Le nouveau président taiwanais Lai Ching-te a pris ses fonctions le 20 mai dernier. Il devrait poursuivre l’agenda de politique intérieure et de politique étrangère de sa prédécesseuse, dans un climat plus tendu. D’une part, Pékin pourrait accroître ses manœuvres militaires autour de l’île. D’autre part, le Parlement est désormais dominé par les partis d’opposition, qui devraient ralentir ou bloquer de nombreux projets du gouvernement. Au moins la nouvelle administration pourra-t-elle compter sur une conjoncture économique favorable pour entamer son mandat. La croissance accélère depuis un an, tirée par le rebond du cycle électronique mondial
L’activité économique taiwanaise a fortement ralenti depuis le printemps 2022. L’île est particulièrement vulnérable à l’affaiblissement de la demande mondiale et au retournement du cycle électronique en raison de sa dépendance aux exportations de semi-conducteurs. En même temps, sa position de quasi-monopole sur le marché des microprocesseurs les plus sophistiqués la protège probablement contre la menace d’une agression chinoise, au moins à court terme. D’un point de vue strictement macroéconomique, Taiwan dispose de solides fondamentaux – et en particulier une position financière extérieure très confortable – qui renforcent sa capacité à résister aux chocs externes.
L’économie taiwanaise a très bien résisté aux multiples chocs extérieurs des deux dernières années. Le secteur exportateur a largement tiré parti de la forte hausse de la demande mondiale de biens de haute technologie. En outre, la demande domestique a bénéficié du soutien budgétaire et de la politique monétaire accommodante. En 2022, de nombreux freins devraient contraindre la croissance économique (vague d‘Omicron du printemps, ruptures d’approvisionnement liées à la conjoncture chaotique en Chine, accélération de l’inflation et durcissement de la politique monétaire, environnement international moins favorable). Le ralentissement de la croissance n’entraînerait qu’une dégradation limitée de la qualité des prêts bancaires
Si le secteur exportateur taiwanais a souffert du ralentissement des échanges entre la Chine et les Etats-Unis dès le printemps 2018, il a aussi rapidement bénéficié d’autres effets, positifs, du conflit commercial sino-américain. D’une part, les importateurs américains ont substitué certains produits chinois par des biens achetés directement à Taiwan. D’autre part, le conflit incite des entreprises taiwanaises du secteur manufacturier à quitter la Chine continentale pour relocaliser leur activité de production sur l’île, avec un ferme appui du gouvernement. Ces dynamiques ont permis à Taiwan d’afficher une croissance plus forte que prévu en 2019 et devraient se poursuivre en 2020.
Taïwan est une économie très ouverte, dotée d’une solide base d’exportation industrielle et d’une position financière extérieure particulièrement robuste. La croissance moyenne annuelle du PIB réel s’est repliée à 2,8% sur la période 2011-2019 contre 5,6% entre 2003 et 2007, mais la dynamique s’est inversée depuis 2020. Le choc Covid-19 a été bien géré ; le PIB réel a crû de 3,1 % en 2020 et la situation des comptes extérieurs et des finances publiques ne s’est pas détériorée. Taïwan a, au contraire, bénéficié de l’envolée de la demande mondiale de produits technologiques. De plus, les perspectives économiques à moyen terme se sont améliorées au cours des dernières années grâce à une augmentation régulière des investissements, aux mesures adoptées par le gouvernement pour renforcer la compétitivité de l’île et à de solides perspectives à l’exportation. Taïwan pourrait bénéficier de la relocalisation de certaines unités de production, de la Chine continentale vers l’île, les entreprises taïwanaises – vivement encouragées par les autorités – ayant modifié leur stratégie de production en réponse au relèvement, par les États-Unis, des droits de douane sur les importations chinoises et à la hausse des coûts de main-d’œuvre en Chine. Les relations difficiles avec la Chine continentale se soldent par l’isolement diplomatique de Taipei, ce qui compromet ses relations avec les autres pays et fait peser un risque permanent sur ses perspectives économiques et sa stabilité.