Eco Insight

QT2 : la Fed cherche le bon tempo

19/03/2025
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Jusqu’à présent, la Réserve fédérale américaine (Fed) a piloté son programme de réduction de bilan (QT2) sans accrocs majeurs. Le principal risque auquel elle s’exposait était de créer une pénurie de réserves en banque centrale, au regard des exigences de liquidité imposées aux banques par Bâle 3. Les tensions observées sur les marchés monétaires au cours des derniers mois ont été relativement modestes au regard de la réduction du réservoir global de monnaie centrale et se sont vite dissipées. Il est possible que la Fed suspende momentanément QT2 - le temps qu’un nouveau compromis sur le plafond de la dette fédérale soit trouvé - et qu’elle y mette un terme définitif avant la fin de l’année. Au sortir du QT2, la Fed devra néanmoins rester prudente. Le cadre réglementaire et la stigmatisation associée à ses guichets de prêts l’y encouragent fortement. À cet effet, certains indicateurs pourraient enrichir sa palette d’outils de détection d’éventuelles pénuries de réserves et améliorer sa visibilité sur les conditions de redistribution de la liquidité.

Un bilan rétréci mais des réserves préservées jusqu’ici

Jusqu’à présent, la Fed a piloté le dégonflement de son portefeuille de titres (Quantitative Tightening, QT) de manière ordonnée. Le principal risque auquel elle s’exposait était de perdre le contrôle des taux courts de marché en asséchant les marchés monétaires. La première expérience de resserrement quantitatif de la Fed (QT1) avait échoué, en 2019, pour cette raison[1]. À l’époque, la Fed avait largement sous-estimé l’effet des nouvelles règles de liquidité sur les besoins en réserves des banques. Elle avait épuisé le volant de monnaie centrale que les banques détenaient, au-delà de leurs besoins, les empêchant de répondre aux demandes de cash sur les marchés monétaires. Les taux courts de marché s’étaient envolés, ce qui avait contraint la Fed à réinjecter en urgence des liquidités[2].

Les avoirs en banque centrale sont, en effet, indispensables à l’activité bancaire, et plus particulièrement depuis la grande crise financière de 2008 (encadré 1). Or, à mesure qu’une banque centrale réduit son bilan, elle détruit mécaniquement une partie des réserves que les banques détiennent auprès d’elle[3]. Depuis un an, la Fed a redoublé de prudence dans le pilotage de son bilan. Elle a, d’une part, ralenti le rythme de réduction de son bilan[4] et revu à la hausse son point d’atterrissage ; elle s’est, d’autre part, dotée de nouveaux outils de surveillance des risques de pénurie de réserves et d’injection de liquidités ; elle a, enfin, abaissé le taux de rémunération de ses facilités de prise en pension de titres[5].

OFFRE ET DEMANDE DE RÉSERVES EN BANQUE CENTRALE

Certes, pour l’heure, QT2 n’a eu qu’une incidence négligeable sur le montant des réserves en banque centrale. Du 1er juin 2022 (début du QT2) au 5 mars 2025, le bilan de la Fed a dégonflé de USD 2 100 mds, tandis que les réserves demeuraient quasi-inchangées. La baisse (- USD 1 800 mds) des mises en pension de titres[6] de la Fed auprès des fonds monétaires (MMF), dans le cadre du dispositif ON RRP (Overnight Reverse Repo ; encadré 2 et graphique 1), a en effet presque intégralement compensé l’impact du QT2. À partir d’avril 2023, le raccourcissement de la maturité de la dette émise par le Trésor et le surcroît de demandes de financements, exprimées sur les marchés de mises en pension (repo), ont progressivement réduit l’attractivité du dispositif ON RRP. Plutôt que de loger leurs avoirs au bilan de la Fed, les MMF ont été incités à les mobiliser pour souscrire aux émissions de T-bills (se substituant ainsi partiellement à la Fed) et pour prêter sur les marchés repo (graphique 2). Cela a permis d’amortir les effets du QT2 sur les réserves et, ainsi, de retarder le risque d’un manque de monnaie centrale (graphique 3). Compte tenu des encours résiduels des opérations ON RRP (USD 140 mds environ début mars), cet effet amortisseur sera dorénavant inopérant.

DÉFORMATION DU PASSIF DU BILAN DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE AMÉRICAINE
RÉÉQUILIBRAGE DES PORTEFEUILLES DES FONDS MONÉTAIRES AMÉRICAINS

La réintroduction du plafond de la dette fédérale va toutefois temporairement déformer la structure du passif du bilan de la Fed et, surtout, réduire sa visibilité sur les évolutions des marchés monétaires. Le 2 janvier dernier, la suspension du plafond de la dette fédérale a pris fin. Temporairement, à défaut d’être capable d’émettre des titres, le Trésor recourt à des mesures extraordinaires et puise dans ses avoirs auprès de la Fed (Treasury General Account, TGA) pour honorer le remboursement de ses tombées de dette et financer ses dépenses. Le 5 mars dernier, l’encours du compte du Trésor s’élevait à USD 520 mds environ.

DEPUIS LE DÉBUT DU QT2, LA RÉDUCTION DES AVOIRS DE LA FED A ÉTÉ PRINCIPALEMENT COMPENSÉE PAR LA BAISSE DES MISES EN PENSION
DEPUIS MI-2024, LE DISPOSITIF ON RRP A PERDU EN ATTRACTIVITÉ PAR RAPPORT AUX PENSIONS TRI-PARTITES

Toutes choses égales par ailleurs, les dépenses publiques réalisées grâce aux tirages sur le TGA vont entrainer mécaniquement un gonflement des réserves des banques auprès de la Fed (encadré 3). Cet impact positif pourrait toutefois être partiellement, voire intégralement, contrarié par les arbitrages des fonds monétaires. Les émissions de T-bills se raréfiant, les fonds monétaires vont, en effet, probablement élargir leurs « dépôts » auprès de la Fed via le dispositif ON RRP (ce qui détruira mécaniquement une partie des réserves des banques, encadré 2). Entre le 19 février et le 5 mars, le Trésor a retiré USD 216 mds de son compte. Or, les réserves des banques n’ont progressé que de USD 105 mds sur la même période, en raison, d’une part, de la poursuite du QT2 (baisse des actifs de la Fed de USD 26 mds) et, d’autre part, d’un rélargissement des « dépôts » des MMF (USD 70 mds), et d’une augmentation des autres postes de passif de la Fed (USD 15 mds). Si les prêts sur les marchés repo privés demeurent plus attractifs que la facilité ON RRP (comme c’est le cas actuellement, graphique 4), l’effet de la réduction du TGA sur les réserves sera très positif et amortira, pendant quelques mois, l’incidence du QT2. Dans le cas contraire, il sera faible, voire nul.

Dans tous les cas, le réservoir global de liquidités de banque centrale (réserves des banques et dépôts des MMF auprès de la Fed) augmentera pendant la phase de négociation sur le plafond de la dette. Plus tard, un compromis politique permettra au Trésor de réalimenter son compte auprès de la Fed, par le biais d’émissions de titres. La faible attractivité du dispositif ON RRP incitera les MMF à en sortir et à investir en T-bills. Dans l’éventualité d’une reconstitution partielle des avoirs du Trésor, l’effet net sur les réserves de cet épisode (hors effet du QT) pourrait être positif. Il est néanmoins probable que le Trésor soit amené à les reconstituer intégralement (en particulier si la nouvelle administration estime ses besoins en cash, en cas de cyberattaque, au même niveau que l’administration précédente), et que l’effet net soit nul. Quel que soit l’effet net, pendant quelques mois, les indicateurs surveillés par la Fed (cf. infra) risquent de perdre en pertinence. En août 2019, QT1 était interrompu. À la même date, le plafond sur la dette fédérale était suspendu, autorisant le Trésor à reconstituer ses avoirs auprès de la Fed. La quantité de monnaie en banque centrale s’était révélée insuffisante un mois seulement après (graphique 5).

EN 2019, LA CRISE DES MARCHÉS REPO ÉTAIT INTERVENUE UN MOIS APRÈS LA SUSPENSION DU PLAFOND DE LA DETTE FÉDÉRALE

La difficile évaluation des besoins en réserves des banques

À défaut de connaître précisément le montant optimal de réserves (ni insuffisant, ni trop abondant mais suffisamment « ample » pour écarter tout risque de stress qui lui imposerait d’injecter en urgence de la monnaie centrale), la Fed se donne pour objectif, depuis le lancement du QT2, de maintenir son offre de réserves au-dessus d’un niveau plancher, proche de celui observé au moment de l’accident de 2019. Elle a présenté en mai 2024 deux trajectoires possibles d’évolution de son bilan[7]. Elles supposent, toutes deux, la fin de la réduction du bilan en 2025 puis, au terme d’une année de pause[8], une reprise des achats d’actifs afin de préserver le stock de réserves à hauteur de 8% (hypothèse basse) ou de 10% (hypothèse haute) du PIB. À l’appui de simulations de la fonction de demande de réserves, Afonso, Giannone, La Spada et Williams (2022)[9] ont, par ailleurs, estimé qu’un ratio des réserves/actifs bancaires inférieur à 11% suggèrerait une rareté des réserves, un ratio supérieur à 11% mais inférieur à 12-13% indiquerait un stock de réserves suffisamment « ample », et au-delà de 13%, un stock « abondant ».

L’encours des réserves des banques auprès de la Fed s’établissait à environ USD 3 200 mds en moyenne au cours des deux premiers mois de 2025, soit 11,3% du PIB et 14% des actifs bancaires (contre USD 1 400 mds, soit 8% du PIB et autant des actifs bancaires, au moment de la crise des marchés repo de septembre 2019). D’après les paramètres retenus par la Fed, elle disposerait donc encore de marges de manœuvre pour réduire la taille de son bilan. À la mi-février, le stock de réserves excédant le seuil qui marque la frontière entre suffisance et insuffisance de réserves ne s’élevait toutefois plus qu’à USD 370 mds. Or, en supposant le maintien du rythme actuel du QT2, le portefeuille de titres de la Fed devrait encore diminuer de USD 400 mds d’ici la fin d’année. Toutes choses égales par ailleurs, et sur la base de nos prévisions de croissance du PIB, QT2 pourrait s’achever d’ici l’été 2025.

Le risque est toutefois que ces planchers aient perdu en pertinence. Pour diverses raisons, les besoins en réserves des banques évoluent (encadré 1). La difficulté est d’évaluer dans quelle ampleur.

Or, aux États-Unis, le niveau minimum de réserves désiré par les grandes banques est d’autant plus important que leurs contraintes de liquidité sont particulièrement exigeantes (cf. infra), et que la stigmatisation associée aux guichets de prêts de la Fed les prive d’un accès à la monnaie centrale en cas de besoin. Diverses solutions sont à l’étude pour corriger la perception très négative qu’en ont les superviseurs bancaires et les dirigeants de banques depuis 2008. La principale avancée en la matière, depuis la ruée bancaire de mars 2023, est la précision apportée par la Fed à l’occasion de la publication de « questions fréquemment posées » l’été dernier[10]. Elle y indique que, dans le cadre de leurs stress tests internes de liquidité (ILST), les banques peuvent envisager la reconstitution de leur stock de réserves, via la mobilisation de leurs actifs pré-positionnés auprès de la Fed (via la fenêtre d’escompte ou la facilité de prise en pension de titres de la Fed) ou auprès des Federal Home Loan Banks[11] (via les prêts garantis des FHLB), à condition toutefois de mobiliser des actifs « hautement liquides » (identiques aux titres éligibles aux actifs liquides de haute qualité au numérateur du LCR)[12].

Cet assouplissement vise à pallier l’effet stigmatisant - aux yeux des superviseurs et des dirigeants de banques - du recours aux facilités d’urgence de la Fed. Il doit les convaincre de leur utilité, dans le cadre réglementaire, pour répondre aux besoins immédiats de liquidité des banques (et à inciter les banques à se préparer à en faire usage en pré-positionnant des actifs).En conférant aux titres du Trésor et aux titres adossés aux créances hypothécaires émis par les agences de garantie et de refinancement hypothécaire (MBS), le statut de quasi-substituts aux réserves en banque centrale, dans le cadre des ILST (qui constitue l’exigence de liquidité la plus contraignante aux États-Unis), cet assouplissement pourrait, en outre, réduire le niveau minimum souhaité de réserves. Il risque toutefois d’évincer la détention d’actifs peu ou non liquides (comme les créances à l’économie) au profit d’actifs liquides (Treasuries, MBS) et de détourner la fenêtre d’escompte de son utilité première (transformer des actifs illiquides en liquidités pour des banques solvables confrontées à un choc de liquidité)[13]. Sa capacité à amoindrir le caractère stigmatisant des facilités de prêts de la Fed n’est, en outre, pas encore démontrée.

Une liste d’indicateurs avancés à compléter

La Fed a enrichi sa palette d’outils de détection d’éventuelles pénuries de réserves. Elle publie, notamment, depuis octobre 2024, une estimation « en temps réel » de l’élasticité du taux effectif des fonds fédéraux à une variation du stock agrégé de réserves (Reserve Demand Elasticity, RDE)[14]. D’après la Fed, cette estimation permettrait de distinguer les périodes où les réserves sont « abondantes » de celles où elles sont « amples », voire de celles où elles sont rares[15]. Au début du mois de février, la RDE demeurait proche de zéro.

D’autres indicateurs, comme la part des paiements interbancaires réglés en fin de journée (après 17h)[16], l’ampleur des découverts intra-journaliers des banques auprès de la Fed[17], le volume des emprunts des banques américaines sur le marché des fonds fédéraux[18] ou encore la proportion de mises en pension de titres facturées à un niveau supérieur ou égal au taux de rémunération des réserves[19] sont également surveillés[20].

Sur la base de ces indicateurs, la Fed considère, pour l’heure, que les réserves demeurent abondantes (Logan, 2024 et Perli, 2024 et 2025)[21]. De fait, les pressions observées sur les taux des marchés repo au second semestre 2024 (graphique 6)[22] ont, pour une large part, été provoquées par des évènements calendaires spécifiques (lors de la clôture des comptes financiers en fin de trimestre et fin d’année, les intermédiaires financiers sont incités à réduire leurs expositions bilancielles en ne renouvelant pas leurs prêts repo notamment ; aux dates de règlement des émissions de titres du Trésor ou de paiement de l’impôt, le stock de réserves s’érode mécaniquement). Dans un contexte de réduction de la masse globale de liquidités, ces tensions ne sont pas, selon la Fed, alarmantes, d’autant qu’elles ont été modestes et se sont rapidement dissipées (Gowen, Perli, Remache et Riordan, 2025)[23].

LA RÉDUCTION DE LA MASSE GLOBALE DE MONNAIE CENTRALE COMMENCE À ÊTRE PERCEPTIBLE SUR LES MARCHÉS MONÉTAIRES

Les indicateurs surveillés par la Fed mériteraient néanmoins d’être complétés. La Fed semble notamment sous-estimer les effets de l’essor du champ de la compensation centralisée des mises en pension de Treasuries, qui réduit les tensions de fin de trimestre mais accroît les besoins en réserves des banques (cf. infra). Par ailleurs, si la valeur moyenne des découverts intra-journaliers des banques auprès de la Fed demeure faible, signe de l’abondance des réserves au niveau agrégé, les pics des découverts intra-journaliers se sont nettement élargis au cours du second semestre 2024, renouant avec leur niveau de 2019[24]. Enfin, l’attention portée par la Fed au marché des fonds fédéraux suscite quelques interrogations. En effet, 1) les encours de prêts quotidiens y sont très modestes (une centaine de milliards de dollars en moyenne prêtés chaque jour contre 4 000 mds, au moins[25], sur les marchés de mises en pension de Treasuries), et 2) le nombre de participants y est, en temps normal, limité pour des raisons réglementaires (les GSE y réalisent l’essentiel des prêts, les succursales américaines de banques étrangères la plus large part des emprunts[26]).

Certes, en 2018 et 2022, alors que les besoins de liquidité se faisaient plus pressants, les banques régionales américaines ont eu plus largement recours au marché des fonds fédéraux. Les recommandations publiées en août 2024 par la Fed et la FDIC, relatives aux plans de résolution imposés aux banques de catégorie 2 et 3[27], pourraient néanmoins réduire leur intérêt pour ce marché. Les superviseurs ne préconisent pas un cadre aussi contraignant que celui appliqué aux banques systémiques mais recommandent une surveillance intra-journalière des risques de liquidité. Or, l’emprunt de fonds fédéraux n’est pas adapté pour répondre à ce type d’exigence. Sur le marché des fonds fédéraux, les prêts sont overnight. Les fonds empruntés sont généralement remboursés le matin (vers 5h30-6h00 du matin, heure de New York) et les emprunts reconduits à midi. La liquidité échappe ainsi pour quelques heures aux banques. L’emprunt de fonds fédéraux permet aux banques de se fournir en monnaie centrale pour régler une dette interbancaire, couvrir un décalage de paiements ou encore satisfaire la contrainte de liquidité bâloise LCR, mais il n’est pas adapté pour satisfaire aux exigences de liquidité spécifiques aux plans de résolution.

Les dépôts des FHLB auprès des banques constituent, en revanche, des indicateurs avancés pertinents, qui complèteraient opportunément la liste de ceux déjà surveillés par la Fed. La rapidité de leur gonflement, d’abord en 2018 puis courant 2022, à la veille de deux épisodes de tension extrême sur la liquidité (septembre 2019 et mars 2023), et la rémunération offerte en contrepartie (qui a pu excéder celle des réserves des banques auprès de la Fed) suggèrent, en effet, qu’ils améliorent, a contrario de l’emprunt de fonds fédéraux, les positions de liquidité intra-journalières et quotidiennes des grandes banques (graphiques 7 et 8). Leur surveillance paraît d’autant plus opportune que, depuis janvier dernier, les limites d’exposition par contrepartie, appliquées aux comptes de dépôts des FHLB, ont été relevées au même niveau que celles fixées pour leurs prêts de fonds fédéraux[28].

LES DÉPÔTS DES FHLB, INDICATEURS AVANCÉS DE TENSIONS SUR LA LIQUIDITÉ
DES DÉPÔTS MIEUX RÉMUNÉRÉS QUE LES PRÊTS DE FONDS FÉDÉRAUX

Les écueils du nouvel outil d’injection de liquidités

Avec la mise en place de la facilité permanente de prises en pension de titres (Standing Repo Facility, SRF) en juillet 2021, la Fed s’est dotée à la fois d’un nouvel indicateur avancé de possibles tensions sur la liquidité et d’un outil d’injection de monnaie centrale[29]. La SRF devait permettre aux établissements bancaires de convertir temporairement en monnaie centrale des titres placés en pension auprès de la Fed, de reconstituer leur stock de réserves en banque centrale[30] et, ainsi, de répondre aux demandes de cash exprimées sur les marchés monétaires. Elle vise, en complément du dispositif ON RRP, à instaurer un corridor pour les taux d’emprunt sur les marchés repo.

La capacité du dispositif à atténuer les tensions monétaires, en cas d’insuffisance de monnaie centrale, est toutefois compromise. Un premier écueil est l’absence de compensation centralisée des emprunts repo souscrits auprès de la Fed. Les opérations de la banque centrale américaine sont réalisées sur la plateforme de repo tri-partite (sur laquelle Bank of New York Mellon, en qualité d’agent tiers, gère les mouvements de titres et de cash entre les deux contreparties), mais sans compensation centralisée des positions via la Fixed Income Clearing Corporation (FICC). Or, l’intérêt premier du service rendu par la FICC est de permettre une compensation multilatérale des positions. Pour chaque type de sous-jacent donné, elle calcule le solde net des positions (soumises à compensation) de chacun de ses membres envers l’ensemble de leurs contreparties. La compensation centralisée permet ainsi aux primary dealers, non seulement de réduire leur exposition aux risques (de contrepartie et opérationnel) et les flux de trésorerie à réaliser au moment du règlement des opérations, mais également d’alléger leurs bilans. Les liquidités offertes par la Fed par le biais du dispositif SRF étant réalisées sans l’intervention de la FICC, elles sont donc inaccessibles aux primary dealers ou aux institutions de dépôts les plus contraints par leurs exigences de levier, en particulier à l’approche des arrêtés comptables. Cela est d’autant plus préjudiciable que certains intervenants (courtiers sans statut de primary dealers, institutions de dépôts de taille modeste, hedge funds), n’ayant accès ni au dispositif SRF ni aux fonds monétaires, s’appuient largement sur les primary dealers et les plus grandes banques pour se fournir en liquidités.

Un deuxième facteur limitant est la plage horaire des opérations. Elles sont réglées sur une plage horaire relativement tardive (entre 13h30 et 13h45), au regard des plages privilégiées par les intervenants sur les marchés repo bilatéraux pour financer leurs livres ou s’approvisionner en liquidités. L’ouverture du guichet de la SRF du 30 décembre au 3 janvier entre 8h15 et 8h30, en complément des heures d’ouverture habituelles, visait précisément à corriger cet écueil, à rassurer les intervenants sur la disponibilité de liquidités aux heures propices et à écarter le risque de tensions sur les marchés monétaires, au moment de la clôture des comptes de fin d’année. Enfin, le risque de stigmatisation associé à son usage est un troisième facteur susceptible de désinciter les banques à y recourir.

Par le passé, le faible recours au dispositif de prises en pension de titres de la Fed, lors d’épisodes de tensions intenses sur les marchés monétaires (en décembre 2019 puis mars 2020), avait déjà illustré la faible capacité du dispositif à contenir les taux sur les marchés de mise en pension. Au-delà des USD 256 milliards de liquidités « empruntés » auprès de la Fed, dans le cadre de ses opérations de prise en pension le 31 décembre 2019, les dealers avaient en partie refinancé leurs inventaires de titres par le biais d’emprunts repo auprès des MMF, compensés via la FICC à hauteur de USD 276 milliards. En mars 2020, face à la détérioration rapide des conditions financières, la Fed avait très largement augmenté le plafond de ses opérations de prise en pension. Pour autant, la demande des primary dealers était restée modeste, au regard de l’offre de liquidités de la Fed, et seule la promesse d’achats fermes « illimités » de titres, puis l’exclusion des réserves et des Treasuries du calcul du ratio de levier avaient permis de stabiliser les marchés.

Les deux dernières fins de trimestre (septembre et décembre 2024) n’ont, quant à elles, pas réellement permis de tester l’efficacité du dispositif. En effet, en septembre 2024, seules deux institutions y ont eu recours pour un montant total de USD 2,6 mds, et, en décembre 2024, USD 4 millions seulement ont été empruntés. Plusieurs facteurs ont pu jouer : 1) le volume agrégé de réserves, encore abondant ; 2) les craintes de tensions en fin d’année, qui ont incité certains intervenants à contracter des emprunts à terme plus tôt dans le mois, afin de s’immuniser contre le risque de hausse des taux overnight, réduisant ainsi la demande de cash exprimée au tournant de l’année ; 3) le niveau record des opérations de pensions livrées de Treasuries, avec compensation centralisée (USD 2 900 mds au 31 décembre dont 1 000 mds sous forme de sponsored reverse repo, graphique 9)[31].

L’ESSOR DU CHAMP DE LA COMPENSATION CENTRALISÉE

L’importance du marché bilatéral des mises en pension de titres

Comme en témoignent les indicateurs qu’elle privilégie et l’introduction de sa facilité SRF en 2021, la Fed concentre son attention sur un segment restreint du marché des mises en pension de titres du Trésor, celui des opérations tri-partites sans compensation centralisée (USD 730 mds en moyenne en 2024, hors dispositifs ON RRP et SRF de la Fed). Le suivi du taux d’emprunt sur ce segment de marché (taux TGCR, Tri-Party General Collateral Rate) est préféré à celui du taux au jour le jour du marché des repo SOFR (Secured Overnight Financing Rate). Ce dernier correspond au taux médian de l’ensemble des opérations de mise en pension de titres (pour lesquelles la Fed dispose de données[32]) réalisées de manière tri-partite, avec ou sans compensation centralisée (USD 750 mds), ou de manière bilatérale avec compensation centralisée (USD 1 250 mds). Le calcul du taux SOFR repose donc sur un montant total de transactions bien plus large (USD 2 000 mds en moyenne en 2024).

Or, le taux SOFR offre une meilleure visibilité sur les conditions d’accès à la liquidité en raison d’un champ plus large d’institutions financières, qu’il s’agisse de banques ou de non-banques (dealers, hedge funds). Sur les marchés repo, les dealers facilitent la circulation du cash et du collatéral. Ils empruntent généralement du cash sur le segment tri-partite, auprès d’institutions financières telles que les fonds monétaires ou les FHLB, et le prêtent sur le segment bilatéral aux institutions en demande de cash pour financer leurs portefeuilles de titres, telles que les hedge funds. La Fed déplore que les coûts inhérents à l’activité d’intermédiation des dealers[33] perturbent l’évolution du taux SOFR et rendent son interprétation difficile.

Selon nous, ce « bruit » peut, au contraire, servir à apprécier les conditions de redistribution de la liquidité (au moins partiellement puisque les données sur les mises en pension sans compensation centralisée sont très parcellaires). L’élargissement des inventaires des primary dealers en Treasuries et le poids grandissant des hedge funds parmi les détenteurs de Treasuries - deux types d’institutions financières qui se financent largement sur les marchés de mises en pension - ont accru la proportion de Treasuries financés par le biais de mises en pension (graphique 10), hors du segment tri-partite (graphique 11).

LA PROPORTION DE TREASURIES FINANCÉS PAR LE BIAIS DE MISES EN PENSION PROGRESSE
PANORAMA DES OPÉRATIONS DE MISES EN PENSION DE TREASURIES

L’essor du champ de la compensation centralisée des marchés repo a permis d’alléger les contraintes bilancielles des primary dealers (et réduit le risque de tensions sur les taux monétaires en fin de trimestre). Néanmoins, le gonflement des marchés repo a pu aussi accroître les besoins en réserves des grands dealers, pour remplir leur rôle de teneurs de marché, auprès des non-banques mais aussi des petits dealers ou petites banques, sans accès direct aux fonds monétaires ou à la facilité SRF de la Fed.

Achevé de rédiger le 11 mars 2025

LES EFFETS D’UN GONFLEMENT/DÉGONFLEMENT DU DISPOSITIF
DE MISE EN PENSION DE TITRES DE LA FED (ON RRP)

LES EFFETS D’UN GONFLEMENT/DÉGONFLEMENT DU COMPTE DU TRÉSOR AUPRÈS DE LA FED (TGA)

[1] Choulet C. (2018), Les réserves en banque centrale, bientôt insuffisantes ?, Conjoncture, BNP Paribas, décembre 2018 ; Choulet (2019), Les tensions sur la liquidité centrale, hors des radars, Ecoflash, BNP Paribas, avril 2019 ; Copeland A., Duffie D. et Yang Y. (2021), Reserves were not so ample after all, FRBNY Staff Report n°974, July 2021 ; Afonso G., Cipriani M., Copeland A., Kovner A., La Spada G. et Martin A. (2021), The market events of mid-September 2019, FRBNY, Economic Policy Review, Volume 27, Number 2, August 2021

[2] Choulet (2019), Le nouveau rôle de la Fed sous Bâle 3, Ecoflash, BNP Paribas, octobre 2019

[3] Choulet (2023), Le programme QT2 de réduction du bilan de la Fed sera-t-il éphémère ?, Conjoncture, BNP Paribas, janvier 2023

[4] Depuis juin 2024, la Fed prévoit de réduire de USD 25 mds par mois sa détention de titres du Trésor et de USD 35 mds son portefeuille de titres adossés à des créances hypothécaires (MBS). En raison de la faiblesse des remboursements anticipés de créances hypothécaires, la contraction mensuelle de son portefeuille de MBS ne s’élève qu’à USD 15 mds en moyenne.

[5] Le 18 décembre dernier, le FOMC a abaissé de 30 pb le taux de la facilité de mises en pension de titres de la Fed (ON RRP), le ramenant ainsi au bas de la fourchette du taux cible des fonds fédéraux, soit à 4,25%. Dans un contexte où la liquidité centrale se rarifie, maintenir un plancher pour les taux courts de marché (en assurant l’attractivité du dispositif ON RRP) perd, en effet, de son intérêt. Inciter les fonds monétaires à privilégier l’allocation de leurs avoirs sur les marchés privés de mise en pension et les T-bills peut, en revanche, limiter les pressions à la hausse sur les taux courts. Mécaniquement, le taux de la facilité de mises en pension de la Fed auprès des banques centrales étrangères (FRRP) a également été abaissé. À moins de rendements très attractifs et d’un prix de la couverture contre le risque de change modéré, il n’est toutefois pas certain que les banques centrales étrangères réélargissent leur exposition aux Treasuries au détriment de leurs « dépôts », dans le cadre de la FRRP (encours proche d’un niveau record à USD 390 mds le 5 mars dernier).

[6] Une opération de pension livrée - forme de cession temporaire de titres - peut être assimilée, du point de vue économique, à un prêt garanti (cash contre titres, dont la valeur est affectée d’une décote) ; envisagée du point de vue de celui qui prête les liquidités, c’est une prise en pension (reverse repo) ; de celui qui les emprunte, une mise en pension (repo). La mise en pension d’un titre est assortie d’un engagement de rachat à terme à un prix convenu. Le taux d’intérêt, ou taux de pension, correspond à la différence entre le prix de vente et le prix de rachat. La Fed définit l’opération en fonction de son effet sur sa contrepartie. Ainsi, du point de vue de la Fed, un repo est similaire à un prêt garanti (prise en pension) et comptabilisé à son actif tandis qu’un reverse repo est un emprunt garanti (mise en pension) et enregistré à son passif.

[7] Choulet (2024), La Fed tente d’écarter le risque d’un assèchement des marchés monétaires, Graphiques de la semaine, BNP Paribas, mai 2024

[8] Au terme du QT2, sa détention de Treasuries augmentera au détriment de son portefeuille de titres adossés à des créances hypothécaires (MBS).

[9] Afonso G., Giannone D., La Spada G. et Williams J. (2022), Scarce, abundant, or ample? A time-varying model of the reserve demand curve, Staff reports, FRBNY Staff Report n°1019, May 2022, Revised April 2024

[10] Federal Reserve Board - Frequently Asked Questions about Regulation YY

[11] Les FHLB forment un réseau de 11 coopératives de crédit privées. Leur principale mission consiste à soutenir le financement du marché immobilier résidentiel par le biais de prêts sécurisés aux établissements membres de leur réseau.

[12] Tout actif qui répond aux critères de liquidité et de qualité, présenté à l’avance, déposé, ou donné en garantie à une banque centrale ou à une Government-Sponsored Enterprise (GSE), mais qui n’a pas servi à mobiliser des liquidités continue d’être comptabiliser dans l’encours d’actifs liquides, dans le cadre des exigences réglementaires. Ce pré-positionnement n’aurait donc aucun effet sur les ratios réglementaires.

[13] Les banques mobilisent principalement des prêts à la consommation ou des prêts aux sociétés comme collatéraux à la fenêtre d’escompte.

[14] L’élasticité est calculée à partir de données confidentielles quotidiennes sur les dépôts agrégés des institutions de dépôts auprès de la Fed (normalisées par les actifs bancaires totaux). Pour tenir compte des changements de taux liés aux décisions de politique monétaire, le taux de rémunération des réserves est soustrait de la moyenne quotidienne pondérée du taux effectif des fonds fédéraux. Reserve Demand Elasticity - FEDERAL RESERVE BANK of NEW YORK

[15] Lorsque les réserves sont abondantes et les besoins en monnaie centrale des banques largement satisfaits, cette élasticité est supposée nulle (la courbe de demande de réserves est plate) ; lorsque le stock de réserves est suffisant pour répondre aux besoins des banques, cette élasticité est supposée négative mais faible (la courbe est en pente douce) ; lorsque les réserves deviennent rares, l’élasticité est supposée négative et forte (la courbe est fortement inclinée).

[16] Tout au long de la journée, les banques utilisent leurs comptes auprès de la Fed pour effectuer des paiements vers d’autres banques, en transférant leurs réserves via le Fedwire Funds Service. Lorsque l’offre de réserves diminue, les banques ont tendance à reporter leurs paiements en fin de la journée afin de s’assurer qu’elles disposent des réserves suffisantes.

[17] En raison des décalages entre les paiements entrants et sortants, le solde du compte d’une banque auprès de la Fed peut être négatif au cours d’une journée. À mesure que les réserves deviennent moins abondantes, le recours des banques au crédit intra-journalier de la Fed devrait s’accroître.

[18] Tant que les réserves en banque centrale demeurent abondantes, les banques américaines ont peu d’intérêt à emprunter des fonds fédéraux (commission versée à la FDIC, exigence de levier, pénalité associée aux dettes interbancaires pour le calcul du LCR) contrairement aux succursales américaines de banques étrangères (accès à un refinancement en dollar, attrait de la rémunération offerte par la Fed sur les réserves, pas de commission à verser à la FDIC). Si la monnaie centrale se raréfiait, les banques américaines pourraient y recourir plus largement.

[19] Le marché de mise en pension de titres et celui des fonds fédéraux sont des substituts proches pour certaines banques. Un assèchement de la monnaie centrale devrait contrarier la capacité des banques à intermédier le marché de mise en pension et se traduire par une pression à la hausse sur les taux repo.

[20] ­­A New Set of Indicators of Reserve Ampleness - Liberty Street Economics

[21] https://www.dallasfed.org/news/speeches/logan/2024/lkl241021; Balance Sheet Normalization: Monitoring Reserve Conditions and Understanding Repo Market Pressures - FEDERAL RESERVE BANK of NEW YORK; Current Issues in Monetary Policy Implementation - FEDERAL RESERVE BANK of NEW YORK

[22] À la fin du T3 2024, le taux de référence sur les transactions repo au jour le jour (SOFR) s’est écarté de 22 pb du taux effectif des fonds fédéraux (de 5 pb de la borne haute du corridor de taux de la Fed), de 20 pb le 26 décembre (de 3 pb respectivement) ; les spreads les plus élevés depuis mars 2020.

[23] Gowen B., Perli R., Remache J. et Riordan W. (2025), Monitoring money market dynamics around year-end, FRBNY, January 2025

[24] Federal Reserve Board - Data: Peak and Average Daylight Overdrafts and Related Fees

[25] Ce volume ne tient pas compte des opérations bilatérales sans compensation centralisée, pour lesquelles la Fed ne dispose que d’informations parcellaires.

[26] Cf note 18. Les FHLB sont, en revanche, incitées à prêter sur ce marché (leur compte auprès de la Fed n’est pas rémunéré, les prêts de fonds fédéraux constituent des actifs liquides nécessaires au respect de leurs contraintes réglementaires et à l’offre de prêts sécurisés aux banques).

[27] Banques dont la taille de bilan excède USD 100 mds mais qui ne sont pas considérées d’importance systémique ; Federal Reserve, Federal Deposit Insurance Corporation (2024), Guidance for resolution plan submissions of domestic triennial full filers, Federal Register, vol.89, n°158, August 2024

[28] Choulet (2024), Les dépôts des FHLB, indicateurs avancés de tension sur la liquidité, Graphiques de la semaine, BNP Paribas, octobre 2024 et FHFA Announces Final Rule Expanding Access to Liquidity for the Federal Home Loan Bank System | FHFA

[29] Choulet (2021), La Fed, nouvelle contrepartie repo préférée en période de tensions, Ecoflash, BNP Paribas, décembre 2021

[30] Dans le cadre du dispositif SRF, certaines contreparties (primary dealers et institutions de dépôts, dont la taille de bilan excède USD 10 mds ou dont le portefeuille de titres éligibles excède USD 2 mds) peuvent mettre en pension auprès de la Fed des Treasuries, titres de dette et MBS émis par les GSE et agences publiques. Chaque contrepartie éligible peut « emprunter » quotidiennement auprès de la Fed jusqu’à USD 120 mds de cash. Les opérations sont facturées au taux de la facilité de prêt marginal (4,5% depuis le 18 décembre) et plafonnées au niveau agrégé à USD 500 mds. La Fed comptabilise le repo à son actif comme une créance et crédite le compte courant de la banque intermédiaire (réserves en banque centrale) à son passif. Actuellement, la liste des contreparties SRF de la Fed compte, en plus des 25 primary dealers, 37 institutions de dépôts.

[31] Le Sponsored service de la FICC permet aux dealers de parrainer l’adhésion indirecte de certaines de leurs contreparties (fonds monétaires, hedge funds) à la FICC et de soumettre à la compensation centralisée leurs opérations sur le marché repo.

[32] Certaines transactions “spéciales” sont exclues du calcul : Statement on the Implementation of Modifications to the Secured Overnight Financing Rate (SOFR) - FEDERAL RESERVE BANK of NEW YORK.

[33] L’activité de tenue de marché suppose l’inscription au bilan des teneurs de marché d’un large inventaire de négociation et de nombreuses opérations de mises et prises en pension de titres. Or, Bâle 3 a durci les exigences de levier et ainsi accru le coût bilanciel associé à l’activité des primary dealers (pour la plupart filiales de grandes banques). Le décalage horaire entre le règlement des opérations tripartites et celui des opérations bilatérales occasionne, par ailleurs, des frais opérationnels.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE