Graphiques de la semaine

Écarts de droits de douane, les États-Unis sont-ils si désavantagés que cela ?

20/02/2025
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Pour réduire les déficits bilatéraux des États-Unis, sujet déjà évoqué dans un précédent Graphique de la Semaine[1], l’administration Trump a élargi son angle d’attaque, en s’attaquant aux écarts de droits de douane, entre le pays et ses partenaires commerciaux. L’instauration de tarifs réciproques, encore à l’étude, serait précisée début avril.

Écarts de tarifs douaniers entre les États-Unis et le reste du monde (2023)

À première vue, c’est-à-dire avec une moyenne simple des tarifs (marqueur noir), donc non pondérée des échanges, les pays asiatiques – Corée du Sud, Chine, Inde, Thaïlande et Vietnam – pourraient être parmi les principaux pays visés, conjuguant des différentiels de tarifs douaniers élevés et des excédents commerciaux avec les États-Unis. Malgré le traité de libre-échange nord-américain (USMCA), qui exempte de tarifs douaniers une grande partie mais pas l’intégralité des biens échangés, le Mexique et le Canada affichent eux aussi un différentiel de tarifs positif. L’Allemagne et l’Irlande ont aussi été pointés du doigt, bien que l’écart moyen entre les tarifs soit modéré (une moyenne qui masque néanmoins des écarts sectoriels, notamment sur les échanges de produits chimiques ou laitiers dans le cas de l’Irlande, et dans l’automobile et l’aéronautique pour le cas de l’Allemagne).

La mesure pondérée (marqueur bleu) offre, dans certains cas, une vision différente du rapport de force. Le constat change surtout vis-à-vis des pays émergents : Vietnam en tête, où le différentiel passe de largement positif sur la mesure non pondérée (+5,4 p.p.) à négatif sur la mesure pondérée (-0,5 p.p.). L’écart se réduit aussi significativement dans le cas de l’Indonésie (de +5,8 p.p. à 0.4 p.p), et dans une moindre mesure dans ceux de l’Inde et du Mexique.

Comment expliquer ces différences ? Certains pays imposent en effet des droits de douane plus élevés sur certains biens, notamment sur les produits manufacturés, dans le but par exemple de protéger le développement de leurs industries. Or, ces biens ne constituent qu’une partie restreinte de leurs importations, tandis qu’ils importent davantage de produits intermédiaires ou de matières premières moins taxés à leur arrivée dans le pays[2], ce dont bénéficient tout autant les États-Unis.

Le constat est différent pour les pays développés, qui échangent relativement plus de produits finaux avec les États-Unis, qui plus est, souvent sur des segments similaires, ce qui débouche sur des écarts entre droits de douane simples et pondérés moins importants. Le Japon et la Corée ressortent de fait plus exposés dans les deux cas, mais pour beaucoup d’autres pays, notamment les pays de la zone euro et le Royaume-Uni, les écarts sont assez réduits, voire parfois négatifs.

Tout ceci ne présage évidemment pas des décisions à venir de l’administration Trump, et un durcissement de la guerre commerciale laisse peu de place au doute. Néanmoins, la situation décrite par le Président américain, qui serait celle d’une concurrence outrageusement déloyale, apparait bien plus nuancée lorsqu’on prend en compte la structure des échanges commerciaux.


[1] Voir BNP Paribas Graphiques de la semaine, Offensive tarifaire américaine : une cartographie (non-exhaustive) des risques, 12 février 2025.

[2] Si on prend l’exemple du Vietnam, et plus précisément les importations d’équipements et de machines électriques, qui représentaient en 2023 un quart du total des importations en provenance des États-Unis, les droits de douane non pondérés s’élevaient à 7,1% en 2023, mais la moyenne pondérée n’était que de 0,6%. En effet, une très large partie de ces importations sont des circuits intégrés pour lesquels aucun droit de douane ne s’appliquait (Source : WITS).

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE