[3] Maurice Obstfeld (2025)[4] fait la distinction entre le taux naturel - « le taux d’intérêt réel qui prévaut dans un équilibre à long terme où les rigidités des prix ne sont plus pertinentes et où d’autres ajustements économiques attendus ont eu lieu [5] » - et le taux neutre, qui est « le taux officiel réel qui élimine les tensions inflationnistes ou déflationnistes ». Bien que les deux taux soient corrélés positivement au fil du temps, ils ne sont pas nécessairement les mêmes.

Le taux naturel et le taux neutre sont souvent utilisés de manière interchangeable, mais dans la suite de ce texte, une distinction sera faite entre les deux. Le taux neutre est un taux d’intérêt réel avec une orientation plus courte qui sert comme référence pour la politique monétaire. L’ajout d’une couche d’inflation cible nous donne le taux neutre nominal. Le taux directeur nominal observé peut être plus élevé ou plus bas, cela dépend du niveau d’inflation par rapport à son objectif et de la posture de la politique monétaire. L’ajout d’une prime de terme normale au taux neutre nominal nous donne le taux naturel, qui correspond à un équilibre de longue durée.[6] La prime de terme est le rendement supplémentaire que demandent les investisseurs pour détenir une obligation plus longue plutôt que d’investir dans une série de titres à courte durée. C’est une récompense pour l’exposition au risque de duration, c’est-à-dire de l’incertitude sur l’évolution des taux courts. Nous verrons plus tard que cette prime fluctue dans le temps. Enfin, il existe une prime de risque de crédit, qui reflète le risque de défaut de l’émetteur. Elle ne sera pas abordée dans le reste du texte, l’accent étant mis sur les émetteurs souverains de haute qualité.

Le taux d’intérêt neutre comme ancrage des taux longs réels

Le taux d’intérêt neutre (souvent appelé r*) ne peut pas être observé directement, il faut donc s’appuyer sur des techniques économétriques pour en produire une estimation. Dans ces modèles, qui s’inspirent principalement du travail fondateur de Laubach et Williams (2003)[7], l’inflation est déterminée par l’écart de production, qui est à son tour une fonction de l’orientation de la politique monétaire, c’est-à-dire la différence entre le taux court réel et le taux d’intérêt neutre réel (inobservable). Cette dernière dépend du taux de croissance tendancielle réel de l’économie et d’autres facteurs, qui ne sont pas spécifiés. Il existe différents modèles et les résultats peuvent considérablement varier. Aux États-Unis, les estimations récentes de la Réserve fédérale oscillent entre 1 et 2 %. Dans la zone euro, les estimations du taux neutre réel vont de -0,5 % à 0,5 % et vont de 1,75 % à 2,25 % pour le taux nominal.[8] De plus, pour un modèle donné, l’incertitude sur les estimations est très importante « parce que les relations estimées entre les taux d’intérêt et l’écart de production, et l’écart de production et l’inflation, sont toutes deux relativement faibles.»[9] Par conséquent, il est très difficile d’utiliser le taux neutre pour appréhender les perspectives de politique monétaire, et ce point a été soulevé à de nombreuses reprises par les responsables des banques centrales.

Lorsque nous évaluons les perspectives des taux d’intérêt à long terme, nous pouvons supposer que l’économie est en équilibre (la politique monétaire est neutre), ce qui nous permet de nous concentrer sur ce qui pourrait entraîner une hausse ou une baisse durable du taux neutre. Cela peut être plus facile que d’estimer le niveau exact du taux neutre actuel.

Dans le modèle original de Laubach-Williams, le taux neutre dépend du taux de croissance tendanciel réel de l’économie et d’« autres » facteurs, qui forment une composante résiduelle qui n’est pas détaillée. Concernant le premier, le Bureau du budget du Congrès américain prévoit une baisse du taux de croissance réel du PIB potentiel, passé de 2,4 % sur la période de 1995-2024 à 2,0 % pour 2025 à 2035 et 1,6 % pour 2036 à 2045. Ce serait dû à un ralentissement de la croissance démographique et de la productivité du travail.[10] Cela devrait peser sur le taux neutre aux États-Unis.

Plusieurs auteurs se sont concentrés sur des variables spécifiques, mettant en lumière les « autres » déterminants du modèle de Laubach-Williams. Hakkio et Smith (2017) de la Banque de la Réserve fédérale de Kansas City estiment que les primes obligataires – la prime de terme et la prime de risque des obligations d’entreprise - « sont un déterminant important du taux réel naturel et conduisent à des estimations très cycliques », selon lesquelles une réduction (augmentation) des primes obligataires est associée à une augmentation (baisse) du taux neutre.[11] La corrélation négative entre les primes obligataires et le taux neutre implique que les chocs sur les premières seraient dans une certaine mesure contrebalancés par des évolutions du taux dans la direction opposée. Cela devrait réduire l’amplitude des fluctuations cycliques des taux d’intérêt.

Szoke et al. (2025) ont analysé l’influence du rendement d’opportunité (mesuré comme l’écart entre le rendement des obligations d’entreprises sûres (Aaa) et le rendement des bons du Trésor à 10 ans) sur le taux neutre.[12] Une hausse du rendement d’opportunité, par exemple en raison d’une augmentation persistante de la demande d’actifs liquides et sûrs, peut faire passer l’épargne des actifs privés aux titres d’État, réduisant ainsi les investissements des entreprises et mettant le taux neutre sous tension.[13] Leurs estimations suggèrent qu’aux États-Unis « au cours des cinq dernières décennies, les variations du taux d’intérêt naturel sont expliquées par les variations du taux de croissance de la production potentielle et par la tendance du rendement d’opportunité des titres gouvernementaux ». Par ailleurs, l’incertitude autour des estimations du taux neutre est beaucoup plus faible en tenant compte du rendement d’opportunité. Depuis le début des années 1990, le rendement d’opportunité affiche un comportement de retour à la moyenne, ses fluctuations étant fortement corrélées au niveau du taux des fonds fédéraux.[14] Au cours du dernier cycle de resserrement, il s’est retrouvé à l’extrémité inférieure de la fourchette historique et depuis que la Fed a commencé à baisser son taux directeur, le rendement d’opportunité a augmenté, atteignant le 43e percentile de la distribution historique depuis 1983.

La prime de terme : plus simple en théorie qu’en pratique

Lors de l’analyse de l’évolution des taux longs, il est nécessaire de décomposer les rendements souverains dans la trajectoire attendue des taux courts nominaux (qui sont étroitement liés à l’évolution des taux d’intérêt officiels) et d’une prime de terme (schéma 1). Cette décomposition est nécessaire en raison de l’échec empirique de la théorie des anticipations sur la structure par terme des taux d'intérêt.[15] Les recherches montrent que les fluctuations de la prime de terme sont la force dominante des fluctuations des taux d’intérêt à terme, surtout pour les horizons longs.[16] La prise en compte des perspectives d’inflation permet de déterminer la trajectoire attendue des taux courts réels, qui peut être comparée à une estimation du taux neutre.

SCHÉMA 1 : DÉCOMPOSITION DES RENDEMENTS DES OBLIGATIONS D’ÉTAT

La prime de terme dépend essentiellement du risque perçu des titres à plus longue durée et de l’évolution de la demande et de l’offre des instruments de créance. Le premier facteur concerne le risque d’évolutions inattendues des taux réels et le risque d’inflation, c’est-à-dire le risque que l’inflation n’évolue pas de la manière attendue. Les « autres facteurs » dans le schéma 1, font référence aux considérations de liquidité, règlementation, les préférences des investisseurs en matière d’investissements, caractéristiques de valeur refuge (fuite vers la qualité), réactions excessives ou insuffisantes des marchés obligataires à l’actualité, etc.[17]

La prime de terme n’est pas directement observable et différentes méthodes sont utilisées pour en produire une estimation : des modèles économétriques basés exclusivement sur des données de taux d’intérêt[18], des modèles qui intègrent des données d’enquête sur les taux d’intérêt à court terme[19], l’utilisation de la jambe fixe du taux de swap d’indice au jour le jour comme estimation du taux à court terme attendu qui permet de déduire le niveau de la prime de terme[20], l’utilisation du taux à terme 5Y5Y compte tenu de sa forte corrélation avec les estimations modélisées du niveau de la prime de terme.[21] Bien qu’il semble théoriquement intéressant de séparer les perspectives de taux à court terme et la prime de terme, compte tenu des défis économétriques et pratiques que cela présente, les estimations doivent être utilisées prudemment.

On s’attendrait à ce que la prime de terme soit positive parce que les investisseurs exigent d’être compensés pour investir dans des titres à plus longue durée plutôt que dans des titres à court terme, mais au cours des 15 dernières années, elle est passée dans le négatif à plusieurs reprises, parfois pendant plusieurs années (graphique 1).

PRIME DE TERME ESTIMÉE À 10 ANS POUR LES BONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN

Une autre évolution frappante est la tendance baissière à long terme de la prime de terme, suivie d’un rebond depuis la fin de l’année 2020. Cela soulève la question de ce qui détermine la prime de terme et de savoir si la récente tendance à la hausse se poursuivra. La réponse est importante pour les États-Unis, mais aussi à l’échelle mondiale : les recherches de la BRI montrent une corrélation élevée entre les primes de terme aux États-Unis et dans la zone euro.[23] Cette corrélation a été supérieure à celle entre les anticipations de taux d’intérêt respectives. Comme le montre le schéma 1, la prime de terme nominale se compose d’une prime de risque d’inflation, d’une prime de risque réelle et d’autres facteurs. Les estimations de l’inflation et des primes de risque réelles pour les bons du Trésor américain, produites par la Banque de la Réserve fédérale de Cleveland, ont tendance à évoluer dans une fourchette étroite et retournent fortement vers la moyenne.[24] Cela laisse entendre que les « autres facteurs » du schéma 1 semblent être dominants dans la dynamique de la prime de terme. À quoi pouvons-nous nous attendre en termes d’évolution future ?

Une première approche, certes très simple, dans la recherche de points de référence consiste à examiner la relation historique entre la prime de terme et les anticipations de la politique monétaire à court terme telles que capturées par le rendement neutre au risque à 1 an. Le graphique 2 montre que cette relation est faible : pour le même niveau de rendement neutre au risque, la prime de terme est parfois élevée et parfois faible. Il semble y avoir une légère corrélation négative entre les deux, ce qui sous-entend que l’impact sur les rendements obligataires des attentes concernant des taux directeurs plus élevés (plus bas) est amorti par des changements opposés de la prime de terme.

BONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN : PRIME DE TERME À 10 ANS ET RENDEMENT NEUTRE AU RISQUE À 1 AN

Cette corrélation négative doit être prise en compte lors de l’analyse des conséquences d’un saut soudain de la prime de terme. Cela durcirait les conditions financières et pèserait sur la croissance : des simulations de la Banque de France montrent qu’après une hausse de 100 points de base de la prime de terme américaine, la croissance du PIB américain serait inférieure de 0,4 pp après un an par rapport au scénario de base, augmentant ainsi la perspective d’assouplissement monétaire.[25] Le rendement neutre au risque diminuerait, amortissant en partie l’impact de la hausse de la prime de terme sur les rendements obligataires.

Les marchés financiers jouent un rôle important dans l’évolution de la prime de terme. Les fluctuations de la propension au risque des investisseurs déclenchent des réallocations du portefeuille vers (ou depuis) des actifs sûrs, entraînant des baisses (augmentations) de la prime de terme. La corrélation entre les performances des actions et des obligations est essentielle à cet égard. Aux États-Unis, elle est principalement négative depuis 2000 : lorsque les cours des actions baissent, les cours obligataires ont tendance à augmenter (et donc les rendements obligataires à diminuer). Un investisseur qui investit dans les deux classes d’actifs bénéficiera d’un effet de diversification : la hausse des cours obligataires amortit l’impact d’une baisse des cours des actions sur la performance globale du portefeuille et inversement. Cet effet soutient la demande obligataire, même lorsque les rendements sont très bas, et comprime la prime de terme.[26]

L’offre obligataire par rapport à la demande est un autre facteur important de la prime de terme. Après tout, les rendements obligataires et, par conséquent, la prime de terme doivent s’ajuster pour rapprocher les deux. Cependant, une partie de la demande peut être inélastique au prix. C’est le cas lorsqu’une banque centrale procède à un assouplissement quantitatif (QE). Plus récemment, l’accent a été mis sur le resserrement quantitatif (RQ), où les titres précédemment achetés dans le cadre d’une politique d’assouplissement quantitatif sont vendus par la banque centrale (« RQ actif ») ou ne sont plus réinvestis à leur échéance (« RQ passif », qui consiste en une réduction passive du bilan). Des recherches récentes et très complètes montrent que les annonces de RQ ont eu des effets significatifs, mais mineurs.[27] La demande des investisseurs étrangers est également importante. Sur la base d’un examen de la littérature empirique relative aux États-Unis et à d’autres économies, Zhang et Martínez García (2024) concluent qu’une « hausse d’un point de pourcentage de la part des investisseurs étrangers sur le marché obligataire souverain réduit le rendement des obligations d’État de trois à dix points de base ».[28]

Le taux d’intérêt naturel : déterminants et évaluation qualitative des perspectives à plus long terme pour les États-Unis

En étendant notre analyse de la prime de terme aux rendements obligataires en général, le tableau 1 donne un aperçu des facteurs qui influencent le taux naturel (à long terme), de leur justification théorique et d’une évaluation qualitative de l’impact attendu sur le taux naturel.

Tableau 1 – Les déterminants du taux naturel et leur impact futur probable sur les taux longs américains

En utilisant ce tableau, il convient de garder à l’esprit que l’importance relative des facteurs (leur impact sur les rendements obligataires) varie. De plus, le niveau de conviction sur leur évolution probable peut également différer. Sans oublier ces réserves, la plupart des facteurs indiquent une tension baissière sur les taux longs futurs. Toutefois, l’évolution attendue des besoins de financement, captés par la dette publique et les besoins d’investissement des secteurs privé et public (deux facteurs pour lesquels le niveau de confiance de la projection est élevé) devrait exercer une tension à la hausse.

Recherche empirique sur les moteurs des taux naturels et des rendements obligataires

La recherche empirique sur les moteurs des taux longs ne manque pas. Confirme-t-elle la relation théorique présentée ci-dessus ? Un point de départ utile est un document de la Banque d’Angleterre analysant les facteurs à l’origine de la baisse d’environ 450 points de base des taux longs réels à travers le monde au cours des dernières décennies.[38] La croissance tendancielle plus faible explique environ 100 pb de cette baisse et les variations de l’épargne (hausse) et de l’investissement (baisse) souhaités expliquent 300 pb, répartis sur différents facteurs comme le montre le tableau 2.

Tableau 2 – Moteurs historiques de la baisse du taux d’intérêt réel mondial

Plusieurs auteurs ont analysé la sensibilité des taux d’intérêt réels à différentes variables économiques. Dans divers documents, les variables démographiques (croissance du nombre d’heures de main-d’œuvre, proportion de la population âgée de 40 à 64 ans, taux de croissance de la population en âge de travailler, espérance de vie[39]) et les finances publiques ont un impact significatif sur les taux longs. Pour d’autres facteurs, les résultats sont mitigés voire faibles. Très souvent, la relation théorique n’est pas confirmée par les données[40] ou les coefficients ont le mauvais signe. C’est le cas pour la croissance de la productivité[41].

Un document de travail de la Banque du Japon examine les facteurs déterminants des rendements des obligations d’État à long terme dans dix économies avancées en utilisant des données annuelles de la période 1990-2010.[42] Plusieurs variables sont significatives (anticipations d’inflation, croissance de la productivité du travail, conditions budgétaires, emprunts étrangers – ceux-ci ayant un impact plus important sur les rendements que les emprunts nationaux -, vieillissement de la population, qui exerce une tension à la baisse sur les rendements obligataires) mais ce résultat est peut-être lié à la période spécifique analysée.

L’impact de l’offre d’obligations d’État sur les taux d’intérêt est un point d’attention important, compte tenu des projections d’endettement croissant[43] et du risque de cercle vicieux lié à la hausse des charges d’intérêts. Un récent article de la Banque de la Réserve fédérale de San Francisco[44] montre une influence significative de la dette publique et des dépenses de retraite sur les rendements obligataires. Ferreira et Shousha (2023) estiment que l’offre d’actifs sûrs est un moteur important des taux neutres à plus long terme, les bons du Trésor américain jouant un rôle clé à cet égard.[45] Sur la base de la même méthode, Davin et Ferreira fournissent des estimations actualisées de l’importance de ces différents facteurs.[46] Aux États-Unis, le taux neutre à plus long terme a augmenté de 70 pb depuis 2008, dont 50 pb entre 2020 et 2022 sous l’effet de l’offre de dette et de la hausse de la productivité. Dans la zone euro, la hausse est de 40 pb depuis 2008, dont 30 pb sur la période allant de 2020 à 2022 sous l’effet d’une augmentation de l’offre de dette.

Le tableau 3 présente des estimations de l’impact de la dette publique ou des déficits sur les taux d’intérêt.

Tableau 3 – Recherche empirique sur l’impact de la dette publique ou des déficits sur les taux longs

Si l’on considère la fourchette d’estimations (entre 10 et 100 points de base pour une augmentation de 10 points de pourcentage du ratio de dette publique américaine), il est tentant de qualifier l’impact de (plutôt) faible. Cependant, il faut l’évaluer du point de vue de la durabilité de la dette en tenant compte de la boucle de rétroaction due à la hausse des charges d’intérêt.[54] Pour un solde budgétaire primaire donné, une détérioration de l’écart entre le coût moyen de la dette (r) et la croissance du PIB (g) réduira la marge de manœuvre de la politique budgétaire (si r < g) ou compliquera la stabilisation de la dette (si r > g).

La recherche empirique sur les déterminants des taux longs peut aider à remédier à une faiblesse de l’aperçu qualitatif évoqué précédemment : des facteurs qui sont parfaitement logiques en théorie peuvent ne pas être statistiquement significatifs. Le tableau 4 présente les coefficients statistiquement significatifs en examinant la littérature empirique et l’évolution attendue des variables explicatives entre 2024 et 2030. Cela donne une estimation de l’impact sur les taux réels à long terme d’ici 2030. Les estimations se situent dans une fourchette de -19 pb à +38 pb, mais seul un modèle sur quatre prévoit une hausse des taux.

Tableau 4 – Projection du taux long réel dans les pays avancés

Conclusion

Dans la prévision des taux d’intérêt, la prudence s’impose car les recherches montrent l’existence d’erreurs importantes et persistantes dans les attentes des investisseurs en matière de taux court au cours d’un cycle conjoncturel. Il est alors encore plus ardu de faire des prédictions sur les taux longs. Sur des horizons de prévision longs, la complexité s’articule autour des déterminants de la valeur d’équilibre des taux court (le taux neutre) et de la prime de terme, qui est influencée par de nombreux facteurs. Le risque d’un désancrage des prévisions d’inflation (qui n’a pas été pris en compte dans cet article) complique encore les choses.

Il faut également se demander ce qui est déjà pris en compte par les marchés. L’évolution attendue des principaux moteurs empiriques des taux longs (démographie et besoins de financement) a été très souvent abordée dans des rapports officiels et par les médias. Cela signifie-t-il que tout est déjà intégré aux prix ? Pas forcément. La récente annonce par Moody’s de la baisse de la note souveraine américaine de Aaa à Aa1 a eu un impact significatif sur le marché,[55] même si le CBO et le FMI publient depuis des années des projections très inquiétantes sur la dette publique. Il semble donc que les rendements obligataires ne reflétaient qu’une partie des attentes économiques. Ceci pourrait s’expliquer par l’aversion au risque, qui influence les prévisions des analystes et le positionnement des investisseurs. Plus l’horizon de prévision est long, plus l’incertitude sur le « vrai modèle » de l’économie est grande : comment la productivité va-t-elle évoluer ? Les mêmes règles de politique économique continueront-elles de s’appliquer ? Les corrélations entre les variables économiques (par exemple la courbe de Phillips) changeront-elles ? Comment réagiront les ménages à l’augmentation de la dette publique ? Etc. Face à ces incertitudes, les économistes pourraient être enclins à faire des prévisions moins extrêmes alors que les investisseurs s’abstiendront de faire d’énormes paris sur l’évolution future des rendements obligataires.[56] Un récent article de la Réserve fédérale démontre que « la visibilité limitée atténue l’effet de l’offre de dette publique sur les taux d’intérêt à plus long terme ».[57] Cela implique que la prime de terme est inférieure à ce qu’elle serait si les investisseurs avaient des informations parfaites sur le fonctionnement de l’économie à long terme. Si, à un stade ultérieur, il devient clair que les investisseurs ont sous-estimé l’influence de certains facteurs (comme la dette publique), les rendements obligataires augmenteraient.

En prenant toutes ces précautions, il est possible d’établir les conclusions suivantes. Premièrement, dans une analyse qualitative, la plupart des facteurs indiquent une tension baissière sur les taux longs à venir. Toutefois, l’évolution attendue des besoins de financement, captés par la dette publique et les besoins d’investissement des secteurs privé et public (deux facteurs pour lesquels le niveau de confiance de la projection est élevé) devrait exercer une pression à la hausse. Deuxièmement, une analyse quantitative qui combine les coefficients statistiquement significatifs issus de la recherche empirique avec l’évolution attendue des variables explicatives entre 2024 et 2030 donne pour les pays avancés un impact attendu sur les taux réels à long terme d’ici 2030 allant dans une fourchette comprise entre -19 pb et +38 pb, sachant qu’un seul modèle des quatre prévoit une hausse des taux. Troisièmement, sur la base de la recherche empirique, on peut argumenter que la dynamique à long terme des taux long est influencée par la croissance économique, les facteurs démographiques (espérance de vie, croissance de la population en âge de travailler) et les besoins de financement (dette publique, pensions). Les deux premiers facteurs devraient continuer à exercer une tension baissière sur les taux longs. Une croissance structurellement plus élevée semble peu probable et les facteurs démographiques évoluent lentement. Cela signifierait également que les fluctuations futures des rendements obligataires devraient être principalement dues à la dynamique des besoins de financement. Il faut s’attendre à une pression haussière du secteur privé (énergie et transition numérique, investissements dans l’IA) et du secteur public, qui connaît une demande croissante (éducation, santé, pensions, R&D, changement climatique, défense, etc.), ce qui augmente le risque d’une nouvelle hausse du ratio dette publique/PIB. Néanmoins, compte tenu de la fourchette des estimations de la relation entre ce ratio et les taux à long terme (entre 10 et 100 points de base pour une augmentation du ratio de dette publique américaine de 10 points de pourcentage), l’impact devrait rester relativement limité. Quatrièmement, il n’y a cependant pas de place pour la complaisance. Toute hausse durable des taux à long terme implique un effort structurel plus important d’amélioration du solde primaire dans les pays où le ratio d’endettement public est en hausse. En outre, compte tenu de l’incertitude qui entoure les prévisions à long terme, les marchés n’intègrent peut-être pas pleinement les risques de hausse des taux longs dans leurs cours.

La conclusion générale est que les taux longs réels ont connu un réajustement ces dernières années qui est probablement incomplet vu l’ampleur des futurs besoins de financement du secteur public et du secteur privé et la pression sur les taux longs qui devrait en découler. Dans cette optique, il est essentiel de tester sa résilience face aux chocs de taux d’intérêt positifs.

[1] Source : CNBC, Bessent, secrétaire de la Trésorerie, affirme que Trump va éviter la crise financière, 16 mars 2025.

[2] Source : Holston, Kathryn, Laubach, Thomas, Williams, John C. (2017), Measuring the natural rate of interest: International trends and determinants, Journal of International Economics, 108.

[3] Source : Harrison, Olamide et Nguyen, Vina (2025), How to measure the monetary policy stance, FMI note 2025/003, janvier.

[4] Source : Obstfeld, Maurice (2025), Natural and neutral real interest rates: past and future, NBER document de travail 31949.

[5] Dans l’équilibre à long terme, les rigidités des prix ont disparu, permettant ainsi un équilibre entre l’offre et la demande sur différents marchés (marchés des produits, marché du travail). En outre, d’autres variables économiques (comme la position nette des actifs étrangers) ont également convergé vers leur valeur stable. Pour citer Obstfeld (2025), « c’est encore une autre raison de se méfier d’une équivalence entre la plupart des mesures du taux naturel et du taux neutre ».

[6] Au risque de confondre le lecteur, lorsque nous ferons référence à des recherches publiées qui se concentrent sur le taux à court terme, nous utiliserons le terme « taux neutre », même si les auteurs ont utilisé le terme « taux naturel ».

[7] Voir Laubach, T. et Williams, J. C. (2003), Measuring the Natural Rate of Interest, The Review of Economics and Statistics, Vol. 85, n° 4.

[8] Source : Brand, Claus, Lisack, Noëmie et Mazelis, Falk (2025), Estimations du taux naturel pour la zone euro : éléments d’information, incertitudes et lacunes, Bulletin économique de la BCE, publication 1.

[9] Source : FMI (2023). Pour les États-Unis, l’intervalle de confiance à 90 % variait de zéro à environ 3 % au cours de la seconde moitié des années 2010.

[10] Source : Congressional Budget Office, The Long-Term Budget Outlook: 2025 to 2055.

[11] Source : Hakkio, Craig S. et Smith, A. Lee (2017), Bond Premiums and the Natural Real Rate of Interest, Federal Reserve Bank of Kansas City Economic Review, Premier trimestre. La baisse des primes obligataires stimule l’économie grâce à des conditions d’emprunt moins chères et à une baisse du taux d’épargne. La combinaison des deux facteurs augmente le taux neutre.

[12] Le terme « rendement d’opportunité » désigne « les nombreux services pratiques fournis aux investisseurs par ces actifs relativement sûrs (par exemple, utilisation de garanties, provision de liquidités, sécurité) ». Source : Arcidiacono, Cristian, Bellon, Matthieu et Gnewuch, Matthias (2024), Dangerous liaisons? Debt supply and convenience yield spillovers in the euro area, document de travail 63 du MES, 23 octobre.

[13] Source : Szoke, Balint, Xavier, Ines et Vazquez-Grande, Francisco (2024), Convenience Yield as a Driver of r*, FEDS Notes, 3 septembre. Toutefois, l’écart d’échéance entre l’indice Moody's Aaa, dont les échéances sont les plus proches possible de 30 ans (source : Bloomberg), et le bon du Trésor américain à 10 ans implique que les fluctuations de ce rendement d’opportunité reflètent également l’évolution de la pente de la courbe de rendement à plus long terme.

[14] Un resserrement monétaire (assouplissement) entraîne une baisse (augmentation) du rendement d’opportunité et un resserrement (élargissement) de l’écart de rendement entre les obligations d’entreprises de bonne qualité et les bons du Trésor américain.

[15] Voir par ex.. Adrian, Tobias, Crump, Richard K., Diamond, Peter A. et Yu, Rui (2015), Discounting the Long Run, Federal Reserve of New York, Liberty Street Economics, 31 août.

[16] « La contribution des primes de terme à la variation mensuelle des taux à terme est substantielle sur tous les horizons et passe de 75 % pour l’horizon d’un an à plus de 90 % pour l’horizon de plus longue durée. En revanche, les taux courts réels attendus ne comptent que pour 18 % de la variation mensuelle à l’horizon d’un an et cette contribution chute rapidement à zéro à plus longues échéances. » Source : Crump, Richard K., Eusepi, Stefano et Moench, Emanuel (2018), The Term Structure of Expectations and Bond Yields, Federal Reserve Bank of New York Staff Reports, n° 775, mai 2016; revisé en avril 2018.

[17] Source : Kim, Don H et Orphanides, Athanasios (2007), The bond market term premium: what is it, and how can we measure it?, BIS Quarterly Review, juin.

[18] Voir par ex. Tobias Adrian, Richard K. Crump et Emanuel Moench, Pricing the Term Structure with Linear Regressions, Federal Reserve Bank of New York Staff Reports, n° 340, août 2008 ; revisé en avril 2013.

[19] Source : Crump, Richard K., Eusepi, Stefano et Moench, Emanuel (2018), The Term Structure of Expectations and Bond Yields, Federal Reserve Bank of New York Staff Reports, n° 775, mai 2016 ; revisé en avril 2018.

[20] Source : Nangle, Toby (2025), Do we even need bond term premia models?, FT Alphaville, 26 mars.

[21] Cela reflète la stabilité relative des perspectives de taux directeurs à plus long terme, ce qui implique que les fluctuations des taux à plus long terme reflètent les changements de prime de terme. Source : de Courcel, Camille (2023), Global rates: Term premium comes out of hibernation, BNP Paribas Markets360, 2 novembre.

[22] Le graphique montre le résultat de trois modèles de primes de terme de la Réserve fédérale. Source : Adrian, Crump et Moench (2013) ; Kim, Don H. et Wright, Jonathan H. (2005), An Arbitrage-Free Three-Factor Term Structure Model and the Recent Behavior of Long-Term Yields and Distant-Horizon Forward Rates, Finance and Economics Discussion Series working paper 2005-33, Federal Reserve Board, August ; Christensen, Jens H.E. et Rudebusch, Glenn D. (2012), The Response of Interest Rates to U.S. and U.K. Quantitative Easing, Economic Journal 122, pp. F385-F414.

[23] « La corrélation glissante sur un an entre les variations mensuelles des primes de terme américaines et de la zone euro a généralement oscillé entre 0,6 et 0,9, bien qu’elle ait affiché des fluctuations plus importantes depuis la crise financière de 2008. » Source : Cohen, Benjamin H., Hördahl, Peter et Xia, Dora (2018), Term premia: models and some stylised facts, BIS Quarterly Review, septembre. La corrélation entre les anticipations de taux d’intérêt des États-Unis et de la zone euro a fluctué entre 0 et 0,6.

[24] « La prime de risque d’inflation est une mesure de la prime que les investisseurs demandent en raison de la possibilité que l’inflation augmente ou diminue plus qu’ils ne le prévoient sur la période pendant laquelle ils détiennent une obligation. De même, la prime de risque réelle est une mesure de la compensation que les investisseurs demandent pour détenir des obligations réelles (protégées contre l’inflation) sur une certaine période, étant donné que les taux à court terme futurs peuvent différer de ce qu’ils attendent. » Source : Inflation Expectations, Federal Reserve Bank of Cleveland. Pour une analyse approfondie, voir : Haubrich, Joseph G., Pennacchi, George et Ritchken, Peter (2011), Inflation Expectations, Real Rates, and Risk Premia: Evidence from Inflation Swaps, Federal Reserve Bank of Cleveland, Working Paper No. 11-07.

[25] Source : Siena, Daniele et Szczerbowicz, Urszula (2018), Effets sur la zone euro d’une hausse soudaine de la prime de terme américaine, Banque de France Bloc-notes Éco, 15 mars.

[26] Pour plus d’informations, voir : De Vijlder, William (2024), What drives the correlation between equity and bond markets?, Economic Research, BNP Paribas, 18 avril.

[27] Source : Du, Wenxin, Forbes, Kristin, Luzzetti, Matthew N. (2024), Quantitative tightening around the globe: what have we learned?, NBER Working Paper 32321, avril. Les auteurs analysent le RQ mené par la Banque d’Angleterre, la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande, la Sveriges Riksbank, la Banque du Canada, la Banque de réserve d’Australie, la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne. « Les résultats suggèrent que les annonces individuelles de RQ (au sens large) correspondent à une petite mais significative hausse d’environ 4 à 8 bps du rendement des obligations d’État à horizon d’un an et plus. Lorsque ces effets sont agrégés par pays entre 2021 et 2023, l’effet cumulé est une augmentation des rendements des obligations d’État de 20 à 26 bps en moyenne (pour des horizons d’un an et plus), bien qu’il y ait une hétérogénéité importante entre les pays et les caractéristiques du programme de RQ. » Ce document résume également la littérature sur l’impact de l’assouplissement quantitatif sur les rendements obligataires et souligne que les estimations empiriques varient considérablement.

[28] Source : Zhang, Yixiang et García, Enrique Martínez (2024), The Contribution of Foreign Holdings of U.S. Treasury Securities to the U.S. Long-Term Interest Rate: An Empirical Investigation of the Impact of the Zero Lower Bound, Federal Reserve Bank of Dallas, Globalization Institute Working Paper 430, septembre.

[29] Yi, Kei-Mu Yi et Zhang, Jing (2017), Understanding global trends in long-run real interest rates, Federal Reserve Bank of Chicago Economic Perspectives, 2/2017.

[30] Source : Gamber, Edward N. (2020), The Historical Decline in Real Interest Rates and Its Implications for CBO’s Projections, Congressional Budget Office Working Paper 2020-09, décembre.

[31] Source : Congressional Budget Office (2024), The Demographic Outlook: 2024 to 2054, janvier. Le CBO s’attend à ce que l’espérance de vie à la naissance passe de 78,7 ans en 2024 à 82,2 ans en 2054. Le Bureau du recensement et l’Administration de la sécurité sociale s’attendent également à une hausse.

[32] Source : Obstfeld M. (2025).

[33] Source : FMI (2025), Perspectives économiques mondiales, avril.

[34] Source : Arvai, Kai et Coimbra, Nuno (2023), Privilège perdu ? L’ascension et la chute d’une monnaie mondiale dominante, Banque de France, document de travail n° 932, décembre.

[35] Source : Eichengreen, Barry (2025), Mars or Mercury rebooted: The Trump administration, the dollar, and the geopolitics of international currency choice, CEPR, VoxEU column, 18 avril. Dans un scénario de réduction de 30 points de pourcentage de la part de l’USD dans les réserves internationales, cela pourrait impliquer que « plus de 800 milliards d’USD d’actifs officiels libellés en dollars américains – soit l’équivalent de 6 % de la dette publique négociable américaine – seraient liquidés, si la composition des réserves mondiales changeait sans évolution de leur niveau, alors que les taux d’intérêt américains à long terme augmenteraient jusqu’à 80 points de base ».

[36] Mongelli, Francesco Paolo, Pointner, Wolfgang et van den End, Jan Willem (2022), The effects of climate change on the natural rate of interest: a critical survey, document de travail 2744 de la BCE, novembre.

[37] Voir par ex. Kapopoulos, Theodore, Anastasiou, Dimitris Anastasiou, Ongena, Steven, Sakkas, Athanasios (2025), Geopolitical Risk and Domestic Bank Deposits, Swiss Finance Institute Research publication 25-64.

[38] Rachel, Lukasz et Smith, Thomas D. (2015), Secular drivers of the global real interest rate, Bank of England, Staff Working Paper n° 571, décembre.

[39] Lunsford et West (2019) trouvent le signe attendu pour la relation entre la croissance des heures de main-d’œuvre et la proportion des personnes âgées de 40 à 64 ans dans la population, et les taux d’intérêt réels. Borio et al. (2022) couvrent de nombreuses variables pour 19 pays et utilisent des données remontant à 1870, mais l’espérance de vie est la seule variable systématiquement corrélée aux taux d’intérêt réels avec le bon signe. Carvalho et al. (2025) ont couvert 19 pays de l’OCDE en utilisant des données qui remontent jusqu’à 1979 et ont trouvé que l’espérance de vie et le taux de croissance de la population en âge de travailler sont des déterminants importants des taux d’intérêt réels.

[40] À l’aide de données annuelles, datant principalement de 1890 à 2016, Lunsford et West (2019) ont analysé la corrélation à long terme entre les taux courts réels américains et une liste détaillée de variables (croissance réelle du PIB par habitant, croissance des dépenses de consommation réelles par habitant, croissance de la productivité globale des facteurs, rendement du S&P 500, mesures de volatilité, croissance des heures de travail et du capital horaire, mesures démographiques, inégalité des revenus, coût relatif de l’investissement, déficit primaire du gouvernement fédéral par rapport au PIB, dette fédérale/PIB, compte courant exprimé par rapport au PIB, spread entre taux créditeurs publics et privés, croissance monétaire). Les variables démographiques présentent la corrélation attendue. Pour la plupart des autres variables, les résultats sont mitigés.

[41] Voir à ce sujet : Lunsford, Kurt G. (2017), Productivity Growth and Real Interest Rates in the Long Run, Economic Commentary, Federal Reserve Bank of Cleveland, numéro 2017-20, 15 novembre.

[42] Source : Ichiue, Hibiki et Shimizu, Yuhei (2012), Determinants of Long-term Yields: A Panel Data Analysis of Major Countries and Decomposition of Yields of Japan and the US, Bank of Japan working paper n° 12-E-7, mai. Les pays couverts sont le Japon, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, la Norvège, la Suède, la Suisse, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

[43] Le dernier Moniteur des finances publiques du FMI (avril 2025) prévoit une nouvelle augmentation de la dette publique générale mondiale en pourcentage du PIB qui devrait atteindre près de 100 % en 2030, contre 92,3 % en 2024. Pour les économies avancées, il est prévu une augmentation en passant de 108,5 % en 2024 à 113,3 % en 2030, dont une hausse à 128,2 % aux États-Unis (contre 120,8 % en 2024), et de 88,3 % à 116,0 % en Chine. La hausse de la zone euro (de 87,7 à 92,9 %) est le résultat d’évolutions divergentes avec une forte augmentation de la dette de la France (de 113,1 % à 128,4 %) et de l’Allemagne (de 63,9 % à 74,8 %), une légère augmentation de celle de l’Italie (de 135,3 % à 137,7 %) et une forte amélioration en Espagne (de 101,8 % à 93,0 %). Dans les économies émergentes et en développement, le taux d’endettement devrait passer de 69,5 % à 82,0 %.

[44] Source : Carvalho, Carlos, Andrea Ferrero, Felipe Mazin et Fernanda Nechio (2025). “Demographics and Real Interest Rates Across Countries and Over Time.” Document de travail de la Banque de la Réserve fédérale de San Francisco 2023-32. Les auteurs se sont intéressés à 19 pays de l’OCDE en utilisant des données remontant à 1979.

[45] Les auteurs ont étudié 11 économies avancées. La demande d’actifs sûrs induite par les politiques (excès d’épargne mondial, durcissement de la réglementation financière), le rendement d’opportunité, les tendances de la productivité et les facteurs démographiques sont des facteurs pertinents pour les taux neutres.

[46] Source : Davin, Carolyn et Ferreira, Thiago (2022), Longer-Run Neutral Rates in Major Advanced Economies, FEDS Notes, Board of Governors of the Federal Reserve System, 1 décembre.

[47] Source : Poghosyan, Tigran (2012), Long-Run and Short-Run Determinants of Sovereign Bond Yields in Advanced Economies, Document de travail du FMI 12/271, novembre. Ces pays sont l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Japon, la Corée, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis.

[48] Source : Neveu, Andre R. et Schafer, Jeffrey (2024), Revisiting the Relationship Between Debt and Long-Term Interest Rates, CBO working paper 2024-05, décembre.

[49] Source : Gust, Christopher et Skaperdas, Arsenios (2024), Government Debt, Limited Foresight, and Longer-term Interest Rates, Finance and Economics Discussion Series 2024-027, Board of Governors of the Federal Reserve System.

[50] Source : Plante, Michael D., Richter, Alexander W. et Zubairy, Sarah (2025), Revisiting the Interest Rate Effects of Federal Debt, Federal Reserve Bank of Dallas working paper 2513, avril.

[51] Source : FMI, Moniteur des finances publiques, chapitre 1, La Politique budgétaire en période d’incertitude, avril 2025.

[52] Source : Furceri, Davide, Goncalves, Carlos et Li, Hongchi (2025), The impact of debt and deficits on long-term interest rates in the US, Document de travail du FMI, WP/25/141.

[53] Source : Norges Bank Investment Management (2024), Investor demand and government bond pricing, Discussion note #1/2024. À l’aide de données sur les détentions d’investisseurs dans les dettes souveraines sur la période 2004-2022, ils ont étudié comment ces détentions évoluaient en fonction de l’évolution de la dette publique (la réponse marginale des détentions d’investisseurs) et ont évalué l’élasticité des taux d’intérêt de la demande obligataire.

[54] La hausse de la dette publique entraîne une hausse des taux long qui aggrave le déficit budgétaire, déclenchant une nouvelle hausse de la dette publique et des taux d’intérêt.

[55] Financial Times (2025), “US borrowing costs climb after Moody’s downgrade”, 19 mai.

[56] A priori, un investisseur à long terme convaincu que la dette publique augmentera fortement dans un avenir éloigné devrait limiter son exposition au risque de duration, contribuant ainsi à une augmentation de la prime de terme. Un investisseur moins sûr ou qui a des doutes sur l’impact d’une telle évolution sur l’économie adopterait un positionnement moins extrême.

[57] Source : Gust, Christopher et Skaperdas, Arsenios (2024).

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE