La Réserve fédérale (Fed), a décidé, le 18 septembre, de réduire sa cible de taux à +4.75% - +5.0% (-50 pb), initiant une détente des taux destinée à se poursuivre lors des prochaines réunions du FOMC. La direction du mouvement trouve son fondement dans le ralentissement simultané du marché de l’emploi et de l’inflation. Son ampleur vise à préserver le dynamisme de l’économie et relève d’une interprétation extensive et inédite du mandat dual. Notre scénario central suggère, à horizon de projections, une poursuite de la désinflation sans qu’une récession intervienne. Dans le même temps, les États-Unis s’avancent vers une échéance présidentielle encore plus déterminante qu’à l’accoutumée.
La croissance américaine a accéléré au T2 2024, avec une progression de +0,7% t/t du PIB (+0,3 pp par rapport au T1), majoritairement portée par la consommation des ménages (0,5pp). En parallèle, l’investissement résidentiel s’est réduit (-0,5% t/t), mettant un terme à trois trimestres consécutifs d’amélioration et demeurant la seule composante du PIB à se situer (en volume) en-deçà de son niveau pré-Covid. Le GDPnow de la Fed d’Atlanta indique un maintien de la croissance à +0,7% t/t au T3. Nous anticipons ensuite un ralentissement à un rythme de +0,4% - +0,5% lors des trimestres à venir. En outre, nous prévoyons que le taux de croissance annuel moyen s’élèvera à +2,6% en 2024 (+0,1pp a/a), un résultat sensiblement au-dessus des estimations de son niveau de long terme (+1,8% selon la Fed).
Les données du groupe de contrôle des ventes au détail en juillet et août suggèrent que le T3 devrait confirmer la croissance continue de la consommation tout au long de l’entreprise de resserrement monétaire, par contraste avec l’investissement résidentiel, i.e. l’autre composante interest-sensitive du PIB. L’initiation de la détente des taux (voir ci-après) ne signifie toutefois pas le relâchement de toutes contraintes pour les ménages. Notamment, l’augmentation des taux hypothécaires a jusqu’ici eu pour effet principal de réduire drastiquement la demande de crédit, d’où une hausse limitée du taux d’intérêt moyen sur l’encours immobilier entre le T4 2021 (3,9%) et le T1 2024 (4,1%). Les effets retardés du resserrement devraient continuer à se manifester par le canal du crédit au fil du renouvellement des emprunts immobiliers, alors que le taux moyen à 30 ans ne devrait pas se réduire en-deçà de 5,5% à l’horizon 2026 (soit un niveau sensiblement plus élevé que celui qui prévalait avant la pandémie de Covid-19). À l’inverse, un effet positif est à attendre de la poursuite du processus de rattrapage des revenus sur l’inflation, alors que le revenu disponible réel moyen a progressé en 2023 (+4,0% a/a) pour la première fois depuis 2019 et que les évolutions comparées des salaires horaires moyens et de l’inflation en 2024, à date, pointent vers de nouveaux gains cette année.
Protéger l'atterrissage en douceur
La réunion de septembre du FOMC a donné lieu à une baisse de -50 pb de la cible de taux à +4,75 % - +5,0%. Le début du cycle d’assouplissement est justifié par le ralentissement conjoint de l’inflation et du marché de l’emploi, qui entraîne un rééquilibrage des risques autour de ces deux objectifs du mandat dual de la Fed. L’inflation (mesurée par l’IPC) s’élève en août 2024 à +2,6% a/a (momentum de +0,9%) avec un indice sous-jacent à +3,3% a/a (+1,9%). La Fed estime avoir gagné en confiance quant à son retour vers la cible de 2%. Le refroidissement du marché de l’emploi, « immanquable » selon les mots de Jerome Powell, se reflète notamment dans le ralentissement de la croissance mensuelle de l’emploi salarié en moyenne annuelle (+210k en septembre 2024 contre +601k au T1 2022, soit au début du resserrement monétaire) et dans la baisse du ratio emplois vacants/personnes à la recherche d’un emploi (1,1 contre 1,9).
La décision de recalibrer la politique monétaire avec l’objectif explicite de préserver le dynamisme de l’économie, en d’autres termes, sans crainte matérielle d’un fort ralentissement imminent de l’économie, est sans précédent. En effet, la poursuite de la trajectoire de désinflation sans contraction du PIB demeurait le scénario central des prévisionnistes, sans démarrage en trombe du cycle d’assouplissement monétaire, traditionnellement réservé aux périodes de fortes crispations (septembre 2007, mars 2020). Si le soft landing devait véritablement se concrétiser cette année et l’année prochaine, Jerome Powell, qui accorde à la Fed un satisfecit pour « la restauration de l’équilibre entre l’offre et la demande agrégées, le relâchement des tensions inflationnistes et la garantie du bon ancrage des anticipations d’inflation », associerait son nom à l’une des rares occurrences d’atterrissage en douceur de l’histoire économique des États-Unis. Le caractère hétérodoxe de sa nouvelle défense du mandat dual pourrait en outre constituer un cas d’école de la conduite de la politique monétaire dans l’ère post-pandémique Cependant, les facteurs explicatifs de la désinflation, notamment le rôle effectif du resserrement monétaire, resteront sources de débats académiques.
Présidentielle 2024 : quel rôle pour l'économie ?
L’élection présidentielle 2024 verra s’affronter l’ex-président Donald Trump (républicain) et la vice-présidente sortante Kamala Harris (démocrate). Les questions économiques demeurent essentielles en dépit de la place prépondérante occupée par les sujets sociétaux. Aussi, en la matière, les enjeux principaux de l’élection incluent notamment la trajectoire budgétaire de l’État fédéral, tandis que le président élu aura à désigner, en 2026, le successeur de Jerome Powell à la tête de la banque centrale. Enfin, la perception du bilan économique de l’administration sortante aura un rôle à jouer, alors que l’élection intervient dans un contexte de désynchronisation entre le sentiment des agents et les performances macroéconomiques du pays. En août 2024, 41% des Américains citent un élément d’ordre économique lorsqu’interrogés sur « le problème le plus important de la Nation », contre 9% lors de la prise de fonctions de Joe Biden. Si les sondages placent Harris devant Trump au niveau national, c’est le capacité des candidats à s’imposer dans les États-clés (Arizona, Géorgie, Michigan, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie, Wisconsin) qui fera la décision.
Achevé de rédiger le 04 Octobre 2024