Podcast - En ECO dans le texte

Économie mondiale : les points à surveiller au second semestre 2025

25/07/2025

Alors que nous entrons dans la seconde moitié de l'année et après un premier semestre marqué sur le front économique, par la guerre tarifaire initiée par les États-Unis, nous vous proposons de regarder un instant en arrière pour comprendre les dynamiques qui ont façonné nos économies au cours des six derniers mois et identifier dans quelle mesure et de quelle manière elles vont impacter les perspectives économiques du second semestre. À quel scénario faut-il s’attendre ?

Transcription

Bonjour à tous et bienvenue dans « En Eco dans le texte », le podcast des Études Économiques de BNP Paribas qui vous aide à mieux appréhender l’actualité économique.

Dans ce nouveau numéro, nous vous invitons à faire le point sur les événements et tendances qui ont marqué le premier semestre de cette année 2025 et à nous projeter pour le second semestre. Je suis Mickaëlle Fils Marie-Luce, responsable com et je reçois pour vous Hélène Baudchon, cheffe économiste adjointe et Responsable de la recherche Macroéconomique.

Bonjour Hélène !

Hélène B. : Bonjour Mickaëlle

Alors que nous entrons dans la seconde moitié de l'année et après un premier semestre marqué notamment, sur le front économique, par la guerre tarifaire initiée par les États-Unis, nous vous proposons de faire une pause et de regarder un instant en arrière pour comprendre les dynamiques qui ont façonné nos économies au cours des six derniers mois et identifier dans quelle mesure, de quelle manière elles vont impacter les perspectives économiques du second semestre. À quel scénario faut-il s’attendre ?

Vous avez le programme, c’est parti !

Mickaëlle FML. : Hélène, en début d’année, la cheffe économiste, Isabelle Mateos y Lago, avait dégagé dans un éditorial 5 questions clés pour aborder 2025 :

1/ Les États-Unis déclencheront-ils une guerre tarifaire mondiale ?

2/ La Chine va-t-elle enfin stimuler sa consommation intérieure de manière structurelle ?

3/ La politique budgétaire causera-t-elle un déraillement ?

4/ L’Europe entendra-t-elle les alertes qui ont retenti en 2024 ?

5/ Le Royaume-Uni peut-il se sortir de la morosité de 2024 ?

Je vous propose de passer ces 5 questions en revue maintenant à J+6 mois environ et d’y répondre à la lumière des événements du semestre passé. Est-ce que ce programme vous convient ?

Hélène B. : Oui, c’est toujours intéressant et important de savoir et de comprendre d’où l’on vient pour (essayer de) savoir et de comprendre où l’on va…

Mickaëlle FML. : Pour notre première question, et peut-être la plus complexe à traiter au niveau de ses conséquences, allons de l’autre côté de l’Atlantique ! Nous sommes en janvier 2025, à la prise de fonction du président Trump et tout le monde se demande alors s’il va, oui ou non, mettre à exécution ses promesses de campagne notamment en ce qui concerne les tarifs douaniers. Le suspens a été rapidement levé, n’est-ce pas Hélène ?

Hélène B. : En effet, oui. Assez rapidement, les annonces du président Trump se sont succédé. D’abord avec des hausses de droits de douane relativement ciblées et limitées, mais l’intention était claire même si le doute restait permis entre les mots et le passage à l’acte (et encore aujourd’hui d’ailleurs, ce qui alimente l’incertitude). Ensuite, l’offensive tarifaire a atteint son paroxysme (en tout cas, nous l’espérons) le 2 avril, dénommé « jour de la libération » par le président Trump, avec l’annonce, ce jour-là, de droits de douane dits « réciproques » marquant une augmentation massive et généralisée (quoique différenciée par pays). Entretemps et depuis, il y a eu aussi beaucoup de revirements et désormais, la direction générale semble plutôt à la désescalade. Mais en résumé, oui, et on aurait aimé répondre par la négative, une guerre tarifaire mondiale a bien été déclenchée par les Etats-Unis.

Mickaëlle FML. : On comprend que ce sujet de la guerre tarifaire demeure aujourd’hui au centre de l’actualité et que la nouvelle question qui se pose désormais est de savoir "à quel niveau les droits de douane vont-ils atterrir ?"

Hélène B. : C’est en effet une question déterminante, dont dépendra notamment l’impact haussier attendu sur l’inflation américaine et la prolongation ou non du statu quo monétaire de la Réserve fédérale américaine. Or, au moment où nous parlons, l’incertitude reste entière. On ignore encore sur quel type d’accord (si on peut parler d’accord), la période de négociations de 90 jours va déboucher, notamment celles entre les États-Unis et l’Union Européenne d’ici au 8 juillet.

Entre les États-Unis et la Chine, les discussions ont, en revanche, avancé. Le 25 juin, le président Trump a confirmé cela en annonçant la signature d’un accord formel, centré sur les exportations de terres rares de la Chine vers les Etats-Unis qui vont se poursuivre. Cet accord comprend aussi le maintien des droits de douane supplémentaires à 30%.

Pour le reste du monde, pour lequel on ne connaît pas encore le point d’atterrissage des tarifs, notre hypothèse de travail, c’est un taux effectif moyen de droits de douane sur les importations américaines un peu au-dessus de 10% (10% pour le niveau plancher des droits de douane dits « réciproques » auquel on ajoute l’effet des tarifs sectoriels, comme ceux sur l’acier et l’aluminium). Sachant qu’au niveau des tarifs sectoriels, la menace de droits de douane supplémentaires reste brandie (sur les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques, notamment, qui bénéficient d’une exemption aujourd’hui) et de nouvelles hausses dans les secteurs déjà frappés ne peuvent être exclues non plus (telles que celles de 25% à 50% sur l’acier et l’aluminium, annoncées le 3 juin).

Autre facteur d’incertitude, même si on a compris que le président Trump chercherait à contourner les difficultés : la remise en cause de la légalité des droits de douane « réciproques ». Au final, s’il y a une chose dont on peut être à peu près sûr, dans cet environnement dominé par l’incertitude, c’est que les droits de douane effectifs moyens atterriront à un niveau sensiblement plus élevé qu’avant le retour de Donald Trump à la Maison Blanche (d’environ un facteur 5). L’ampleur exacte du choc tarifaire et de ses répercussions reste incertaine, mais il y a bien un choc même s’il devrait être moins important que craint lors des annonces du Liberation Day. Et le choc d’incertitude qui le double est aussi, si ce n'est plus, perturbant et pénalisant pour l’activité économique.

Mickaëlle FML. : En parlant de perturbations justement, est-ce que l’on commence à observer des effets de cette guerre tarifaire et de ces incertitudes sur l’activité économique mondiale ?

Hélène B. : Pour le moment, les traces du choc tarifaire sur l’activité et l’inflation sont peu visibles, notamment aux Etats-Unis. C’est en partie trop tôt compte tenu des nombreux revirements de l’administration Trump. La situation est loin d’être stabilisée. L’incertitude génère de l’attentisme. Et le phénomène des achats anticipés (avant les annonces d’augmentation des droits de douane et leur entrée en vigueur), ce phénomène a introduit beaucoup de volatilité / de bruit dans les données. Donc, pour le moment, on n’y voit pas clair.

Ce que l’on observe toutefois, c’est le consensus des prévisionnistes qui s’est formé autour d’un scénario de net ralentissement de l’économie américaine entre 2024 et 2025 (de l’ordre de 1 point de pourcentage), tandis que les scénarios pour la zone euro sont moins défavorables, voire positifs. Ainsi, d’après leurs dernières prévisions, le FMI anticipe une croissance marginalement inférieure en 2025 (0,8% en moyenne annuelle après 0,9% en 2024) tandis que la BCE ainsi que la Commission européenne la voit marginalement supérieure (0,9% après 0,8%), et pour l’OCDE elle serait un peu plus élevée (1% en 2025 après 0,8%). Notre propre scénario est un peu plus optimiste : nous tablons, en effet, sur 1,2% de croissance en 2025 pour la zone euro.

Mickaëlle FML. : Vous parlez d’un net ralentissement de l’économie américaine pour 2024-2025, que se passera-t-il sur le front de l’inflation ? Le choc tarifaire aura-t-il un impact inflationniste aux États-Unis ?

Hélène B. : C’est la grande question en effet, en tout cas une des grandes questions, d’autant plus que, pour l’heure, les chiffres d’inflation disponibles ne portent pas de trace significative des hausses de droits de douane déjà effectives, notamment vis-à-vis de la Chine. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’impact inflationniste. C’est en partie trop tôt pour en observer un. Pour l’heure, les signes avant-coureurs se limitent à la forte remontée des anticipations d’inflation des ménages (et encore, celles-ci ont commencé à refluer et c’est plutôt tant mieux). On observe aussi un net redressement des prix des intrants dans les enquêtes sur le climat des affaires.

De notre point de vue, il ne fait toutefois aucun doute que l’inflation américaine remontera sous l’effet de la hausse des droits de douane. Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine, le dit lui-même, je cite : « En fin de compte, le coût du tarif doit être payé et une partie de celui-ci tombera sur le consommateur final. On sait que ça arrive. » (fin de citation).

La question qui se pose est celle de l’ampleur de ce surcroît d’inflation. Comme je l’ai déjà dit, il dépendra en partie du point d’atterrissage des droits de douane. Quatre autres facteurs sont de nature à limiter la bosse d’inflation : si les entreprises acceptent de rogner leurs marges (ce qui ne paraît pas le scénario le plus probable) ; le ralentissement attendu de la demande aura un effet désinflationniste ; de même que la baisse des prix du pétrole (sous l’hypothèse qu’elle se maintienne) ; il faut aussi avoir en tête que, compte tenu de l’incertitude actuelle, le processus de répercussion des hausses des droits de douane sur les prix à la consommation prendra du temps, échelonnant et diluant dans le temps ses effets haussiers sur l’inflation, ce qui pourrait les rendre moins visibles. Une appréciation du dollar US jouerait aussi à la baisse sur l’inflation américaine mais le billet vert n’est pas orienté en ce sens actuellement. Et nous anticipons qu’il continue de se déprécier à l’horizon du second semestre.

Mickaëlle FML. : Est-ce que cela veut dire que la Fed prolongera son statu quo sur les taux jusqu’à la fin de l’année ?

Hélène B. : C’est, en tout cas, notre scénario central mais on voit bien que le FOMC est divisé sur la question. Dans notre scénario (qui est de type stagflationniste, avec une inflation plus haute malgré une croissance plus basse), la Fed n’a pas d’autre choix que de prolonger son statu quo monétaire jusqu’à la fin de l’année.

D’un côté, elle ne peut pas reprendre ses baisses de taux compte tenu des risques à la hausse sur l’inflation. De plus, tant le ralentissement économique reste contenu (ce qui est le cas à ce stade au regard notamment des développements sur le marché du travail), il n’appelle pas de baisses de taux. Et Jerome Powell décrit lui-même la situation économique comme solide.

Mais à l’inverse, la Fed ne peut pas non plus rehausser ses taux directeurs pour faire face au risque inflationniste compte tenu des risques baissiers sur la croissance. In fine, le statu quo paraît la meilleure option en attendant de voir comment la situation pourrait évoluer, dans un sens comme dans l’autre.

La BCE n’est pas confrontée au même dilemme. Jusqu’en juin, les conditions étaient assez clairement réunies pour qu’elle poursuive ses baisses de taux (inflation de retour à la cible, faiblesse de la croissance). La question pour la BCE est désormais de savoir si son cycle de baisses des taux, amorcé il y a 1 an, est arrivé à son terme. D’après nous, pas tout à fait : nous tablons sur une dernière baisse de 25 points de base en septembre compte tenu des risques baissiers sur la croissance. Ce qui laisserait la politique monétaire de la BCE en zone neutre (c’est-à-dire ni un frein ni un soutien à l’activité).

Mickaëlle FML. : Merci Hélène, il y avait beaucoup de points à aborder pour répondre aux implications de la guerre tarifaire lancée par l’administration Trump.

Passons à la deuxième question pour laquelle nous allons en Chine. Il était question en début d’année de savoir si elle allait enfin stimuler sa consommation intérieure de manière structurelle, que pouvez-vous dire aujourd’hui Hélène ?

Hélène B. : La réponse est double, c’est à la fois oui et non ! Oui, dans le sens où les autorités chinoises ont mis en place des mesures pour stimuler la consommation des ménages dans l’objectif de contrer, autant que possible, les effets négatifs de la guerre commerciale américaine sur les exportations et la croissance chinoises. Mais, à ce stade, le soutien actuel n’est pas calibré, il n'apparaît pas suffisant pour modifier durablement les moteurs de croissance. On reste dans du soutien conjoncturel. Mais qui pourrait finir par déboucher, à terme, sur quelque chose de plus structurel à en croire en tout cas le discours plus affirmé porté par les autorités.

Mickaëlle FML. : Regardons du côté de la politique budgétaire pour notre troisième question. Il s’agissait de savoir en début d’année si la politique budgétaire allait causer un déraillement (au regard de l’ampleur des déséquilibres budgétaires et des besoins de financement d’un certain nombre de pays). Qu’en est-il aujourd’hui ?

Hélène B. : La bonne nouvelle, c’est que, non, la politique budgétaire n'a pas causé de déraillement…

Mickaëlle FML. : Mais la question reste d’actualité…

Hélène B. : Oui, en effet. S’il n’y a pas eu de déraillement majeur, on a quand même traversé, sur les six premiers mois de l’année, plusieurs épisodes de tensions sur les taux longs, notamment les taux longs américains qui montrent que même les États-Unis se retrouvent désormais sous surveillance des marchés obligataires : la détérioration de leurs finances publiques, que le One Big Beautiful Bill Act en cours de discussion risque d’accentuer, ne passe plus inaperçue. D’un côté, on peut relativiser les inquiétudes sur le dérapage car il faut aussi tenir compte des recettes issues de droits de douane, qui vont venir atténuer le creusement du déficit. Mais, de l’autre, ces mêmes droits de douane ainsi que les économies budgétaires prévues vont peser sur la croissance économique et contrebalancer, au moins en partie si ce n’est totalement, les effets positifs attendus des baisses d’impôts.

Du côté européen, le tournant budgétaire allemand et le plan ReArm EU posent aussi d’importantes questions de financement mais il y a matière à voir le verre à moitié plein, contrairement à la situation américaine. D’une part, l’Union européenne dans son ensemble dispose d’une marge de manœuvre budgétaire plus importante (avec notamment un ratio de dette publique sur PIB sensiblement moins élevé). Ensuite, le soutien potentiel à la croissance de ces dépenses budgétaires supplémentaires ressort plus clairement que dans le cas américain. Enfin, même s’il y a encore pas mal de réticences, les curseurs semblent bouger dans un sens plus favorable à plus de dette européenne commune, ce qui permettrait aussi de fournir aux marchés une valeur refuge alternative.

Mickaëlle FML. : Nous restons en Europe pour nos deux dernières questions et voici d’abord une question concernant l’UE. L’Europe a-t-elle entendu les alertes qui ont retenti en 2024 ?

Hélène B. : Clairement, oui, l’Europe se réveille et c’est la bonne nouvelle du premier semestre même s’il reste encore beaucoup à faire. Autant le choc tarifaire américain est un tournant majeur négatif, autant la réponse européenne, sous la forme d’un effort de réarmement massif et du plan d’investissement allemand, lui aussi massif, constitue un tournant majeur positif. Sachant que ces annonces s’ajoutent à un effort renouvelé pour redresser la compétitivité de l’économie européenne, dans la foulée des recommandations du rapport Draghi. J’invite tous nos auditeurs à consulter les différentes publications que nous avons faites sur ces sujets : c’est riche d’enseignements et nous défendons un point de vue volontariste, optimiste autant que possible.

Mickaëlle FML. : Enfin, Hélène, dernière question, et nous aurons fait un tour complet : le Royaume-Uni peut-il se sortir de la morosité de 2024 ? A-t-on trouvé des éléments de réponse durant le premier semestre ?

Hélène B. : Cette question reste en suspens. La conjoncture britannique reste contrastée et difficile ; la consolidation budgétaire britannique n’est pas plus aisée que la consolidation budgétaire française, voire plus contrainte encore. En revanche, ce qui est notable et positif de notre point de vue, ce sont les signes de rapprochement du Royaume-Uni avec l'Union européenne, notamment au travers du Partenariat pour la sécurité et la défense.

Mickaëlle FML. : Merci Hélène pour tous ces éclaircissements, nous avons en effet eu un premier semestre 2025 très chargé, peut-être une dernière question avant de nous séparer, qui vient en surplomb de toutes les autres ? Au regard de tout ce que l’on s’est dit à l’instant, le second semestre 2025 sera-t-il aussi agité que le premier ?

Hélène B. : Une fois encore, l’incertitude règne et c’est l’une des raisons pour lesquelles il faut plutôt s’attendre à un nouveau semestre agité. Les marchés financiers cherchent plutôt à voir le verre à moitié plein mais ils restent nerveux et vulnérables face aux mauvaises nouvelles. Et il nous paraît fort probable qu’elles seront plus nombreuses de l’autre côté de l’Atlantique. Donc, gardons nos ceintures attachées, on n’en a probablement pas terminé avec les montagnes russes !

Mickaëlle FML. : Cela nous donne alors le programme d’un nouveau podcast avec tous ces éléments à surveiller ! Merci encore Hélène ! Merci à tous nos auditeurs de nous avoir encore suivis.

Hélène B. : Merci Mickaëlle, merci à tous.

Mickaëlle FML. : Je vous rappelle que vous trouverez sur le site de la recherche économique de BNP Paribas les analyses de notre équipe d’économistes tout au long de l’année. Nous vous souhaitons un bel été.

À bientôt !

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE