Tandis que la Réserve fédérale (Fed) estime que l’incertitude a faibli, sa conviction s’est renforcée quant à une hausse imminente de l’inflation liée aux tarifs douaniers. Le Comité (FOMC) apparaît néanmoins grandement divisé concernant la balance des risques. Nous maintenons notre prévision d’une absence de baisse de taux en 2025 face à un regain inflationniste combiné à une croissance insuffisamment ralentie.
Inflation, le passé compte moins que l’avenir Les dernières données positives de l’inflation (CPI à +2,4%, Core CPI à +2,8% a/a) n’auront pas suffi à relancer le cycle de baisses de taux. Les progrès visibles dans les données passées ne pèsent pas lourd face à la hausse anticipée de l’inflation, liée à la mise en œuvre des nouveaux tarifs douaniers. Nous notons des signes avant-coureurs de ce rebond annoncé, notamment dans les enquêtes ISM avec des prix payés (intrants) au plus haut depuis 2022 (graphique n°1), dont l’impact inflationniste peut s’ajouter à la seule hausse du prix des biens finis importés.
De plus, la chute des importations et l’allongement des délais de livraison annoncent de possibles difficultés en matière d’offre. Le FOMC semble avoir gagné en conviction quant à une hausse à venir de l’inflation. Les révisions du Summary of Economic Projections (SEP) sur le PCE et le Core PCE (+0,3 pp sur 2025) le montrent.
Un FOMC divisé Le SEP du T2 a conservé, de façon surprenante, la prévision médiane de deux baisses de taux en 2025, ce qui est aligné avec le marché des Fed Futures (graphique n°2). Néanmoins, ce chiffre masque une forte et étonnante dissension au sein du Comité (graphique n°3) avec 9 membres indiquant deux baisses, contre 7 sur le scénario du « no cut » . J. Powell a invité à prendre de la distance quant aux dot plots , évoquant l’incertitude qui les entoure et l’approche data-dependant des décisions, et confirmant la division.
Les projections rapportent également des révisions baissières sur la croissance du PIB par rapport au SEP de mars, à +1,4% a/a (-0,3pp) au T4 2025 (+1,2% pour BNP Paribas). Ce double risque — celui d’un ralentissement de l’économie, appelant à l’assouplissement monétaire, et celui d’une accélération de l’inflation suggérant un durcissement — explique à la fois la position unanime d’attente du FOMC et la division de ses membres sur la suite des évènements . Les données publiées au cours de l’été devraient jouer le rôle de juge de paix, alors que J. Powell bénéficie d’un premium d’influence lié à sa position. Nous maintenons notre scénario d’une absence de baisse de taux en présence d’un rebond de l’inflation cohabitant avec un ralentissement de l’économie insuffisant pour hâter l’assouplissement.
Une affaire d’ancrage L’enjeu majeur pour la Fed est d’éviter que la hausse attendue des prix se transforme en inflation durable, qui viendrait également menacer la composante plein-emploi du mandat dual. À ce titre, une attention maximale est portée à l’ancrage des anticipations d’inflation. Les annonces sur les tarifs douaniers ont fait s’envoler les anticipations des ménages, qui ont atteint des plus hauts depuis plus de 30, voire 40 ans. Toutefois, si le marché de l’emploi reste robuste (« solide » selon la Fed), il s’est substantiellement refroidi depuis la réouverture post-pandémique (graphique n°5), ce qui limite les éventuels effets de second tour par le canal salarial.
Les développements sur les anticipations d’inflation des marchés sont plus rassurants pour la Fed . Ainsi, l’analyse comparée du 1-year breakeven inflation swap et du 5y5y inflation swap sont conformes à l’idée d’une hausse temporaire de l’inflation (graphique n°2). La solidité de l’ancrage à moyen terme témoigne de la confiance des marchés dans l’action menée par le FOMC. Les risques associés à un désancrage des anticipations sont majeurs : inflation persistante, perte d’efficacité de la politique monétaire ou encore renchérissement des rendements obligataires. Des risques suffisamment importants pour que la Fed ne dévie pas de sa politique actuelle en l’absence d’un décrochage sensible de l’emploi et de l’activité.